[critique] Sous Toi, La Ville

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Roland, un banquier influent installé au sommet d’une tour d’un quartier d’affaires, rencontre par hasard Svenja lors d’une exposition d’art contemporain. Cet homme de pouvoir est violemment attiré par la jeune femme, dont l’époux travaille pour lui, à un étage inférieur…

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 15 décembre 2010
Réalisé par Christoph Hochhäusler
Film français, allemand
Avec Robert Hunger-Buhler, Nicolette Krebitz, Mark Waschke
Durée : 1h50min
Titre original : Unter Dir die Stadt
Bande-Annonce :

Le cinéma allemand nous offre tour à tour deux oeuvres fortes et sans compromis. Tout d’abord Everyone Else qui décortique un couple moderne, puis Sous Toi, La Ville, qui, adaptant l’histoire du roi David et de Bethsabée, nous plonge dans un monde de verres et de faux semblants au coeur de la cité bancaire de Francfort, pour y analyser les relations de pouvoirs au sein d’un couple adultère et finalement au sein du monde.
Sous le couple, il y a la ville et sous la ville il y a ce mouvement souterrain qui semble conduire à la révolution, à une apocalypse qui ne serait plus le fait des conditions météorologiques défaillantes, mais de la population elle-même, que ce mouvement souterrain de la ville et donc du monde, a poussé à la révolte. « ça commence » dit alors Svenja à son amant, sonnant en même temps qu’elle s’adresse au spectateur, la fin du film. Ce qui commence alors pour le spectateur c’est une période de gestation, où le film grandit en lui chaque jour comme une idée qui se développe et prend de l’ampleur. Cette idée c’est en fait une réflexion, celle sur les relations de pouvoirs, sur ce monde glacial et déshumanisé, qui tout au long du film est reflété par les vitres des gigantesques tours du centre bancaire de Francfort ; et dans ces mille reflets, dans ces ombres changeantes, on y aperçoit alors la dissolution du réel.

Svenja est Bethsabée et Roland est David, et le mari de Bethsabée, envoyé par Roland à Bali pour s’occuper de la fermeture de leur filiale en Indonésie est donc destiné à mourir dès le début du film. Chacun tient ici un rôle biblique, chacun est chargé d’un signe, qui prendra sens au sein du récit. L’enfant mort de la relation incestueuse de Bethsabée et Roland, la punition de Dieu pour l’outrage du roi David, c’est cette révolution qui trouve un nouvel écho dans l’épisode des 7 plaies d’Égypte et qui signifie qu’il faut repenser le monde. Le réalisateur, Christoph Hochhäusler le dit lui même, il ouvre des pistes de réflexion ; ses films sont des discussions ouvertes sur le fonctionnement du monde. Sa précédente oeuvre, L’Imposteur (Falsche Bekenner ; 2005), traitait de la même manière de la place de chacun, de la culpabilité, de la façon de se comprendre face à l’autre et à la société. Dans la Bible, la rédemption venait pour David avec le second fils né de son l’union avec Bethsabée, le roi Salomon. Mais Hochhäusler se refuse à fermer son récit et le rôle de Salomon et d’une quelconque rémission ne sont donc pas esquissés dans Sous Toi, La Ville, qui n’en est que plus fort.

Les lents travellings très contrôlés, les cadres qui enferment les personnages, les lignes de fuites que dessine le film, les mouvements répétés comme autant de gestes quotidiens et aliénants ; Hochhäusler est un virtuose de la caméra, qui ne devient pourtant jamais trop présente ou lourde. Chaque mouvement est pensé et mis au service du récit pour devenir un formidable coup de marteau. La scène du concert, les différentes scènes d’amour ; il faut voir plusieurs fois Sous Toi, La Ville pour en arriver à la moelle, pour en découvrir le coeur qui bat violemment, aussi violemment que celui de Roland dont la réussite vient à peine masquer la perte de repères. Roland, mais aussi Svenja se cherchent comme se cherchaient déjà l’adolescent de L’Imposteur et les enfants de Le Bois Lacté (Milchwald, 2003), perdus entre l’Allemagne et la Pologne. Tous ces héros ce sont des faces de l’Allemagne contemporaine, de la société comme Hochhäusler la voit et sur laquelle il veut nous faire réfléchir.

Guillaume Fabre-Luce

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