[critique] Turkish Star Wars

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Dans le futur, l’Homme est parti à la conquête de l’espace, et colonise d’autres planètes. L’humanité vit paisiblement et possède une technologie très avancée. Mais de méchants hommes souhaitent utiliser ces technologies pour devenir immortels. S’opposent alors les membres de l’Empire Tyrannique (qui veulent être immortels) et les gentils humains (qui ne veulent pas devenir immortels). S’ensuit une guerre nucléaire ente les deux camps. Pour se protéger de l’Empire Tyrannique, les gentils humains créent un bouclier autour de la Terre avec la force de volonté de leur cerveau. Les Méchants de l’Empire Tyrannique n’ayant pas de cerveaux, ils ne peuvent passer en travers de ce bouclier et détruire la Terre. Murat et Ali, deux pilotes de vaisseaux-spatiaux de l’armée des gentils humains, s’écrasent sur une planète inconnue au cours d’une bataille…

Pifomètre Nanar

Date de sortie : 1982
Réalisé par Çetin Inanç
Film turc
Avec Cüneyt Arkin, Aytekin Akkaya, Füsun Uçar, Hüseyin Peyda, Necla Fide
Durée : 1h30min
Titre original : Dünyayi kurtaran adam

S’il représente un défi certain pour chaque individu qui serait amené à le visionner, il est aussi le film que tout vrai amateur de nanar doit voir un jour. Parce qu’objectivement parlant, Turkish Star Wars ou de son vrai nom « L’homme qui sauva le monde » est le plus grand nanar de tous les temps, et c’est pourquoi je lui dédie aujourd’hui une critique certes bien remplie mais qui se doit d’être à la hauteur de cette œuvre puissante qui ne se pose aucune limite et se plante comme le gardien ultime du cinéma déviant qui feraient passer des séries Z pour des blockbusters. Ce film est si riche et dense qu’il est assez difficile d’en synthétiser l’ensemble, nous allons donc procéder par parties.

L’histoire : Une voix off va vous donner quelques indications sur l’univers du film, une introduction qui va vous pousser à vider toutes les boîtes d’aspirine de votre placard. Si le début, bien qu’hasardeux, reste compréhensible, il arrive un moment où l’on bascule dans le n’importe quoi et ce n’est pas peu dire.
Une fois que le film débute réellement, on ne peut que se rendre à l’évidence : on a pas tout compris. Mais outre les détails à s’arracher les cheveux on comprend au moins qu’il y a deux héros, un peuple opprimé et des méchants venus d’ailleurs dirigés par l’alter ego Turc de Dark Vador qui semble revenir du bal masqué de Pompéi-les-Oies. Nos deux héros sont les Turcs les plus forts du monde et ils vont se lancer en croisade contre les ennemis.
Autant dire que niveau scénario, Turkish Star Wars n’est pas bancal, loin de là, en fait il est déjà 20 pieds sous-terre. Cherchant à donner un souffle mythique à son œuvre, le réalisateur, Cetin Inanç, puise justement dans plusieurs de nos mythes et religions puis les mélange dans une histoire abracadabrantesque où il cherche à instaurer un petit zeste de philosophie qui aurait bien fait marrer Socrate.
Au final, le spectateur est perdu, ne sait plus où donner de la tête et laisse ce flux d’idiotie le traverser sans pouvoir faire grand-chose.

Les acteurs : Le héros est joué par Cüneyt Arkin, sorte de sosie d’Alain Delon. Son rôle consiste à être le beau gosse au regard ténébreux qui va sauver la planète ce qui nous laisse voir toutes les facettes du jeu de Cüneyt Arkin oscillant entre l’air où il cherche à en imposer, celui où il tombe amoureux qui est assez sympa à regarder vu que même une grenouille aurait l’air plus convaincante et surtout celle où il ponctue ses scènes d’actions de grimaces qui vont vivement stimuler les zygomatiques.
Il est accompagné par son ami brun amateur de blagues ayant tout l’éclat d’une flaque de boue séchant au soleil durant une aride journée d’août. Et n’oublions pas la blonde dont le héros tombera amoureux dès le premier regard, qui passe son temps à plaquer sur son visage ingrat un sourire débile.
Un ensemble de comédiens à jeter largement dominé par le grand Cüneyt Arkin et son physique d’Apollon (ou du moins un de ses lointains cousins).

Mise en scène, cadrage, éclairage, montage, effets spéciaux : La mise en scène de Turkish Star Wars pulvérise tous les records avec une aisance déconcertante. Le tout est filmé à l’épaule par des agités qui réussissent à faire sortir les acteurs du cadre où à filmer des accessoires censés être invisible. Certains plans sont tout simplement incompréhensible, le montage quant-à-lui donne l’impression qu’on est dans la tête d’un fou furieux épileptique et fait perdre tout repère, organisant une sorte d’émeute filmique sans nom avec une technique toute particulière consistant à nous passer une succession d’images très rapides et parfois de plans qui peuvent paraître assez incongrues ( là, je pense à ce plan de cheval qui cabre tout seul en pleine baston tout seul et qu’on nous passe deux fois, mais ce n’est qu’un exemple).
Jamais ça ne s’arrête, jamais ça ne décroît, jamais ça ne stagne, dès le début, Turkish Star Wars explose tous les critères du nanar sans exception et entame une ascension qui grimpera toujours plus haut et culminera jusque dans les dernières minutes du film, même si nos cœurs naïfs nous disent au bout d’un moment que l’on ne peut faire pire que la scène qui vient de passer. Détrompez-vous, Turkish Star Wars ira toujours plus loin.
Les faux-raccords monstrueux se suivent et ne se ressemblent pas, et pour cause, ce film, dans son manque cruel de moyens budgétaire que ne peuvent pallier des talents dégénérés, passe outre le droit d’auteur et pique des stocks shots issus de divers métrages. Cela va du péplum au film de monstre des années quarante en passant par Star Wars. Un capharnaüm de plans qui n’ont rien à voir les uns avec les autres et qui relève tellement du bricolage que nous sommes souvent contraints à deviner ce qu’il se passe à l’écran. La vraie part du budget fut engloutie pour sa part dans les armures et épées en cartons, les peluches faites avec les restes de l’Exposition Mondiale de la Moquette, quelques masques achetés pendant Halloween…
En bref, dans une galerie de monstres, robots et accessoires qui sauront surprendre le plus blasé des spectateurs.

Bande-son : Turkish Star Wars étant un film financé à la tirelire, la bande-son de ce film hybride devient l’exemple rêvé pour définir l’Abominable. Ne disposant que d’une mono piste, la musique se voit de temps en temps carrément coupée quand un effet sonore intervient pour reprendre juste après. Il n’échappera à personne qu’auditivement parlant, le résultat n’est pas de toute première qualité.
Et encore faut-il laisser à nos tympans transis d’effroi apprécier l’effet sonore en lui-même, qui va du frottement de papier pour recréer le crépitement du feu ou encore les chocs entre épées qui évoquent plus un combat de cuillères qu’un duel entre fines lames. Un mélange de bric-à-brac impossible à retranscrire, constitués donc par des effets sonores qui, loin de révolutionner le domaine de la science-fiction nous font penser aux gargouillements d’un flipper rongé par les ans laissé branché dans une salle d’arcade plus vraiment à la page.
Mais en plus de se doter de sons pas fameux, nos amis, comme on l’a déjà mentionné, se mettent le concept de droit d’auteur dans un lieu des plus glauque que la bienséance m’interdit d’évoquer et piquent littéralement la bande originale d’Indiana Jones. Pas une note n’est modifiée, on retrouve bien le CD des Aventuriers de l’Arche Perdue comme principale bande non-originale avec aussi un morceau dont je subodore de trouver l’origine chez la B.O. de Jerry Goldsmith pour La Planète Des Singes et quelques autres encore pas identifiés. Pas la moindre once de respect n’est montrée pour ces œuvres musicales montées n’importe comment, coupant parfois net pour reprendre trois secondes plus tard.
Le mixage final entre ces effets sonores de l’autre monde et ces musiques volées donnent un ensemble insoutenable qui accompagnement parfaitement les images du film. La fusion d’une bande-son aussi épuisante avec des images aussi choquantes va vous donner une idée de ce que pourrait être la quatrième dimension pour un psychotique aliéné dont la démence est nourrie par des camions de coke retouchée chimiquement à la caféine.

Les combats : Les combats de Turkish Star Wars représentent l’attraction principale de ce fleuron ultime. Des chorégraphies de plus en plus savoureuses contre des ennemis de plus en plus laids se succèdent à un rythme d’enfer. Ce sera l’occasion pour Cüneyt Arkin de délivrer tout son savoir-faire facial et aussi de son talent inné pour l’utilisation du trampoline qu’on peut apercevoir au détour d’un plan puisque une grande partie de la tactique de son personnage consiste à bondir dans les airs plusieurs fois de suite.
A n’en pas douter, les combats de Turkish Star Wars vont redéfinir les lois des arts martiaux.

Un petit mot sur la fin : La fin de Turkish Star Wars est le coup de grâce, les dix dernières minutes sont à même de vous ruiner la santé. Fidèle au code des grandes fresques épiques, Turkish Star Wars nous offre un affrontement au sommet, une apothéose qui va rendre le spectateur béat. Et comme ils ont dû se dire qu’ils n’avaient plus rien à perdre, ils ont tout fait, tout osé. Ils ont laissé dériver leur imagination vers des coins encore inexplorés du cerveau humain.
Alors que les vaisseaux de Star Wars se tapent l’incruste, que des scènes de péplum confuses font un petit coucou, les Forces du Bien et du Mal se livrent une bataille sans merci sous la musique d’Indiana Jones qui fait fièrement éclater ses cuivres. Le héros ne sait plus où donner de la tête, il fracasse des zombies en plastique, trucide des monstres en peluche, dézingue des momies en papier toilette, éclate des modèles de Jean Paul Gautier, déboulonne un homme d’étain, met une taulée à un turc qui veut retrouver coûte que coûte ses racines chinoises et bute quelques délinquants qui revenaient d’Halloween à travers un festival de tronches, de fumigènes et de trampoline. Tout ça pour arriver au duel Ultime contre le Dark Vador Barbu et Carnavalesque où le meilleur vous est réservé bien entendu. A savoir (outre un combat qui redéfinit les normes du minable) l’effet spécial le plus mal foutu du cinéma.
Une véritable flopée d’images qui vous détruit la rétine, une cacophonie traumatisante qui vous dégoûte d’avoir des oreilles, un défi lancé à l’intellect humain. En bref et pour faire plus simple:  le point culminant d’un film qui tutoie sans aucun malaise le grotesque absolu.

ATTENTION SPOILERS ( la bataille finale en intégralité)

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Il est cependant bon de préciser que Turkish Star Wars est une œuvre issue du cinéma Turc et que son statut de daube intersidérale ne lui a pas valu une sortie internationale, l’empêchant ainsi de crever les écrans du monde entier et d’amener son équipe de génie novateurs devant les marches rouges du Festival de Cannes par exemple.
Alors, Turkish Star Wars n’existe qu’en V.O. et si des bilingues généreux se sont donnés la peine de donner des sous-titres au film, je me dois de préciser que ma première vision de ce métrage fut sans l’aide d’une quelconque traduction et je pense qu’il est inutile de dire que je ne parle pas un mot de turc. Même sans comprendre toutes les subtilités de l’histoire, le film m’a filé l’une des plus grosse claques cinématographique que j’ai pu recevoir. Une fois les sous-titres obtenus, personne ne fut surpris que l’addition des dialogues à l’accumulation d’énormités tout simplement infâmes pour toute personne portant ne serait-ce qu’un bout d’affection pour le cinéma a permis de décupler par 12 la puissance nanarde de Turkish Star Wars. Ce n’était qu’une petite parenthèse. Mais il est bien préférable de le voir en sous-titré sous peine de souffrir de quelques longueurs.
Quoi qu’il en soit, si vous décidez de voir ce film en entier, ne le faites pas seuls et préparez-vous à subir une véritable épreuve aussi bien physique que mentale.

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