STRAIGHT OUTTA COMPTON

STRAIGHT OUTTA COMPTON, la fureur de rapper – Critique

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Lors de l’été 1988 sort en Amérique le premier album de N.W.A, un jeune groupe californien : STRAIGHT OUTTA COMPTON, considéré par tous les spécialistes du genre comme le CD ayant lancé le gangsta rap. 27 ans plus tard, un biopic éponyme sort sur ce groupe devenu désormais un nom incontournable dans l’histoire du hip-hop américain.

Ces jeunes loups assoiffés de gloire n’auraient jamais cru que tant de temps après, ce parcours leur était destiné. Dans la dernière partie du film, Ice Cube est chez lui et il voit à la télé passer un de ses anciens clips, lorsqu’il était encore dans N.W.A. « On a quand même fait des putains de bons sons ! » dit-il, amusé de se voir plus jeune et mesurant sans doute le parcours accompli depuis cette époque. Ce passé revient souvent lors de divers dialogues entre les personnages du film, qui aiment se rappeler du temps où tout était beau et qu’aucune embrouille n’avait pointé le bout de son nez. Cette dernière partie, en dévoilant une sorte de mélancolie, fait par la même occasion apparaître la lassitude. Défaut logique en voyant s’afficher au compteur une durée assez conséquence de 2h27 !

L’avantage de STRAIGHT OUTTA COMPTON, c’est d’être accessible aux initiés à la culture hip-hop comme à ceux ayant zéro connaissance en la matière. Le film prend bien le temps au début, de présenter les 3 membres fondamentaux du N.W.A : Dr Dre, Eazy-E et Ice Cube. La démarche tient à peu de choses : leur nom marqué à l’écran et 2-3 scènes courtes mais significatives. Évidement, les amoureux de la culture rap prendront un plaisir non dissimulé à voir ces icônes apparaître pour la première fois à l’écran alors que les autres les verront comme des personnages de fiction, tel qu’ils peuvent être introduits dans n’importe quel film standard. Le plaisir attendu se trouve au rayon bande-originale, sans surprise. L’apparition de la musique est un délice pour les oreilles, l’occasion de se replonger dans les classiques du Rap West Coast. L’énergie présente dans les scènes de concert se confond parfaitement avec l’énergie viscérale des sons et F. Gary Gray retranscrit très justement l’engouement du public. Mais il se refuse à prendre des risques dans sa mise en scène, se contentant de la soumettre à un rôle utilitaire. On saisit l’idée de la caméra en mouvement pour capter la fougue animant nos personnages. Oui, ok, on le voit, très bien… Et après ? On reste sur notre faim.

© Universal Pictures International France
© Universal Pictures International France

Le scénario n’est pas tendre avec les personnages et l’époque, la retranscription des faits n’est pas édulcorée pour brosser les icônes dans le sens du poil. On reste en manque d’un point de vue fort par la caméra, qui fait stagner le film au niveau du biopic efficace, sans le faire accéder au rang supérieur. Le biopic est un réel exercice de cinéma dans lequel on a vite fait de préférer coller aux rails du scénario pour l’utiliser comme unique point d’ancrage narratif et STRAIGHT OUTTA COMPTON ne déroge pas à la règle. Ce reproche est à nuancer, heureusement, par la qualité du script qui cible bien les points vitaux de l’histoire. Le casting s’en sort assez bien, physiquement comme dans l’interprétation. La meilleure mention allant à O’Shea Jackson Jr qui a eu l’excellent idée d’incarner son père à l’écran. « Je ne pense pas avoir été pris parce que je suis le meilleur acteur du monde, mais parce que personne ne connaît Papa comme moi » déclare-t-il dans une interview et on a envie de le soutenir dans sa performance qui est très bonne, où l’on sent que se loge au plus profond de lui une haine qui promet d’exploser à tout instant.

Parler de STRAIGHT OUTTA COMPTON, c’est parler de l’Amérique des années 80, plus précisément de Compton. Le film montre bien, pendant une bonne heure, la pression exercée par les forces de l’ordre au sein des zones plus défavorisées et, en particulier, sur la communauté noire. Les contrôles d’identité n’ont aucun autre but que de rabaisser les jeunes interpellés, le tout saupoudré de propos racistes qu’on ne prend même pas la peine de dissimuler. Cette entité policière qui menace de surgir n’importe quand, devient le bad guy du film pour notre crew et, surtout, permet de bien comprendre comment ils en sont arrivés à pondre des paroles aussi violentes. Le résultat le plus frappant de ces altercations à répétition engendrera notamment le sulfureux titre « Fuck tha Police », dont une palpitante scène de concert retranscrit la portée politique. Alors que la police menace le groupe s’ils osent la jouer en live, nos lascars ne se soumettent pas et osent, sous les yeux des policiers noyés dans le public, jouer le titre avec une fureur démoniaque. On assiste à l’une des plus belles scènes de ce biopic mais aussi à un petit bout de l’Histoire américaine, lorsqu’à l’intervention de la police, les fans se dressent contre eux lors d’une émeute.

Un portrait du groupe autant qu’un portrait de l’Amérique. Un film intense, qui s’affaiblit toutefois dans son dernier tiers.

Le film n’est jamais aussi intéressant que lorsque la petite histoire de nos rappeurs rencontre l’Histoire, lorsque le contexte politique se mêle à la création musicale. La pression et l’intérêt s’affaiblissent dans le dernier tiers car le scénario n’a plus que le groupe comme unique source scénaristique. A l’heure où notre génération a vu se dérouler l’affaire Ferguson (entre autre), STRAIGHT OUTTA COMPTON trouve un judicieux écho en notre temps et sort dans nos salles à point nommé. Par exemple, le film déroule timidement en fond l’affaire « Rodney King » (un homme noir battu violemment par 4 policiers qui, au terme d’un procès, n’ont pas été condamné). Le plus beau moment du long-métrage intervient lors d’une violente émeute. Ice Cube conduit une voiture en plein milieu des affrontements, dans une scène onirique. Il roule à contre-sens et voit défiler devant lui une armée de gens du peuple se dressant contre des policiers. Concrètement, il assiste médusé à ce que sa musique n’a cessé d’encourager. Un passage dingue, le plus brillant éclat filmique de F. Gary Gray, se concluant sur un plan saisissant d’un bandeau des Crips noué avec celui des Bloods. Le dernier frisson d’un film qui peu à peu, se perd dans un déroulement plus moribond.

Maxime Bedini

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