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THE GAME, métaphore de la société du spectacle – Critique

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Après avoir vu The Social Network plusieurs fois, n’arrivant pas oublier comment David Fincher après deux heures d’un montage hallucinant, d’une mise en scène impeccable, d’une direction d’acteur parfaite termine ce film avec la meilleure fin possible, je me suis plongée dans la filmographie de l’ancien clipper. Je n’avais jamais vu The Game, sorti deux ans après Seven, le film des fans, et deux ans avant Fight Club, le film nihiliste trop fun. Il n’avait pas trouvé le succès attendu auprès du public et de la critique.

La légende dit que Fincher est un cinéaste radical et formaliste mais The Social Network a bousculé les idées reçues, donnant une nouvelle lecture de son œuvre. La grande idée qui traverse tout son cinéma c’est la fin d’une époque et l’avènement d’une autre, à travers la société de consommation (Fight Club), la fin des confréries prestigieuses d’Harvard au profit d’un clic de souris (The Social Network), la décomposition des corps symbole de la décomposition de la société (Seven), le pouvoir du divertissement manipulateur (The Game). Les thèmes de l’identité et de la vitesse sont récurrents et les films du cinéaste illustrent bien souvent la phrase de St Paul « Ce monde tel que nous le voyons est en train de passer ».

The Game commence avec des images appartenant à un passé révolu, vieillies par le temps, on voit un garçon avec son père prenant la pose devant l’objectif. Deuxième clap, gros plan sur Michael Douglas qui s’éclabousse le visage devant son lavabo. D’entrée de jeu, par la mise en scène, le présent prend place et le personnage de Michael Douglas par ce geste semble vouloir oublier un passé douloureux et traumatisant.
Nicholas Van Orton est un riche homme d’affaire, habitant sur les hauteurs de San Francisco, célibataire, joueur de squash, costume cravate, chauffeur et vitres fumées, sa vie est réglée au millimètre, manquant singulièrement de fantaisie.
Pour son anniversaire, son frère, interprété par Sean Penn lui offre une carte de l’agence CRS, mystérieuse organisation qui concocte pour les gens fortunés des cadeaux sur mesure, après analyses cardiaques et questionnaires pseudo psychologiques. Le jeu va alors pouvoir commencer et petit à petit virer au cauchemar. Le but est de faire perdre pied à Nicholas en utilisant des méthodes radicales, d’abord intrusion dans sa demeure et glissement dans son environnement public et privé. Manipulation du protagoniste et du spectateur.

L’intérêt est évidemment de ne plus savoir si c’est un jeu ou une réelle menace grâce au point de vue adopté. On regarde les scènes à travers les yeux de Michael Douglas, ne laissant au spectateur peu d’indice pour discerner le faux du vrai. Les circonstances poussent Nicholas à prendre des risques, jusqu’à tout perdre et renaître métaphoriquement d’un cercueil dans un cimetière mexicain. Scène magnifique esthétiquement et symboliquement quand il saute du toit d’un immeuble après avoir pensé qu’il venait de tuer son frère, et passe au travers d’une verrière pour finir sa chute dans un immense matelas gonflable.

David Fincher nous propose une métaphore de la société du spectacle, et évidemment du cinéma, tout est possible, rien n’est grave, c’est une grande farce, un décor baroque où les évènements qui surviennent sont catharsis. Mais il s’agit aussi de notre société, avec ce thème pascalien « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. » A la fin, Nicholas accepte l’invitation de la jeune femme blonde lynchienne et l’aventure continue au delà du générique.

La force de David Fincher est de faire des films de genres et d’en détourner les codes et leur finalité. L’intérêt de Zodiac n’est pas de connaître l’identité du tueur mais de suivre la traque, la recherche d’indices et finalement les bouleversements intimes qui s’opèrent chez les enquêteurs. The Social Network est le seul film de procès dont on se moque de connaître qui gagnera et combien. Michael Douglas est-il la victime ou l’enfant gâté ? Est-ce un jeu ou le monde qu’il refusait de voir ? La réponse n’a pas d’importance, seul compte de participer.

Quelqu’un a écrit sur le dernier film du réalisateur « C’est le portrait fidèle, donc secrètement tragique, d’une époque qui croit avancer en appuyant sur F5. », The Game est le portrait d’une société qui a besoin de s’étourdir à n’importe quel prix pour se sentir vivante.

Aurélie

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