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VIVARIUM, l’enfer de la prison domestique – Critique

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VIVARIUM est un film de genre au concept esthétique fort pour une expérience entre The Twilight Zone et Black Mirror.

Outre le fait que son réalisateur, Lorcan Finnegan, débute sa carrière dans la société de production de Charlie Brooker, il est vrai que l’on retrouve l’esprit de la série anglaise dans le cahier des charges de ce conte horrifique. Le choix d’un concept fort, étiré et extrapolé jusqu’à l’extrême, pour illustrer une critique de notre société contemporaine.

Tom et Gemma sont à la recherche de leur première maison. Ils se laissent convaincre par un mystérieux agent immobilier de souscrire à un prêt afin de devenir les propriétaires d’un pavillon de banlieue. Mais le jeune couple se retrouve aussitôt prisonnier de l’étrange lotissement. Plus surprenant encore, un nouveau-né leur est confié, avec l’unique consigne de l’élever. Tout semble avoir été préparé, Tom et Gemma endossent des rôles prédéfinis et empruntent un chemin préalablement tracé pour eux.

Vivarium
© 2020 The Jokers Films

La force de VIVARIUM réside principalement dans son concept. Le piège se referme sournoisement sur Tom et Gemma qui se retrouvent ainsi contraints de s’établir dans leur nouveau foyer. Lorcan Finnegan compose un univers visuel fascinant et labyrinthique. Il joue avec la standardisation des banlieues pavillonnaires pour y construire son décor horrifique. L’artificialité de l’esthétisme est ici poussé à son paroxysme afin d’obtenir une atmosphère hautement anxiogène. L’idéal capitaliste se change en un véritable cauchemar éveillé. Les façades en carton-pâte et les lignes de fuite infinies des allées convoquent l’imaginaire faussement idyllique d’un Truman Show dans une version nettement plus démoniaque.

La réussite du film tient en grande partie à son univers graphique époustouflant, construit avec une incroyable minutie. La référence visuelle revendiquée par le réalisateur est L’Empire des lumières, une série de toiles de René Magritte. On y retrouve les mêmes aplats de couleurs, la symétrie angoissante de l’architecture et l’inquiétante sensation d’étrangeté qui donne aux lieux un caractère surréaliste, plongés dans un onirisme toujours prêt à basculer dans le cauchemar. Le choix de tourner en studio, l’aspect préfabriqué des décors et l’utilisation des lumières artificielles donnent le sentiment de se trouver dans un vivarium à échelle humaine. La sensation d’enfermement est omniprésente pour littéralement oppresser les personnages.

vivarium
© 2020 The Jokers Films

L’ambition métaphorique de Lorcan Finnegan est évidente, il se sert du genre et de l’horreur pour déconstruire l’idéal capitaliste et conformiste de nos sociétés libérales. Le mode de vie dans lequel sont plongés de force Gemma et Tom va petit à petit mettre à mal leur complicité pour les isoler chacun dans leur rôle et leur fonction. Prisonniers de leur maison et réduits en servitude par ce petit tyran qu’ils élèvent avec effroi. Le quotidien domestique du jeune couple devient un véritable enfer sacerdotal.

La présence énigmatique de l’enfant est vraiment dérangeante, elle installe une menace qui ne cesse de croître à mesure qu’il grandit. C’est une étrange vie de famille qui se met en place, non sans un certain humour cynique qui ose flirter avec la transgression de certains tabous. Il est loin l’idéal placardé sur les enseignes publicitaires, pour Tom et Gemma les insupportables cris du garçon donneront naissance à des pulsions infanticides. VIVARIUM va jusqu’au bout de son concept pour donner un corps à la nature démoniaque du consumérisme.

Malheureusement le film se referme peu à peu sur lui-même, comme pris au piège de son concept qui est à la fois son atout majeur mais également sa première limite. Le réalisateur annonce le programme du long-métrage dès son introduction dans une séquence allégorique suffisamment explicite. VIVARIUM joue également sur le motif de la mise en abîme qu’il ne manque pas de disséminer tout au long de l’intrigue à travers de signifiants symboles. Une fois que le spectateur aura perçu ces différents messages, difficile de ne pas anticiper le programme qui se déroule comme il nous l’a été annoncé.

vivarium
© 2020 The Jokers Films

Le dernier tiers finit malgré tout par nous réveiller en faisant voler en éclat le petit monde que le film a soigneusement composer pour nous. Lorcan Finnegan nous emmène visiter l’envers du décor pour une plongée saisissante dans un entre-deux mondes vertigineux. l’expérience est brève mais suffisamment intense pour ressortir frustré de ne pas en découvrir davantage sur ce reflet déformé. Le film nous a fait miroiter un ailleurs que l’on ne fait qu’apercevoir à travers des portes entrouvertes.

VIVARIUM se termine ainsi, sur une légère note de déception tant les attentes qu’il installe sont grandes au regard de sa conclusion prévisible. Le film vaut néanmoins le déplacement, ne serait-ce que pour l’univers déployé qui imprime durablement la rétine. Nous restons, tels les personnages, prisonniers du vivarium qui nous est destiné, la reproduction sociale est à l’œuvre, inutile de vouloir y échapper. Tout reprend comme il a commencé, dans une mise en abîme infinie, le cycle est sans fin et le système insatiable.

Hadrien Salducci

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Note des lecteurs37 Notes
Titre original : Vivarium
Réalisation : Lorcan Finnegan
Scénario : Lorcan Finnegan, Garret Shanley
Acteurs principaux : Jesse Eisenberg, Imogen Poots, Jonathan Aris, Eanna Hardwicke
Date de sortie : 11 mars 2020
Durée : 1h38min
3.5
infernal

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Rédacteur

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Note finale

  1. Yonder: unité d’un ensemble se déployant à l’identique sur une même surface.

     

    Le tout en un, projection numérique d’une seule Matrice dont tous les composants ne sont qu’un module alimentant la pensée unique d’une même conscience.

     

    Chaque élément ne contient que lui-même dans un hologramme infini.

     

    Le monde du silence sur des kilomètres que l’on parcourt sans l’espoir d’une seule rencontre.

     

    Labyrinthe Narcissique d’une prison à ciel ouvert dont chaque parcelle propage à l’infini sa propre effigie sur un agencement n’ayant aucune âme.

     

    Le ciel n’est d’aucun secours, il ne fait que répéter ce que l’on côtoie en permanence sur un site sans vie ne faisant que se reproduire et dont on ne peut sortir.

     

    Un nid calamiteux structure linéaire d’une simulation extraterrestre mystérieuse et contraignante menant deux cobayes de la curiosité à l’aliénation.

     

    Une double partition que l’on visite dans une aventure dramatique sur un concept artificiel dont l’angoissante récurrence délivre un sens sous le sens qu’il faut savoir décoder.

     

    Reproduction parfaite et compartimenté d’un isolement à long terme sans se poser de véritables questions sur le sens de la vie.

  2. Je lis télé Z, je ne suis pas un bobo, je suis un cinquantenaire au parcours intellectuel moyen, petit fonctionnaire des Ardennes et j’ai trouvé ce film bouleversant, dérangeant. Aucunement élitiste. La métaphore consumériste est tellement évidente, sa poésie crépusculaire troublante…. ça me rapelle la 4eme dimension. ..

  3. Je respecte chaque avis, et j’espère que l’on fera de même avec le mien. Ce film est l’exemple même d’une intelligentsia « bobo » qui s’épanouit devant des oeuvres insignifiantes pour le commun des mortels, car ces communs mortels n’ont pas les mêmes codes pour déchiffrer ce monde subtil qu’est l’art. « VIVARIUM » me fait le même effet… Hadrien qui essaye de donner un sens à ce film, en nous expliquant qu’il reflète notre société de consumérisme… Et bla bla bla… Par pitié, arrêtons de nous masturber le cerveau, en essayant d’appartenir coûte que coûte à une élite… Car finalement Hadrien, tu suis exactement le même schéma que ce film.
    Dans mes souvenirs, il me semblait que l’art dans toute ces formes était là pour susciter une émotion… Celle qui vient de notre être profond… Alors écoutons nous, et ne nous donnons pas juste un « semblant ». Ce film est pour moi complètement vide… Mais c’est mon ressenti, ça m’appartient. Alors tant mieux s’il a suscité d’autres choses avec d’autres personnes. C’est bien comme ça. Mais délivrons nous de cette Boboland qui essaye juste de nous faire passer pour des non initiés. Je dois être très limité. Mais s’il vous plaît, que nous amis bobos continuent à se congratuler mutuellement tout en respectant ceux qui n’ont pas l’ouverture d’esprit qui les caractérise tant.
    Ce film est fait pour les élites de Télérama. Moi je ne lis Télé Z… Désolé !!!

    1. Justement non. Le réal est loin d’être une élite, il vient de la banlieue défavorisée irlandaise. Son inspiration c’est bien cette population qui n’arrive pas a se sortir de la misère parce qu’elle est piégée dans l’équivalent plus réaliste de l’univers de Vivarium. D’ailleurs les pavillons fantômes sont à peine exagérés par rapport à la réalité.
      Après tu demandes à ce que ton avis soit respecté mais franchement la fin de ton message n’en est pas le parfait exemple (du respect)…

  4. Très bonne analyse de ce film perturbant auquel je pense encore plusieurs jours après l’avoir visionné et qui va me rester dans l’esprit encore un moment je pense. Je le trouve excellent car vraiment dérangeant, avec une atmosphère oppressante bien maîtrisée. On observe avec une horreur grandissante ce couple littéralement piégé dans un vivarium d’où toute saveur et tout espoir semblent absents. Même l’aspect de la terre autour du trou, formant une sorte de termitière, fait penser à l’aménagement d’un vivarium pour insects occupés à creuser des tunnels. L’enfer à l’état pur. L’émotion générée n’est pas agréable mais elle est bien présente, et c’est le brio de ce film.

  5. Excusez moi mais qu’elle est le message que je suis sencé comprendre dans ce film, car je ne l’ai en effet pas saisi j’ai vraiment trouvée ce film plat, trop long, frustrant, sans aucun sens, je regrette pour le moment de l’avoir visionné peut etre que me trancher les veine serait plus agréable que de regarde ce film.

    1. Ah Ah c’est très drôle d’ironiser ainsi sur le suicide… Pour en revenir au cinéma, un film n’est pas forcé de véhiculer à tout prix un « message ». Un film ne se résume pas forcément en une phrase, une pensée, une recette. Un film peut susciter de la réflexion, du questionnement ou bien n’être qu’une expérience sensorielle. Le cinéma n’est jamais assigné à résidence et pour ma part je me méfie des films, voire des oeuvres, à morale. Donc si vous en cherchez une, passez votre tour. Si quand bien même le sujet du film vous a rééllement échappé, essayez de relire attentivement ma critique. J’ai essayé, et je dis bien essayé car je ne prétends pas y être parvenu, de dire que le film proposait une allégorie du consumérisme de nos sociétés à travers un concept esthétique de cinéma de genre. Alors si vraiment le film vous hérisse le poil, et bien tant pis, chacun ses goûts, mais laissez vos veines tranquilles. :-)