L'Homme qui rit

[LUMIÈRE 2016] L’HOMME QUI RIT (1928)

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Après deux premiers films fort sympathiques, nous continuons la rétrospective de la série UNIVERSAL MONSTERS (notre rétrospective: ICI) avec L’HOMME QUI RIT, de Paul Leni. Seconde adaptation d’un roman de Victor Hugo, après Notre-Dame de Paris, le film toujours produit par Carl Laemmle est réalisé par l’un des premiers réalisateur allemand ayant réussi à s’exporter en Amérique. On pouvait donc espérer qu’à l’instar de Rupert Julian qui a imposé avec brio son univers en adaptant Le Fantôme de l’Opéra, Paul Leni alors considéré comme une figure clé de l’expressionnisme allemand parvienne à apporter sa touche particulière à sa réalisation. L’homme qui rit aurait pu être une nouvelle étape pour la série, mais s’avère finalement être la première grosse déception de cette rétrospective.

Et pourtant tout était réuni pour que Paul Leni réalise un film majeur qui apporterait aux Universal Monsters une nouvelle dimension. Les premières minutes nous annoncent d’emblée une odyssée grandiose, et les plans de Gwynphaine perdu dans le désert nous confortent vite dans l’idée que nous sommes face à une œuvre importante et audacieuse. Si le montage frénétique et la mise en scène bien moins fixe et plus dynamique que les deux précédentes œuvres peuvent laisser penser que les deux heures du film seront chargées en rebondissements, Paul Leni prendra bien vite le spectateur à contre-pied pour faire de L’Homme qui rit un drame intimiste longuet et finalement assez vide. Si Le Fantôme de l’Opéra et Notre-Dame de Paris parvenaient à transcender leur sujet en créant des enjeux alternatifs intéressants, tels que la guerre entre les gitans et les nobles de Paris ou la lutte pour la survie contre le fantôme, ici le réalisateur ne parvient pas à créer de l’intérêt pour le sort des personnages. En résulte cette désagréable impression que le récit n’avance pas, et il n’est pas vraiment aidé par la mise en scène de Paul Leni. C’est là le principal problème du film ; le réalisateur en fait des tonnes pour pas grand chose. Je pense notamment à la séquence où l’on est censé croire à la mort d’un des personnages, le procédé est tellement éculé, et de plus grossièrement mis en scène, que le récit semble s’enliser au moment où il aurait du décollé. Le parti pris du drame intimiste aurait pu fonctionner, mais il aurait fallu pour cela que l’on s’intéresse au sort des personnages, ou que les enjeux les concernant soient mieux mis en scène pour que l’on ressente une certaine tension. Difficile pourtant de blâmer Conrad Veidt, l’interprète de Gwynplaine, qui livre une prestation tout à fait honorable, parvenant à n’utiliser que son regard et sa gestuelle pour faire passer ses émotions. Aidé par un maquillage très bien réalisé, quoique bien moins monstrueux que celui des créatures précédentes, il ne cherche pas à s’imposer comme une figure tragique mais limite le surjeu pour chercher plutôt une sobriété bienvenue, celle d’un homme normal dépassé par son handicap. Mary Philbin, qui lui donne la réplique, s’en sort mieux que dans Le Fantôme de l’Opéra mais il lui manque toujours cette pureté qui illuminerait l’écran à chacune de ses apparitions. Le reste des acteurs tiennent bien leur rôle, sans briller pour autant, mais certains comme Cesare Gravina sonnent terriblement faux lors de certaines scènes. Quoi qu’il en soit, les interprètes des personnages principaux ne peuvent pas transcender un récit qui ne les mets pas en valeur, et l’écriture scénaristique est la principale responsable de l’échec du film.
Annex - Veidt, Conrad (Man Who Laughs, The)_01
Tout n’est cependant pas à jeter dans l’Homme qui rit, à commencer par une photographie très soignée et une réalisation somme toute assez classique mais efficace. Mais lorsque Paul Leni se permet quelques excentricités, je pense notamment au plan où la caméra est fixée sur une grande roue, nous entraînant dans un mouvement rapide et régulier, l’idée fait souvent mouche et peut être à l’origine d’une certaine poésie. Il y a notamment cette scène où les clowns imitent le public, complètement surréaliste et de laquelle provient une beauté certaine. L’utilisation des très beaux décors est également intéressante dans le sens où le film possède indéniablement une atmosphère provenant de la direction artistique et de l’opposition classique toujours efficace entre la simplicité du cirque et le luxe des puissants. Paul Leni n’est pas un mauvais metteur en scène, il le rappelle en inscrivant son film dans la modernité durant de nombreuses séquences, et l’échec du film en est d’autant plus troublant. Le montage plus rapide, le découpage plus dynamique, disparaissent progressivement au fur et à mesure que le film s’enfonce dans le drame amoureux et l’excitation des premières minutes laisse bien vite la place à la lassitude, malgré le jeu basé sur le regard et l’implication de Conrad Veidt.

”L’Homme qui rit n’est pas un mauvais film, mais il aurait pu être bien plus”

L’Homme qui rit aurait véritablement pu être un film à part dans la série UNIVERSAL MONSTERS. Bien sûr, on y retrouve les mêmes thématiques que dans les précédentes œuvres de Rupert Julian et Wallace Worlsey, mais les premières minutes annonçaient une telle épopée, une fresque sur la vie d’un homme défiguré et son rapport au monde, et est regrettable de voir que le film préfère finalement s’enfermer dans quelque chose de bien plus classique et moins ambitieux. Il manque l’alchimie dans le couple, il manque l’audace d’un réalisateur qui ne se donne pas les moyens de profiter de son talent visible et indéniable, il manque le charme et les qualités qui faisaient du Le Fantôme de l’Opéra un excellent film. L’Homme qui rit n’est pas une mauvaise œuvre, mais elle aurait dû être bien plus. Il s’agit de plus de la dernière réalisation de cette rétrospective à être produite par Carl Laemmle, et il est regrettable de finir sur une production ne rendant pas justice à l’ambition qu’il montre durant les deux premiers films. En espérant que le Dracula du génial Tod Browning, premier film produit par Carl Laemmle Jr, parvienne à faire oublier cette déception !

Louis

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Le Festival Lumière, aura lieu du 8 au 16 octobre 2016, dan stous les cinémas du grand Lyon.
la programmation
notre couverture
– notre rétrospective UNIVERSAL MONSTERS

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Titre original : The Man Who Laughs
Réalisation : Paul Leni
Scénario : J. Grubb Alexander
Acteurs principaux : Conrad Veidt, Mary Philbin, Olga Baclanova
Pays d’origine : Etats-Unis
Sortie : 1928
Durée : 1h50
Distributeur : Universal Pictures
Synopsis : En Angleterre, à la fin du XVIIe siècle, le roi Jacques se débarrasse de son ennemi, le Lord Clancharlie, et vend son jeune fils, Gwynplaine, aux trafiquants d’enfants qui le défigurent. Le garçon s’enfuit et sauve du froid un bébé aveugle, Dea. Tous les deux sont recueillis par Ursus, un forain. Gwynplaine, baptisé « L’Homme qui rit », devient un célèbre comédien ambulant. Le bouffon Barkilphedro découvre son ascendance noble et la dévoile à la reine Anne, qui a succédé au roi Jacques.

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https://www.youtube.com/watch?v=zCD7YgK2Adk

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universal-monsters
CLIQUEZ SUR LES AFFICHES POUR AFFICHER LES CRITIQUES

notre-dame-de-paris

1923 – Notre dame de Paris (★★★★☆)
« une excellente manière pour Universal de s’imposer comme un studio majeur »

le-fantome-de-lopera

1925 – Le fantôme de l’opéra (★★★★☆)
« une pépite visuelle et augure encore de belles choses pour la suite de la série »

lhomme-qui-rit

1928 – L’homme qui rit (★★★☆☆)
« pas un mauvais film, mais il aurait pu être bien plus »
dracula
1931 – Dracula (★★★★★)
« Tod Browning réalise une œuvre majeure, que ce soit sur le plan cinématographique pur ou sur la représentation de Dracula sur grand écran »
frankenstein
1931 – Frankenstein (★★★★★)
« un classique instantané réalisé à la perfection »
la-momie
1932 – La momie (★★★★☆)
« un premier film imparfait, maladroit, mais qui se laisse visionner avec plaisir et se paye même le luxe d’émouvoir son spectateur »

lhomme-invisible

1933 – L’homme invisible (★★★★☆)
« le metteur en scène s’attaque aux thèmes du pouvoir et de l’avidité sans concession et multiplie les séquences éprouvantes moralement »

la-fiancee-de-frankenstein

1935 – La fiancée de Frankenstein (★★★★★)
« L’œuvre de James Whale s’impose comme le joyau ultime d’une série absolument fascinante »

le-loup-garou

1941 – Le Loup-garou (★★★☆☆)
« LE LOUP-GAROU reste un film à voir, s’inscrivant visuellement et thématiquement dans la continuité des Universal Monsters, et qui saura vous captiver le temps d’une heure »

letrange-creature-du-lac-noir

1954 – L’étrange créature du lac noir (★★★★★)
« Jack Arnolds réalise un film d’une grande intelligence et d’une audace faisant tout à fait honneur aux premiers chefs d’œuvres de la série, tout en créant son propre mythe »

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Rédacteur depuis le 12.07.2014

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