Critique du film Spider de David Cronenberg

[critique] Spider

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Affiche du film SPIDER

Après plusieurs années d’internement psychiatrique, un jeune homme, surnommé Spider, est transféré en foyer de réinsertion dans les faubourgs de l’est londonien.
C’est à quelques rues de là qu’enfant, il a vécu le drame qui a brisé sa vie. Il n’avait pas encore douze ans, lorsque son père a tué sa mère pour la remplacer par une prostituée dont il était tombé amoureux.
De retour sur les lieux du crime, Spider replonge peu à peu dans ses souvenirs et mène une étrange enquête.

Note de l’Auteur

[rating:8/10]

Date de sortie : 13 novembre 2002
Réalisé par David Cronenberg
Film Spider
Avec Ralph Fiennes, Bradley Hall, Gabriel Byrne
Durée : 1h38min
Bande-Annonce :

S’il est une critique que nous ne pouvons faire à David Cronenberg c’est celle de la répétition. Le réalisateur canadien est l’auteur de vingt long-métrages et a emprunté des voies formelles très différentes. La palette est vaste : ses débuts sont gore et anatomiste ; ses derniers films (A Dangerous Method, notre critique, et Cosmopolis) sont plus verbeux et abstrait ; quant à Spider, il est contemplatif et essayiste (l’acteur principal, Ralph Fiennes, ne devait guère avoir plus d’une page de dialogues à apprendre). Si Cronenberg ne convainc pas toujours, il stimule tout le temps par son audace, ses obsessions et sa mise en scène.

Photo (1) du film SPIDER

David Cronenberg fait ici un choix courageux. Alors que certains de ses confrères auraient usé de ressors narratifs divertissants comme le twist (cf. le balourd Shutter Island), Cronenberg abandonne l’ambition du divertissement pour viser la dissection froide de l’esprit malade. Il en résulte une grande complicité entre le spectateur et le réalisateur car Cronenberg nous parle plus directement. Il accompagne et prend le temps de la démonstration. A ce titre, Cronenberg réalise un merveilleux générique d’entrée en matière. Nous y voyons défiler des taches sur des murs rappelant le fameux test de Rorschach ; nous imaginons alors immédiatement l’interné psychiatrique contraint à projeter inlassablement ses psychoses sur  les mêmes murs décrépis. Comme souvent au cinéma, le générique est suivi par le premier plan du film (un travelling qui est devenu la signature du réalisateur). Celui-ci ne laisse aucune ambigüité quant à l’état mental de son protagoniste. Nous réalisons rapidement que la finalité ne sera pas une guérison miraculeuse et malvenue mais de suivre le cheminement d’une introspection.

Les deux visages maternels, leur opposition et le délire adolescent sont si sublimement mis en image par David Cronenberg que le spectateur n’en oublie pas de faire résonner son histoire personnelle.

Ce sont tous les talents de metteur en scène de Cronenberg qui sont mis au service de la retranscription à l’image de l’esprit dysfonctionnel de Dennis. Le personnage, en pleine introspection, revisite son adolescence et mène l’enquête sur son trauma. Ces scènes sont d’abord des flashbacks classiques puis des objets plus étranges d’expression à la fois consciente et inconsciente. Les scènes que l’adolescent n’a pas vécu et que l’adulte ne peut que reconstruire sont particulièrement troublantes. Le nœud traumatique se fixe sur la sexualité maternelle. Une fois celle-ci révélée, la mère perd sa pureté mariale pour se transformer en prostituée. Les deux visages maternels, leur opposition et le délire adolescent sont si sublimement mis en image par David Cronenberg que le spectateur n’en oublie pas de faire résonner son histoire personnelle.

Le film est à n’en pas douter un chef d’œuvre de mise en scène. Avant A Dangerous Method, nous retrouvons déjà l’intérêt du réalisateur pour la psychanalyse, Freud et son complexe d’Œdipe. Le film est un bouleversement tant il montre que nous réécrivons en permanence notre histoire et que notre propre réalité nous est inaccessible. La vie en devient une œuvre de fiction où s’agitent des conglomérats de traumatismes non résolus. Une mention particulière doit être faite à l’actrice (Miranda Richardson) campant avec autant de brio la mère aimante et réconfortante que l’épouse sexuée.

Photo (2) du film SPIDER

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minos
minos
Invité.e
3 juin 2012 9 h 30 min

Tout à fait d’accord. Un film qui ne m’avait pas passionné au visionnage mais m’a obsédé depuis lors.
Mais un film, surtout à part dans la filmo du Canadien. Certainement, une rupture. Après Spider, Cronenberg enchainera A History of Violence, les Promesses de l’Ombre, A Dangerous Method et Cosmopolis. Des films moins violents, moins malsains et plus narratifs. Spider est certainement une réelle catharsis pour le réal. Une catharsis muette.

Vehuiah
Vehuiah
Invité.e
Répondre à  minos
3 juin 2012 11 h 17 min

Un Ralph Fiennes au sommet de son art dans cette incarnation du bredouillant Spider.
Gabriel Byrne tout en justesse dans cette double interprétation du père diabolique/dépassé par la maladie de son fils au gré des fantasmes et tentatives de reconstruction de Spider adulte.
Pour rester dans le sujet, on retrouve ce même Gabriel Byrne campant un superbe rôle de thérapeute dans la série « In Treatment »…à ne pas rater.
« Les non dupes errent »……c’est sur la trace d’une de ces errances que nous conduit Cronenberg…et on le suit avec délectation…..
 

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