[critique] Nous, Les Vivants

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L’homme est le plaisir de l’homme. Ce qu’il veut simplement dire par là, c’est que l’homme n’est pas seul sur terre, c’est un être social dépendant des autres hommes. L’homme n’est pas seulement le plaisir de l’homme : c’est aussi le fléau de l’homme, une menace et une douleur. C’est pour ça que l’homme est sans cesse notre centre d’intérêt. L’homme est la fascination de l’homme.

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 21 novembre 2007
Réalisé par Roy Andersson
Film suédois
Avec Jessika Lundberg, Elisabeth Helander, Björn Englund
Durée : 1h35min
Titre original : Du Levande
Bande-Annonce :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=lZG3qv-paRA;feature=related[/youtube]

Roy Andersson appartient à cette ascendance cinématographique atypique scandinave qui excelle dans l’art de dépeindre la condition humaine dans toute sa noirceur, sans pour autant laisser le pessimisme l’emporter. Scénariste-réalisateur de quatre long-métrages en quatre décennies, le cinéaste prend son temps, celui nécessaire à l’acte créatif, dédaignant les impératifs institués par une économie libérale en branle. Le trublion fait ‘son’ cinéma !

Nous, les Vivants ’, dans sa forme, occupe une place distincte: l’intrigue est absente, point donc de personnage central. Cet obscur objet de dissertation expose une mosaïque de cinquante sept saynètes filmées la plupart du temps en caméra statique. Trois années furent nécessaires pour réaliser ce projet, non pas tant en raison d’un budget étriqué, mais bien parce que Roy Andersson a réalisé 57 ‘court-métrages’ pour en faire un long, et la préparation de chaque tableau fut méticuleuse ! Les dialogues, la photographie, les acteurs ont bénéficié de soins intensifs particuliers, dans l’unique ambition de transposer l’altérité du monde dans lequel nous évoluons.

Le choc est frontal, la vision du réalisateur vient se fracasser à cette ipséité qui nous caractérise communément, lorsque paradant d’artifices au milieu de nos semblables, nous éludons notre propre condition, celle du destin commun à tous, conjecturée par la conscience individuelle. Au travers de ces personnages lambda, le sentiment d’égotisme est particulièrement mis en exergue, non sans une certaine dose d’humour estampillé scandinave, noir et subversif. Subrepticement, nous sourions sans forfaiture de la condition de l’autre, et nous nous moquons gentiment et inconsciemment de nous-mêmes! Le miroir joue son rôle à pleine mesure.

Tels les caractères de Théophraste, ces portraits croqués sur le vif, fourmillent de détails et d’informations suggestives touchant la vie quotidienne d’une certaine classe moyenne universellement représentée. La sublime mais non moins désopilante confrontation entre ces bourgeois nantis et le pauvre hère qui enlève subitement le tapis de table, démontre avec virulence les rituels dont s’accommode notre société occidentale excluant toute forme d’échec.

L’attachement du cinéaste pour les simples gestes du quotidien traduit une forme de philanthropisme onirique, évoluant en permanence entre rêve et réalité. Le récurrent ‘Personne ne me comprend’ agit comme non seulement comme effet comique, mais restructure ce chaos névrotique pour accentuer l’universalité des personnages.

La photographie, à partir de ‘Chansons du Deuxième Etage’ répond plus à un esthétisme de l’abstraction, au contraire de ses premières œuvres qui calquaient davantage le néo-réalisme italien (Roy Andersson aime ‘Le Voleur de Bicyclettes’). La conjugaison d’un éclairage tamisé avec des maquillages blêmes et des nuances monochromes à prédominance vertes – inclination très kaurismakienne – instaure ipso facto un climat particulier.

Ne furetez pas après les ombres, elles sont expurgées par l’utilisation d’une lumière très douce. Le cinéaste maitrise d’autant mieux l’agencement de l’espace, et filme en grand angle la mouvance du corps actorial dans toute sa quintessence.

Nous les Vivants’ érige l’Homme au statut de farce, sans jamais le caricaturer de manière outrancière, mais au-delà de cette pantalonnade, le message véhiculé est crucial : l’Homme de par sa nature et ses fondements ne peut échapper à sa propre condition, ce destin qui nous est commun. Roy Andersson sublime l’Etre au point de non-retour, non pas l’Etre de chair, mais celui de la foi, de l’espérance et de l’incarnation.
‘Qui se connaît, connaît aussi les autres, car chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition.’ Montaigne.

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