Image tirée du film "The Other Side"
© DR

[CRITIQUE] THE OTHER SIDE

Nous souhaitons recueillir votre avis sur votre façon de nous lire. Merci de prendre 2 minutes de votre temps en cliquant ici !


Dispositif documentaire
2
Implication du spectateur
1
Clarté du propos
1
Réflexion
1
Distance avec les personnages
1
Montage
2
Note des lecteurs3 Notes
3.9
1.3

THE OTHER SIDE est une plongée documentaire dans le milieu « white trash » des USA : enfants délaissés, caravanes pourries, vétérans édentés et ivrognes, crack, strip-teaseuse enceinte, etc. Voilà de quoi poser le décors. Et ? C’est tout. Le film est promu comme un documentaire mais fait tout son possible pour ressembler à une fiction. En d’autres occasions on aurait célébré l’absence de voix-off ou d’interviews au profit d’une caméra de pure observation. Ce courant du documentaire appelé « cinéma-vérité » ou « cinéma direct » a donné de véritables bijoux, comme La bête lumineuse (Pierre Perrault, 1982). Mais pour ce film, le dispositif crée un profond malaise, car tout est fait pour nous donner l’impression que l’on regarde des acteurs en train de jouer. THE OTHER SIDE réussit donc à nous faire croire que ces « vrais gens », jouent « faux » leur propre rôle… Un comble !

La sensation désagréable de voir un mensonge est renforcée par l’absence totale de retenue, tout est filmé frontalement : une piqûre de drogue à une femme enceinte, un couple faisant l’amour, une strip-teaseuse dévoilant son sexe, etc. Comme rien ne transparait de la relation d’empathie entre le réalisateur derrière sa caméra et les personnes devant, on est tenté d’imaginer que ces scènes ont été acheté à des pauvres gens qui ne rechignent devant rien pour obtenir un billet. Si ce n’est pas le cas, et que le réalisateur a, au contraire, passé du temps pour gagner la confiance de ces personnes, alors le film ne traduit pas du tout cette démarche, et il en est d’autant plus raté.

Photo du film THE OTHER SIDE
© DR

La succession d’images navrantes ne semble aller nulle part, aucun personnage n’est exploré à fond et on saute d’un thème à l’autre sans logique. Le film suit ainsi Mark un ex-taulard camé qui ne vit que pour la drogue et l’alcool, puis aux deux-tiers du film on l’abandonne brutalement pour suivre un groupe de para-militaires qui s’entraînent à survivre en cas de Loi martiale imposée par l’État fédéral. Et n’allez pas imaginer pour autant qu’il s’agit d’un portrait de Mark. Si c’est celui qu’on voit le plus à l’écran, ce qu’on apprendra sur Mark se résume au « red-neck » dans les Simpsons.  L’essentiel de sa vie passée et de ses objectifs est expédié en un dialogue avec sa copine, une scène qui semble comme les autres totalement « fake. »

Si le réalisateur a sûrement réfléchi à son film – ses interviews montrent une posture d’intellectuel –  son raisonnement ne transparait absolument pas. Roberto Minervini a cru que la seule succession de scènes du quotidien de ces personnes suffisait à faire un film. Il n’en est rien. Contrairement à La bête lumineuse citée plus haut, THE OTHER SIDE ne dispose d’aucun moteur dramatique. Tout est plat et répétitif. Sans parler « d’histoire », La bête lumineuse suivait une bande de chasseurs, et filmait sans retenue les beuveries auxquelles ils s’adonnaient. L’intérêt du film ne résidait cependant pas dans cette description, mais dans le choc de la rencontre entre ces chasseurs aguerris et deux intellectuels qui imaginaient la chasse comme une forme de poésie. Avec leurs arcs et leurs flèches, leur célébration d’une bête mythique et leurs rêves d’enfants, ils se heurtaient à la réalité crue des chasseurs. Dans le film québécois de 1982, le choc de ces deux mondes créait une évolution chez les personnages.

« Voyeuriste, foutraque et ennuyeux, le seul mérite de THE OTHER SIDE est d’inventer un genre à part, qu’on pourrait appeler « misery-porn ». »

THE OTHER SIDE est totalement dépourvue d’un tel mécanisme. Roberto Minervini se contente d’une description maladroite d’une micro-société qu’il voudrait tenir le plus éloigné de lui. Littéralement « l’autre côté », le titre du film marque bien la frontière entre « eux » (les sauvages, les personnages à l’écran) et « nous » (les civilisés, les spectateurs). Ce regard condescendant ne permet pas de comprendre sur quel terreau cette misère a pu naître et se développer. On ne parle même pas d’une solution ou d’un espoir à apporter à ces gens, ou même de s’intéresser à ce que serait leur fantasme d’un monde meilleur. Si un discours politique pouvait émerger du film de Roberto Minervini, ce serait de la simple propagande anti-américaine.
Voyeuriste, foutraque et ennuyeux, le seul mérite de THE OTHER SIDE est d’inventer un genre à part, qu’on pourrait appeler « misery-porn ». Le réalisateur ne se complaît pas seulement dans l’énumération de tous les stéréotypes associés à cette population défavorisée, il en jouit.

Quel intérêt dans un documentaire à filmer de manière frontale des gens sales faire l’amour, si ce n’est pour se moquer de leur graisse, de leurs dents pourries et de la fange dans laquelle ils se vautrent ? Comment ne pas croire que ces scènes ne sont pas artificielles ? Qui va penser que le réalisateur et tous ses assistants pour l’aider à la mise au point ou au son, passaient juste un peu de temps avec les personnages, quand tout d’un coup Mark décide que c’est le moment de tirer un coup devant la caméra ? Et en quoi cela peut-il nous éclairer sur qui ils sont vraiment ? De manière pathétique, le réalisateur nous montre l’anatomie pour créer artificiellement de l’intime.

Photo du film THE OTHER SIDE
© DR

Pour résumer, chaque interaction a l’odeur désagréable d’un documentaire mis en scène. Pour autant aucune signification ne peut être retirée du film dans sa globalité comme on l’attendrait de n’importe quelle fiction ou a fortiori d’un documentaire. Si vous donnez 1H30 de votre temps pour être assis dans une sale obscure, c’est quand même pour être en partie transformé par l’expérience. A part du dégoût, THE OTHER SIDE n’apporte rien.
En poussant le film dans ses retranchements, on s’aperçoit qu’il est une forme d’anti-cinéma : négation d’un mouvement dramatique (ne serait-ce que dans l’évolution du propos), personnages uni-dimensionnels et absence totale de réflexion morale. THE OTHER SIDE n’est pas non plus un film méta-analytique qui ferait réfléchir le spectateur sur la nature même du cinéma. La négation à l’œuvre dans THE OTHER SIDE est très loin de la fable zen du sage demandant quel bruit fait la main droite qui applaudit, sans l’aide de la gauche.
THE OTHER SIDE est animé par une négativité sans but, du nihilisme à l’état pur.

[column size=one_half position=first ]

[button color= »white » size= »normal » alignment= »none » rel= »follow » openin= »samewindow » url= »http://www.leblogducinema.com/a-laffiche/semaines-precedentes-a-laffiche/les-sorties-du-25-novembre-2015-77585/ »]LES AUTRES SORTIES DU 25/11/15[/button]

[/column]

[column size=one_half position=last ]

[button color= »white » size= »normal » alignment= »none » rel= »follow » openin= »newwindow » url= »https://twitter.com/thomas_coispel »]THE OTHER SIDE Suivre[/button]

[/column]

[divider]INFORMATIONS[/divider]

[column size=one_half position=first]

Affiche du film THE OTHER SIDE

[/column]

[column size=one_half position=last ]

Titre original : The other side
Réalisation : Roberto Minervini
Scénario :Roberto Minervini
Acteurs principaux : Mark Kelly, Lisa Allen, James Lee Miller
Pays d’origine : France, Italie
Sortie : 25 novembre 2015
Durée :1h32mn
Distributeur :Shellac
Synopsis :La vie d’une communauté en marge aux USA.

[/column]

[divider]BANDE-ANNONCE[/divider]

Nos dernières bandes-annonces

Rédacteur depuis le 20.06.2015

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dispositif documentaire
Implication du spectateur
Clarté du propos
Réflexion
Distance avec les personnages
Montage
Note finale