[critique] Seul Contre Tous

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La dérive d’un ex-boucher chevalin, d’abord a Lille, puis a Paris ou il s’installe a l’hôtel de l’Avenir et tente de refaire sa vie. Peu a peu, il se replie sur lui-même. Sans un sou et avec pour seul compagnon un revolver charge de trois balles, il ne voit plus clairement quel est le moteur de sa vie. Son ventre lui crie de se nourrir. Son cerveau lui ordonne de se venger. Quant a son cœur… Au bout du tunnel, l’imprévu surgit toujours.

Note de l’Auteur

[rating:8/10]


Date de sortie : 17 février 1999
Réalisé par Gaspar Noé
Film français
Avec Philippe Nahon, Paule Abecassis, Roland Guéridon
Durée : 1h 33min
Bande-Annonce :


Seul Contre Tous – Bande Annonce – Gaspar Noé
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Seul Contre Tous est le prolongement du court-métrage réalisé huit années plus tôt, Carne (les cinq premières minutes du film le résume avec le boucher qui venge sa fille…), mais c’est avant tout LE film qui a propulsé Gaspar Noé dans la cour des grands du cinéma français.

Le réalisateur, avec cette œuvre qui lui est propre à tous les niveaux (cadrages, dialogues, atmosphère…), nous offre l’une des plus belles œuvres du cinéma français de ces vingt dernières années.

Le film nous entraîne dans le quotidien pessimiste de cet ancien boucher qui va de galère en galère, qui erre dans ce monde qui le révulse et qui se réfugie dans la haine et la violence intérieure pour la plupart du temps.

Nous assistons donc à la lente descente aux enfers de cet homme à qui la vie n’a pas fait de cadeau, rongé par la colère et qui crache son venin sur la société et ses cafards qui la composent mais en son fort intérieur seulement. Car il ne nous faut pas plus de 10 minutes pour comprendre que le boucher est beaucoup trop lâche pour s’en prendre physiquement à ses « ennemis ». Trop lâche puisque les seules personnes qui reçoivent les foudres de sa haine ne sont autres que sa propre femme enceinte à qui il met de violents coups dans l’estomac et sa fille qu’il viole par amour.

A travers ce dédale de frustrations, d’émotions refoulées et de fatalité humaine, Gaspar Noé nous embarque dans un univers miteux, sale, dégradant, humiliant, malsain qui, après un peu de recul, apparaît bien plus prononcé encore que dans Irréversible. Car si son cadet était certes malsain, l’ambiance très psychédélique lui conférait un sentiment d’onirisme profond. Mais avec Seul Contre Tous, le réalisateur dépeint la société dans son plus simple appareil avec une ambiance sonore très froide, angoissante et une voix-off omniprésente (qui n’est autre que la voix intérieure du boucher), qui n’est pas dénuée d’humour et qui pénètre au plus profond des spectateurs pour les noyer dans ce trop plein d’émotions.

Mais Seul Contre Tous n’aurait pas eu la même saveur sans la prestation magistrale d’un Philippe Nahon alors méconnu. Le réalisateur par soucis d’argent, puisque ce projet a eu des gros problèmes à se financer (comme quoi en France il faut faire des films qui ont autant de saveur qu’un paquet de lessive pour débloquer des fonds !), a eu l’ingéniosité de tout miser sur un acteur de second rôle qui s’était déjà illustré dans de petits rôles notamment dans La Haine de Matthieu Kassovitz ou Le Pacte Des Loups de Christopher Gans. L’acteur de 60 ans à l’époque est ainsi révélé au grand public dans ce qui reste aujourd’hui son plus grand rôle, celui d’un homme pervers, abominable que nul ne peut aimer et pourtant, au fil des minutes, malgré les immondices qu’il déblatère ou qu’il commet, le spectateur le trouve peu à peu attachant puisqu’au final, il y a un peu de lui en chacun de nous (Attention ! Pour certains aspects uniquement !). Et son coup de gueule n’est autre qu’un coup de gueule général que tout le monde pense mais que nul n’a (tout comme lui) le courage de dire haut et fort.

C’est grâce à tous ces éléments que Gaspar Noé s’est construit une personnalité très forte puisque ses films ne sont pas qu’une succession de scènes chocs pour attirer les gens et faire parler de lui. Non. Ses films sont bien plus que cela car derrière les différents niveaux de lecture se cache un message à la puissance désarmante, un message qui nous laisse face à notre propre reflet.

Gaspar Noé a réussi en seulement deux films et un court-métrage ce que beaucoup de réalisateurs n’ont pas réussi à toucher du doigt en une vie entière : faire du cinéma une expérience unique et assumée.

Car Seul Contre Tous n’est rien d’autre qu’un électrochoc doublé d’un hymne à la vie et à l’amour dérangeant, étouffant, suffocant par moment, parsemé ici et là d’un coup de gueule cinglant envers une société égoïste et divisée.

Une œuvre unique qui se fait beaucoup trop rare de nos jours à cause d’un facteur que l’on appelle l’argent. De nos jours, faire du cinéma est surtout une question d’argent, l’argent à tout prix, par tous les moyens.

Heureusement qu’il reste quelques résistants, d’irréductibles gaulois, qui luttent pour cette diversité, cette créativité visuelle et psychologique, pour du cinéma qui sort de l’ordinaire, que l’on n’a pas l’impression d’avoir vu des centaines de fois et qui nous réserve sans cesses des surprises, même au 21ème siècle alors que tout a été soi-disant exploité.

Merci les Noé, Audiard et autres Jeunet de nous réconcilier avec le cinéma en nous l’offrant dans ce qu’il a de plus beau, de plus vrai.

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  1. Ce film me fait plus penser à une caricature sociale qu’à une dénonciation de la société en générale : enfin, pourquoi Gaspard Noé a-t-il choisi un prolétaire pour camper le monstre de son film ? Les élites, les bourgeois auraient-ils donc le coeur pur ? Pourquoi M. Noé ne décrit-il pas son propre milieu ? Il en serait plus crédible, parce que là franchement… je ne dis pas que c’est ridicule… encore que c’est bien ça le problème, à aucun moment je n’ai esquissé un sourire, ce film se prend au sérieux – pourtant, j’avais aimé « Bernie », tout aussi violent, précisément pour son second degré.
    La scène finale de « Seul contre tous » est immonde : correspond-elle à un plaidoyer pour l’inceste ? Ma morale toute bourgeoise, alors que je suis enfant d’ouvriers, en a été remuée.