YVES SAINT LAURENT

YVES SAINT LAURENT, magnifique drame – Critique

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Si dès le début, vous saviez malade la seule personne que vous aimez, celle sans qui vous ne pouvez vivre, resteriez-vous à ses côtés ? Prendriez-vous le risque d’embarquer sur le même bateau qu’elle ? Telles sont les questions que YVES SAINT LAURENT de Jalil Lespert posent.

Au-delà du genre du biopic que l’on attribue facilement au film, ce dernier est avant tout un drame sentimental autour de deux hommes : Yves Saint Laurent et Pierre Bergé. Deux hommes qui se sont vite aimés, qui se sont perdus à certains moments et qui se sont cherchés régulièrement. Le tout sur fond de défilés de haute de couture, de glamour, de sexe, de cocaïne et d’angoisse.

Paris, 1957. Evoluant déjà aux côtés de Christian Dior, c’est tout naturellement qu’Yves Saint Laurent devient directeur artistique de la maison Dior lorsque son mentor vient à mourir. Lors de son premier défilé, Yves, âgé de 21 ans, fait la connaissance de Pierre Bergé, redoutable homme d’affaires. Bien que déjà en couple, Pierre ne résiste pas au charme singulier d’Yves, de 6 ans son cadet. D’abord amants, ils deviennent également partenaires professionnels lorsque, 3 ans plus tard, Yves est remplacé à la tête de Dior à cause de ses problèmes mentaux, et qu’il décide de fonder sa propre maison afin d’être libre de créer ce qu’il veut. Dès lors, les collections s’enchaînent au même titre que les trahisons, les échecs et les coups de maître. Jusqu’en 1976, le couple évolue, se transforme et apprend à ses dépens que la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

S’il ne fallait retenir qu’un seul aspect d’YVES SAINT LAURENT, ce serait sans aucun doute sa narration. Accompagnée par des sauts en 2008, au moment de la vente de la collection Yves Saint Laurent – Pierre Bergé, elle se révèle fluide et passionnante. L’histoire d’amour d’Yves et Pierre est incroyablement bien développée compte tenu de la longueur du film (1h40), si tant est qu’à la fin, on n’aimerait ne pas avoir à leur dire au revoir. Touchante et émouvante, l’histoire de ces deux hommes force le spectateur à l’admiration et à la réflexion. Sur qui il est, ce qu’il veut et surtout ce qu’il serait prêt à faire et à endurer pour la personne qu’il aime. Ainsi que sur tous ces petits détails qui caractérisent une relation de couple et la rendent unique. YVES SAINT LAURENT met en scène une histoire d’amour atypique mais à la portée universelle. Car oui, il n’y aura jamais deux Yves Saint Laurent ni deux Pierre Bergé. Mais individuellement, nous pouvons tous nous reconnaître dans leur passion dévorante. Le genre qui nous fait dire n’importe quoi à la moindre querelle, qui nous fait souffrir dès lors que l’on pense à la possibilité de perdre l’autre mais qui, paradoxalement, nous rassure car nous nous savons pouvoir tout affronter à deux.

Un biopic moyen, mais un magnifique drame.

Ainsi, pendant la seconde partie du film, c’est finalement ce qui nous est montré et qui nous intrigue le plus. Pierre Bergé faisant l’amour à la muse d’Yves, Victoire (Charlotte Le Bon, LA MARCHE), pour salir sa perfection et s’assurer qu’elle ne soit plus un obstacle entre eux. Yves se réfugiant dans l’alcool et la drogue pour oublier qu’il ne contrôle rien de ce qui l’entoure, et encore moins son talent. Pierre supportant le comportement irrationnel et les infidélités de celui qu’il aime. Le film de Jalil Lespert revient sur la lente mais certaine descente aux enfers d’un couple mythique, sur le génie de celui qui a tant apporté aux femmes et sur la décadence et l’insouciance propres aux années 60 et 70. Fresque fashion et drame sentimental à la fois, YVES SAINT LAURENT ne répond pas à la question « Qui était vraiment Yves Henri Donat Mathieu-Saint-Laurent ? » mais nous explique en profondeur la singularité du rapport Saint Laurent – Bergé. Avec comme climax l’année 1976, marquée par la plus belle collection de Saint Laurent, celle des « Ballets russes », qui lui a permis d’achever sa période d’internement à l’Hôpital américain de Neuilly, où il était traité pour dépression.

Pour camper Saint Laurent et Bergé, Jalil Lespert a choisi deux hommes au talent plus que certain en la personne de Pierre Niney (20 ANS D’ÉCART) et Guillaume Gallienne (LES GARÇONS ET GUILLAUME, A TABLE !). Le premier touche, étonne voire épate grâce à une prestation de haut vol, un mimétisme frappant et un phrasé parfait. Tandis que le second donne, grâce à son charisme et sa maturité, un peu de profondeur à un film parfois trop subtil. Leur synergie aboutit sur un réalisme désarmant. Les deux pensionnaires de la Comédie-Française sont parfaits en petits bourgeois flambeurs et arrogants, aussi calculateurs qu’amoureux l’un de l’autre. Parmi les seconds rôles notables, on sourit en voyant Nikolaï Kinski incarner un Karl Lagerfeld de pacotille aux fréquentations regrettables, et une Marie de Villepin qui assomme plus qu’elle ne rend son personnage de Betty Catroux désirable.

Avec YVES SAINT LAURENT, Jalil Lespert crée un film au contenu hétérogène, aux ambiances différentes et prouve qu’il est un grand réalisateur en devenir. En atteste notamment toutes les scènes illustrant la sexualité débridée des personnages. En coupant quand il faut et en misant sur la suggestion et l’évocation, il donne à voir un film raffiné. Là où d’autres auraient eu tendance à livrer quelque chose de vulgaire, loin du mythe « YSL ». En s’attardant sur les décors et les costumes, nous ne pouvons que noter le goût incomparable de Saint Laurent. Notamment parce que l’appartement filmé est celui dans lequel il résidait aux côtés de Pierre Bergé, avenue Marceau. Parce que les robés portées sont celles qu’il avait créées et qui ont été prêtées par la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent, au même titre que les dessins et croquis. Ou bien parce que c’est dans le véritable jardin Majorelle de Marrakech que les scènes de vacances ont été tournées. Le tout attestant d’un réalisme incomparable et dont Jalil Lespert lui-même ne pouvait rêver. Enfin, la musique du trompettiste et compositeur Ibrahim Maalouf apporte dynamisme et chaleur à une œuvre un tantinet froide.

Adaptation libre de la biographie éponyme de Laurence Benaïm, YVES SAINT LAURENT est certes un biopic moyen mais un magnifique drame. Correctement écrit, bien monté et bénéficiant du soutien de Pierre Bergé en personne, le film ne devrait laisser personne indifférent, le jeu d’acteur de ses deux principaux interprètes valant vraiment le détour. Au point que l’on aimerait que cette histoire d’amour n’ait jamais connu de fin.

Wyzman

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Rédacteur depuis le 31.10.2013

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