LES TÉMOINS DE LENDSDORF

LES TÉMOINS DE LENDSDORF, un puissant thriller mémoriel – Critique

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Pour son premier long métrage, LES TÉMOINS DE LENSDORF, Amichai Greenberg dessine le portrait d’un chercheur juif orthodoxe qui voit sa foi et son identité ébranlées par ses découvertes.

LES TÉMOINS DE LENDSDORF donne à voir une passionnante et glaçante enquête à propos de la recherche de la vérité sur un pan non résolu de l’histoire de la Shoah. Le réalisateur Amichai Greenberg parvient à rendre cette enquête doublement passionnante, car elle mêle à la fois l’Histoire et l’intime, et touche précisément au sens de la foi et à l’identité juive. Yoel (Ori Pfeffer), historien juif orthodoxe, est chargé de la conservation des lieux de mémoire liés à la Shoah.

Depuis des mois, il cherche à localiser l’emplacement d’une fosse commune de 200 personnes qui auraient été massacrées dans le village de Lendsdorf en Autriche, au crépuscule de la Seconde Guerre Mondiale. Il rassemble patiemment les témoignages, exhume des archives, fait des recoupements, analyse toutes les pistes. Mais un ultimatum lui est donné : il doit trouver des preuves tangibles dans les quinze jours, sous peine de quoi un projet d’urbanisation sera lancé sur ses zones de recherche.

Photo du film LES TÉMOINS DE LENDSDORF

LES TÉMOINS DE LENDSDORF fait très bien partager au spectateur la violence ressentie par Yoel face à cette soudaine urgence de devoir aboutir dans ses recherches, véritable non-sens pour lui. Car le temps ne compte évidemment pas de la même manière. Ses recherches sont partie entière de sa vie et de l’orientation qu’il lui a donnée, en tant qu’ancien rabbin. Yoel est un homme solitaire, revenu vivre depuis son divorce avec son fils Yonatan chez sa mère Fania (Rivka Gur).

Très exigeant envers lui-même et sa foi, il l’est aussi avec son fils, qui prépare sa bar mitzvah sous sa houlette. Le réalisateur, rencontré lors du Festival International du Film d’Histoire de Pessac , dont il a remporté Prix Fiction du Jury Professionnel, dit que « le travail de Yoel est très existentiel pour lui, car il influence sa vie quotidienne d’une manière dramatique ».

Pourtant, ce qu’il va trouver sur son chemin de chercheur assidu n’est pas du tout ce à quoi il s’attendait. Une découverte plus que troublante qui va le toucher si personnellement qu’elle va faire voler en éclats le socle de ses fondamentaux religieux, remettant même en question sa foi et son identité propres. Le réalisateur revendique avoir d’abord voulu « faire un film sur la quête d’identité, en écho à sa propre réflexion intérieure sur l’effondrement personnel » et non pas « un film sur l’Holocauste et le retour des survivants, mais presque l’opposé puisque l’histoire est utilisée dans le film pour explorer le présent ».

LES TÉMOINS DE LENDSDORF est un thriller mémoriel puissant, qui mêle à la fois l’Histoire et l’intime et touche précisément au sens de la foi et à l’identité juive.

Amichai Greenberg dit avoir cherché « une histoire pertinente qui soit comme une métaphore de l’évolution de son personnage, d’où l’idée d’en faire un chercheur qui entreprend des recherches sur des massacres, des tombes, des noms ». De fait, avec la permission du centre Yad Vashem, il a pu utiliser pour le film de vraies séances d’enregistrement de témoins, qui évoquent des faits véridiques de fosses communes jamais retrouvées en Autriche.

Les deux seuls éléments que l’on peut dévoiler pour ne surtout pas effleurer le suspense de LES TÉMOINS DE LENDSDORF, c’est d’abord que le personnage de la mère est inspiré du livre « Katerina » d’Aharon Appelfeld, l’écrivain israélien survivant de la Shoah. Et surtout que cette découverte a trait à un mensonge de sa mère pour éviter de mourir dans un camp de concentration.

Pour le réalisateur « le film honore surtout les gens qui ont tout perdu et choisi la vie ». C’est un mensonge dont sa mère s’est enveloppée et tant imprégnée au long de ces années, qu’elle y a noyé sa propre part de réalité. Yoel se retrouve pris dans un étau insupportable entre l’importance qu’il accorde à la valeur de la vérité et ce mensonge qui le hante. Entre son amour pour sa mère et la colère qu’il éprouve désormais pour elle.

Photo du film LES TÉMOINS DE LENDSDORF

Amichai Greenberg préfère d’ailleurs parler de silence plutôt que de secrets à propos de son film, car « le silence, tel qu’il l’a connu avec son propre père survivant, s’il ne veut pas forcément dire l’absence de mots, peut prendre aussi beaucoup de place dans une vie ».  Yoel doit également faire avec sa position intenable d’avoir enfreint ses principes de déontologie de chercheur en mettant à profit son travail à des fins de recherches personnelles. Non pas que celles-ci le détournent de son but initial, mais elles créent un état de stress supplémentaire.

LES TÉMOINS DE LENDSDORF dépeint parfaitement la transformation profonde et intime de cet homme. Sa fissure intérieure commence à se refléter à l’extérieur. Au bord de l’épuisement, à fleur de peau, son attitude devient plus nerveuse, ses pas plus rapides, ses questions plus intrusives. Il en devient impatient et même violent verbalement envers des témoins, des survivants qui se replongent à sa demande dans des récits douloureux et qu’il n’a plus la force de ménager.

Thriller mémoriel puissant, LES TÉMOINS DE LENDSDORF pose aussi une délicate question au-delà de celle de retrouver les lieux de l’Holocauste. À savoir: faut-il que les responsables de ces actes présentent des excuses publiques, comme certains chefs d’état l’ont déjà fait au nom de leur pays? Amichai Greenberg répond, tout comme son personnage, que « les excuses ou le pardon ne changent rien pour les victimes, qui ne veulent plus être des victimes, mais ont besoin de concentrer leur énergie pour se reconstruire, se réconcilier avec elles-mêmes et faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais ». Un film à voir absolument, pour ne jamais oublier.

Sylvie-Noëlle

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Titre original : Ha Edut
Réalisation : Amichai Greenberg
Scénario : Amichai Greenberg
Acteurs principaux : Ori Pfeffer, Rivka Gur, Michaela Rosen
Date de sortie : 13 mars 2019
Durée : 1h34 min
4
Puissant

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