RÉGRESSION
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RÉGRESSION, croire ou ne pas croire, telle est la question – Critique

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L’hispano-chilien Alejandro Amenábar est un réalisateur aussi talentueux que rare. C’est simple : en 5 films, il n’a jamais déçu. Son dernier, Agora, remonte maintenant à 2009, ce qui représente pas mal de temps mais demeure dans la moyenne des écarts entre chacune de ses nouvelles sorties. RÉGRESSION est sa quatrième incursion dans le thriller psychologique après Tesis, encore un peu injustement méconnu, Ouvre les yeux et l’excellent Les Autres, où Nicole Kidman était enfermée dans une maison hantée.

Dans les années 80, d’étranges événements se déroulent aux États-Unis et la police ainsi que l’opinion publique se confrontent à des crimes perpétrés lors de rites sataniques. C’est sur ces faits réels que se base le scénario de RÉGRESSION, nous plongeant dans une Amérique profonde cachant des secrets sordides. Ethan Hawke y incarne l’inspecteur Bruce Keller chargé de faire la lumière sur une inquiétante affaire de viol aux accents diaboliques. La victime, Angela, est interprétée par une Emma Watson ayant réussie en quelques projets à se détacher de l’imposante étiquette « Hermione Granger ». Sans la nécessité d’employer une large palette d’émotions, elle est convaincante dans son rôle pour ce qu’elle a à jouer. En face, Ethan Hawke est toujours aussi solide dans ses performances mais c’est son rôle qui détient des défauts d’écriture car ancré sur un cheminement psychologique que le thriller a déjà ressassé à foison dans son histoire. Il faut dire que le scénario n’est pas passionnant dans sa première partie, accumulant les éléments d’indices sans provoquer un intérêt démesuré. On se raccroche aux scènes de « régression » (un psychologue fait revivre aux gens des scènes à l’aide de l’hypnose afin d’obtenir des indices) qui incite le spectateur à se poser des questions. Dans une très belle reconstitution d’époque, on suit Bruce Keller recueillir divers témoignages avec un ennui poli. Passé trois bons quarts d’heures, le film se réveille enfin et commence à nous stimuler dans sa recherche de vérité.

Photo du film RÉGRESSION
© Metropolitan Filmexport

Un renversement de perception opère dans les derniers minutes et vient nous faire porter un intéressant regard rétrospectif sur le film. On pensait assister à une accumulation de clichés liés au satanisme, avec pour apothéose un chat aux yeux rouge (!!) aussi kitsch que désopilant, mais il n’en est rien et le film joue admirablement de cette perception. La révélation finale est aussi intelligente que réflective et nous fait penser à The Visit dans son désamorçage du surnaturel. Car RÉGRESSION est un film sur la croyance. D’abord celle de Bruce Keller, ayant des rapports larges avec la religion et qui se retrouve dans une affaire lui faisant revoir sa vision des choses. Comme en témoigne ces deux courtes scènes où on le voit en premier accrocher une croix à son rétroviseur puis, plus tard, la retirer. Ensuite c’est la croyance du spectateur, pour les faits dépeints. Est-ce vraiment lié au diable ou est-ce autre chose qui se cache sous ces crimes ? Ce yo-yo permanent nous anime et fait la saveur dans la deuxième partie. Alejandro Amenábar a prouvé par le passé qu’il savait nous manipuler judicieusement et il en remet une couche avec ce nouveau film, en déployant une mise en scène aussi élégante qu’efficace. Il y a indéniablement une atmosphère, de par ce décor de petite ville reculée semblant si fragile (pas de budget pour la police, le FBI ne les aide pas dans l’enquête…) et, surtout, par la lumière jonglant entre crépuscule et clair-obscur.

RÉGRESSION n’est jamais aussi bon que lorsqu’il laisse aux spectateurs le soin de se construire lui-même toute la mythologie derrière l’enquête.

Alejandro Amenábar aborde la capacité d’imagination de l’homme d’une autre manière que le magnifique Mar Adentro mais livre au final un film bancal à cause d’une sur-écriture découlant d’une probable inquiétude de non-compréhension de son message. A contrario, le film n’est jamais aussi bon que lorsqu’il laisse aux spectateurs le soin de se construire lui-même toute la mythologie derrière l’enquête. Soit le même procédé que dans Tesis, en 1996, où il nous accordait une part d’imagination dans cette sordide affaire de snuff movies. Une jolie scène représente toute cette capacité de fabulation propre à l’homme, personnages du film comme spectateurs : Bruce Keller écoute un enregistrement de l’interrogatoire d’Angela alors qu’il est sur les lieux du crime et avec le son, il rejoue le parcours décrit en usant de son imagination. C’est là, que tout le cœur du film bat. REGRESSION est un thriller formellement bon qui ne nous porte pas entièrement. On est devant le film d’Amenábar le plus faible, duquel on entre-aperçoit quelques aliments de son cinéma sans que la recette ne nous réjouisse comme elle a su le faire par le passé. Pas de régression alarmiste à déplorer mais juste, espérons-le, une parenthèse mineure.

Note des lecteurs7 Notes
3.5

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