les enfants d'isadora

LES ENFANTS D’ISADORA : la force du geste – Critique

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LES ENFANTS D’ISADORA de Damien Manivel aborde avec délicatesse le deuil impossible des enfants d’Isadora Duncan et son inspiration dans la création d’une danse solo, reproduite avec émotion par quatre femmes, près d’un siècle après.

D’Isadora Duncan, célèbre danseuse américaine, on connait les circonstances tragiques de sa mort en 1927 et son énorme apport à la danse moderne. On sait moins qu’un drame coûta la vie à ses deux enfants Deirdre, six ans, et Patrick, quatre ans, noyés dans la Seine en avril 2013. Le réalisateur Damien Manivel s’est emparé de la souffrance qui a inspiré à la mère inconsolable un solo de danse intitulé « La Mère ». Dans un geste d’une grande douceur, elle reproduit les gestes d’une mère qui caresse et berce une dernière fois son enfant avant de le laisser partir. Et de ce geste il va être question dans LES ENFANTS D’ISADORA. Un geste qui se transmet, s’explique, s’apprend, se reproduit, à l’infini. Car au travers des années, la beauté, la force et la signification d’un tel geste reste le même. Et le réalisateur, ancien danseur lui-même, montre parfaitement toute l’émotion que ce geste universel contient.

Photo du film LES ENFANTS D'ISADORA
Damien Manivel, qui a coécrit LES ENFANTS D’ISADORA avec Julien Dieudonné, le découpe en trois tableaux, et s’attache à plusieurs femmes qui se saisissent précisément de ce geste à l’occasion du spectacle « La mère », joué quelques semaines plus tard. On ne les voit jamais ensemble mais elles forment, sans se connaître, une chaîne bienveillante autour de la mémoire d’Isadora, de son travail, de ses souvenirs, de son inspiration et de tout ce qu’elle a apporté à la danse.

Les pièces d’un puzzle s’assemblent alors sous nos yeux doublement fascinés. Fascinés d’abord par la vie incroyable d’Isadora Duncan, même si elle ne peut évidemment être réduite au prisme de la maternité et de la souffrance qui suit l’absence, du manque et du vide absolus.
Et fascinés ensuite par la recherche du geste juste, celui qui fait sens. Même si on n’est pas danseur ou pas directement intéressé par l’art de la danse, on éprouve du plaisir à l’idée de comprendre et de voir comment naît la pensée même de la création artistique et de ses origines : de la tragédie intime et de la « douleur intarissable », comme l’écrit la danseuse dans son livre Ma vie, et de l’absolue nécessité de créer, de garder des traces par le corps de ce qu’elle éprouvait pour eux.

À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, LES ENFANTS D’ISADORA se révèle néanmoins un film puissant d’une grande originalité.

Agathe Bonitzer interprète la première danseuse qui se plonge dans la vie d’Isadora et que l’on voit travailler sur cette danse particulière. Elle entreprend des recherches, déchiffre des notes et des croquis. Avec elle, le réalisateur s’attarde plutôt sur l’essai, les tentatives, le travail, la répétition, la quête de l’émotion d’Isadora et non la sienne. La caméra se porte sur les pieds, les mains, le visage de l’actrice. La danse prend alors peu à peu forme, le geste précis et naturel se crée, sans hésitation.

Puis la chorégraphe Marika Rizzi et la jeune danseuse trisomique Manon Carpentier, qui elles aussi se préparent pour le spectacle, échangent sur la portée du fameux geste et feuillettent un livre de photographies. La difficulté de la reproduction du geste, la quête du volume des corps des enfants qu’on entoure mais qui ne sont plus et le rapport au handicap viennent alors en écho au récit des derniers mois des enfants disparus.

Photo du film LES ENFANTS D'ISADORA

Et comme pour la première danseuse, les femmes regardent des enfants qui jouent dehors, dans une cour d’école ou sur le bord de mer. Car les enfants, quels qu’ils soient, morts ou vivants, sont omniprésents dans ce film qui aborde l’universalité du thème de leur deuil impossible. Enfin, la fin du spectacle- qui n’est pas montré, mais deviné dans les yeux de quelques spectateurs fascinés, accompagne une spectatrice particulièrement émue et à ce qu’il lui renvoie intimement.

La caméra sort du théâtre et suit la comédienne Elsa Wolliaston, dont le corps lourd se meut lentement dans les rues sombres jusqu’à son appartement. Comme si le réalisateur indiquait à cet instant que l’on quitte l’art pour reprendre contact avec la réalité, mais qu’ils restent liés par cette danse qui traverse les âges. Même si on saisit bien l’intention du réalisateur qui boucle ainsi la boucle, cette troisième partie casse un peu le rythme du film. À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, LES ENFANTS D’ISADORA se révèle néanmoins un film puissant d’une grande originalité, qui oscille entre le tendre et l’âpre, mais bouleverse à plus d’un titre.

Sylvie-Noëlle

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Titre original : Les enfants d’Isadora
Réalisation : Damien Manivel
Scénario : Damien Manivel, Julien Dieudonné
Acteurs principaux : Agathe Bonitzer, Elsa Wolliaston
Date de sortie : 20 novembre 2019
Durée : 1h24min
3.5

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