UN PEU, BEAUCOUP, AVEUGLEMENT
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UN PEU, BEAUCOUP, AVEUGLÉMENT – Critique

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Pour son premier film, l’acteur Clovis Cornillac a décidé de se lancer dans la comédie romantique. Un genre souvent décrié pour son manque d’originalité ou d’intérêt visuel. Avec UN PEU, BEAUCOUP, AVEUGLEMENT il n’en est rien.

Cornillac fait un vrai travail de fond pour faire de son film, aux airs de romances hollywoodiennes des années 1950, une œuvre complète où se mélangent les styles. Il y cumule les rôles de réalisateur, d’acteur, et surtout de co-scénariste avec d’une part sa compagne Lilou Fogli, à l’origine du projet (voir notre interview), et d’autre part Tristan Shulmann et Mathieu Oullion. Il en ressort ainsi toute la personnalité de Clovis Cornillac dans ce premier film qui s’avère être un petit bijou original et très surprenant.

Lui est inventeur de casse-têtes. Investi corps et âme dans son travail, il ne peut se concentrer que dans le silence. Elle est une pianiste accomplie et ne peut vivre sans musique. Elle doit préparer un concours qui pourrait changer sa vie. Ils vont devoir cohabiter sans se voir…

Le pari d’UN PEU, BEAUCOUP, AVEUGLEMENT s’avère pour le moins osé. Habituellement, dans les comédies romantiques, le spectateur s’attend à la rencontre de deux personnages et à l’évolution de leur amour en dépit des obstacles. Ici, Machin (Clovis Cornillac) et Machine (Mélanie Bernier) ne se verront pas puisque séparés par un mur. Difficile ainsi de se charmer l’un et l’autre. Leur relation débute d’ailleurs par un combat. Machin vit hors du monde. Toujours cloîtré chez lui pour travailler au calme, il voit d’un mauvais œil l’arrivée de Machine dans l’immeuble. En raison de la très mauvaise insonorisation des deux appartements il est impossible de vivre sans entendre le quotidien de l’autre. C’est pourquoi Machin est prêt à tout pour faire fuir Machine. Elle, de son côté n’entend pas se laisser faire. S’ensuit une séquence burlesque façon Tex Avery où nos deux héros se font la guerre. Dès lors Cornillac montre son inventivité dans la réalisation. On y retrouve son amour pour le film de genre et sa capacité à aborder la comédie romantique avec une certaine ironie, sans pour autant tomber dans la parodie. Preuve en est, la scène où Machine, sous les conseils de Machin, interprète de manière sulfureuse une œuvre de Chopin au piano. Un instant hilarant plein d’érotisme qui évoque autant la poterie entre Demi Moore et Patrick Swayze dans Ghost (1990), que la partie d’échec entre Steve McQueen et Faye Dunaway dans L’Affaire Thomas Crown (1968).

Une œuvre réussie de bout en bout.

Tout en gardant les codes de la comédie romantique, Clovis Cornillac fait donc un mélange subtil d’irréalisme et de romantisme à la manière du cinéma hollywoodien des années 1950. Par le décor de studio, volontairement visible, ou par la mise en scène si particulière ; en atteste la dernière séquence que nous ne révélerons pas. Mais surtout par ses interprètes et l’évolution de leur personnage. Le souvenir d’Ariane de Billy Wilder prend place lorsque le film délaisse le burlesque pour s’enfoncer dans une romance impossible. Il y a l’excellent Clovis Cornillac (acteur) qui prend à Gary Cooper son mauvais caractère mais délaisse son côté charmeur, et surtout Mélanie Bernier, véritable incarnation d’Audrey Hepburn, alors apprentie violoniste dans Ariane. On retrouve la douceur et la simplicité de l’actrice à taille de guêpe. Un visage plein de vie qui s’illumine par un large sourire et de grands yeux écarquillés comme seule Audrey savait le faire. Avec Machine, on découvre un personnage soumis et tendu sous l’emprise de son professeur tyrannique, qui parvient à se libérer avec l’aide de Machin. Mais évidemment Cornillac a l’intelligence de ne pas reproduire la finalité d’Ariane et consorts. Contrairement aux personnages que campait régulièrement Hepburn, en adéquation évidemment avec l’époque, celui de Bernier est l’égal parfait du personnage masculin. Pas besoin qu’on s’occupe d’elle, pas besoin d’un chevalier servant pour la princesse en détresse. Loin des clichés limites sexistes de bon nombre de comédies romantiques, Machine est un personnage libéré et qui cherche son indépendance. Les deux protagonistes, masculin et féminin, pouvant d’ailleurs être interchangeables. Il en va de même pour les personnages secondaires. On retrouve la géniale Lilou Fogli en femme mariée élégante qui enchaîne les aventures, jamais vulgaire en dépit d’un langage cru, pour un résultat hilarant. Et Philippe Duquesne toujours aussi bon et attachant en meilleur ami d’un Machin difficile à vivre.

Clovis Cornillac réussi donc dès son premier essai à faire un film d’une grande richesse dans un genre dont on n’attend malheureusement souvent trop peu. En passant derrière la caméra il parvient à insuffler presque malgré lui toute une histoire du cinéma, sans chercher à s’inspirer ou à rendre hommage. Car avec trente ans de métier derrière lui, il a su se forger sa propre personnalité (à l’inverse de Gosling et « son » Lost River), visible tout au long du film. Si UN PEU, BEAUCOUP, AVEUGLEMENT est réussi de bout en bout, c’est grâce à cette approche sincère et sérieuse de ce grand acteur Clovis Cornillac, désormais, réalisateur.

Mise en scène
Scénario
Casting
Photographie
Musique
Note des lecteurs6 Notes
3.9
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