un vrai bonhomme

UN VRAI BONHOMME, ne plus vivre dans l’ombre de son frère – Critique

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UN VRAI BONHOMME, le premier long métrage de Benjamin Parent, plonge le spectateur dans une relation émouvante entre deux frères, entre imaginaire et réalité.

C’est en écrivant les premiers épisodes de la série Les Grands que l’idée est venue à Benjamin Parent de se replonger dans la période du lycée et de parler d’un jeune garçon, Tom (Thomas Guy), qui doit se faire une place dans son nouvel établissement. Comme de nombreux garçons de son âge, il est timide et pas très à l’aise. Mais, et ce n’est pas forcément le cas de tous les garçons de son âge, il a la chance d’avoir un frère aîné, Léo (Benjamin Voisin) qui lui, est tout le contraire d’un boloss. Tom est aussi chétif et nul en sport que Léo est sportif et le fait d’être plutôt bon en classe, aux yeux de Léo, n’apporte rien si on veut être populaire au lycée. Léo est donc plus qu’un frère, c’est un modèle, un mentor, le gars à qui Tom veut à tout prix ressembler. D’autant que Léo a aussi posé sur lui le regard admiratif de leur père Vincent (Laurent Lucas), avec lequel il partage la passion du basket.

Photo du film UN VRAI BONHOMME

UN VRAI BONHOMME installe d’emblée cette belle complicité de deux frères qui se charrient mais ne peuvent se passer l’un de l’autre. Léo doit pourtant bientôt quitter le nid et Tom appréhende ce moment. Il ne s’agit pas de spoiler, puisqu’on apprend dès le premier quart d’heure du film que c’est la vie qui va quitter Léo dans un accident de voiture. Les membres de la famille désemparée, de façon inconsciente, poursuivent leur vie sans jamais oser aborder frontalement la question ensemble. En parler est encore bien trop douloureux. La chambre de Léo est même encore en l’état deux ans après, comme si changer de place ses objets était une façon de le trahir, peut-être même de l’oublier. Le réalisateur décrit parfaitement comment chacun a sa propre façon de faire son deuil, dont il est reconnu qu’il faut au minimum dix-huit mois pour y parvenir enfin.

UN VRAI BONHOMME est un film bouleversant sur le travail de deuil et la possibilité de prendre sa place au monde.

Vincent, comme absent à lui-même, n’exprime pas sa tristesse. Il se noie dans le travail, sans s’intéresser à Tom, un peu comme si la disparition de son frère qui, il est vrai, prenait déjà beaucoup de place, l’avait rendu encore plus invisible à ses yeux. Le père et la mère Ariane (Isabelle Carré) ont décidé d’avoir un autre enfant, car il faut bien continuer à vivre, avoir des projets pour survivre à cette terrible perte. Quant à Tom, il est victime de séquelles post-traumatiques et du fameux syndrome du survivant : il a des excès de colère incontrôlables, mais surtout, il a des hallucinations. Il continue à voir Léo à ses côtés, qui lui parle et lui prodigue des conseils ou l’encourage. Complices ils étaient du vivant de Léo, complices ils restent au-delà de la mort.

Photo du film UN VRAI BONHOMME

La réussite d’UN VRAI BONHOMME tient à ce que le réalisateur Benjamin Parent et son co-auteur Théo Courtial parviennent à rendre parfaitement crédible à l’écran la présence de cet absent. Il n’est pas seulement visible du seul Tom, il l’est aussi du spectateur très empathique. Et c’est évidemment grâce au jeu et à la présence du bluffant Benjamin Voisin que ce parti pris fonctionne. On croit sans problème à leurs rires et à leurs engueulades, à leurs corps qui courent à l’unisson, parfaitement chorégraphiés. Tout simplement parce que tout comme Tom, on éprouve du chagrin à laisser partir Léo trop vite.

Cette relation imaginaire rassurante va peu à peu se compliquer et devenir de plus en plus difficile à vivre dès lors que les choix amicaux de Tom seront différents de ceux préconisés, voire imposés par Léo. Il devient ainsi pote avec l’atypique JB (Nils Othenin Girard, découvert dans Simon et Théodore et toujours aussi attachant) qui a une sensibilité proche de la sienne, et tombe amoureux de sa demi-sœur Clarisse (Tasnim Jamlaoui). Mais Léo se fâche, reproche à son frère de ne pas être à la hauteur comme lui, de ne pas être lui, ne pas être un vrai mec en somme.

Car le réalisateur, qui reconnait « être habité depuis longtemps par le sujet de la masculinité et la façon de se défaire de cette injonction » interroge subtilement dans UN VRAI BONHOMME sur ce qu’est être un homme aujourd’hui et comment un homme se construit. Il a la délicatesse de le faire de manière détournée, ni frontale, ni brutale, grâce à l’observation du parcours d’émancipation étonnant d’un jeune homme attachant. UN VRAI BONHOMME est donc une bouleversante dramédie sur le travail de deuil et la nécessité de prendre sa place au monde, sans plus avoir besoin de vivre dans l’ombre et le souvenir d’un être cher.

Sylvie-Noëlle

Note des lecteurs34 Notes
Titre original : Un vrai bonhomme
Réalisation : Benjamin Parent
Scénario : Benjamin Parent
Acteurs principaux : Laurent Lucas, Isabelle Carré, Thomas Guy, Benjamin Voisin
Date de sortie : 8 janvier 2020
Durée : 1h28 min
4
Émouvant

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