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QUEEN & SLIM, le romantisme du road trip – Critique

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Souvent injustement comparé à Bonnie & Clyde, QUEEN & SLIM relève finalement plus d’une vision tragico-romantique du road-movie.

Sur la robe qu’elle portait lors de la dernière cérémonie des Oscars à Los Angeles, Natalie Portman a fait broder le nom des femmes réalisatrices qui n’avaient pas été nommées dans la catégorie « Meilleur réalisateur ». Parmi ces arabesques délicates, un nom : celui de Melina Matsoukas. Après avoir révolutionné l’esthétique du R&B contemporain avec ses clips musicaux (Beyoncé, Ne-Yo, Jennifer Lopez, Lady Gaga, Missy Elliott, Rihanna…), la jeune femme s’est installée derrière la caméra pour son premier long-métrage. Bénéficiant d’une équipe de qualité, la cinéaste était accompagnée sur le scénario par Lena Waithe, scénariste, réalisatrice et actrice. Ce duo exceptionnel a ainsi donné vie à QUEEN & SLIM, une histoire d’amour mais aussi de haine.

Le long-métrage s’ouvre comme beaucoup d’autres films. Un homme et une femme noirs se retrouvent, le temps d’un soir, dans un dinner miteux pour partager un moment de complicité. Du moins, c’est ce qu’ils espéraient en allant à ce rendez-vous puisque finalement, rien ne va vraiment entre eux, elle tient des propos radicaux qui le hérissent et lui a choisi un restaurant décevant. Mais malgré tout, ces deux inconnus incarnés par Daniel Kaluuya (Slim) et Jodie Turner-Smith (Queen) sont jeunes, beaux et prometteurs… ou du moins l’étaient-ils jusqu’à ce qu’un policier blanc en vadrouille les arrête pour un contrôle sur le chemin du retour. Lorsque Slim tue par légitime défense l’agent, le destin du couple se transforme en épopée flamboyante vers Cuba où ils ont décidé de se réfugier. Même en état de légitime défense, Queen est avocate et sait à quel point le système judiciaire américain est biaisé en défaveur des Noirs… l’occasion pour Lena Waithe et Melina Matsoukas de donner vie à une « odyssée noire qui devient une réflexion sur ce que c’est que d’être noir [aux États-Unis] et de courir après une liberté et un bonheur durable. ».

Photo du film QUEEN & SLIM

Malgré sa fin prévisible, QUEEN & SLIM s’inscrit dans la continuité des road movies à l’instar de Thelma & Louise comme l’avait expliqué Lena Waithe. Tous les éléments du film de genre sont ainsi exploités pour construire la légende du couple : la vidéo sur les réseaux sociaux, les affiches, leurs rencontres avec les admirateurs… Le long-métrage donne ainsi à voir une image profondément sincère mais également travaillée et esthétique. L’ambiance est bien souvent imprégnée des clips R&B, surement l’héritage de la carrière de Melina Matsoukas. En regardant le couple rouler dans leur voiture à la couleur acidulée, il est difficile de ne pas penser aux précédentes réalisations de la cinéaste qui présentaient ce même style vintage. Grâce à cette photographie très poétique, QUEEN & SLIM peut se revendiquer comme étant l’un des meilleurs thrillers sur les violences policières ayant réussi à trouver un équilibre entre l’horreur et la beauté.

Ainsi, malgré les enjeux politiques et sociaux forts, le long-métrage réussit toujours à ramener le sujet vers la solitude et le besoin de liberté des personnages principaux. Véritable succès critique et public, le film a pourtant suscité quelques polémiques surprenantes dès sa sortie. La surprise ne concernait pas le sujet de ces critiques mais leur provenance, puisque si beaucoup s’attendait à des réprobations de la droite conservatrice américaine, c’est en réalité une partie de la communauté noire qui a taxé le film de « trauma porn« , « Black Lives Matter fanfiction » ou encore d’instrumentalisation de la souffrance des Noirs. En effet, QUEEN & SLIM a parfois pu paraitre maladroit en se voulant être un écho saisissant aux multiples affaires concernant les violences policières aux États-Unis comme le souligne la critique du New Yorker : « Last month, five days after the former police officer Amber Guyger was sentenced in the fatal shooting of Botham Jean, an unarmed twenty-six-year-old black man, whom she shot in his home, and five days before Atatiana Jefferson, a twenty-eight-year-old black woman, was killed in her home by the police officer Aaron Dean, “Queen & Slim” began previews in a small theatre just off Bryant Park. »

Photo du film QUEEN & SLIM

Malgré son thème, le film réussit à revendiquer une certaine légèreté grâce à son esthétisme onirique jusqu’à ce que la réalité saute au visage du spectateur. QUEEN & SLIM se définit ainsi comme une « réplique sans équivoque au monde contemporain, où les brutalités policières sont une réalité envahissante et omniprésente, et où il est encore nécessaire de rappeler à beaucoup que les vies noirs comptent » (Roxane Gay). Melina Matsoukas réussit avec brio à répondre à cette réalité sans avoir à la réécrire.

Sarah Cerange

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Titre original :Queen & Slim
Réalisation :Melina Matsoukas
Acteurs : Daniel Kaluuya, Jodie Turner-Smith, Bokeem Woodbine
Date de sortie : 12 février 2020
Durée : 133 min
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Saisissant

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