HAPPY END

[CRITIQUE] HAPPY END

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Michael Haneke dézingue la bourgeoisie dans Happy End, film au titre ironique, rempli d’humour noir, qui continue d’explorer les obsessions du metteur en scène.

Haneke fait du cinéma exigeant. Ce n’est pas une nouveauté. Primo, exigeant de sa part, parce que très pensé, verrouillé et exécuté méticuleusement. Secundo, exigeant pour le spectateur parce qu’il faut être en capacité d’encaisser ce que le metteur en scène autrichien propose. Voir un Haneke, c’est toujours une expérience. Bonne ou mauvaise. Son précédent film, Amour, auréolé d’une Palme d’Or à Cannes était un moment terrassant, pesant, continuant de creuser le sillon voyeuriste d’un homme qui aime nous confronter aux choses que l’on redoute. Déranger, perturber, il sait faire. Et Happy End, son nouveau film ne manque pas de le faire avec son ouverture sous forme de Periscope (l’application qui permet de filmer en direct et de partager avec des gens) où une gamine (on ne le sait pas de suite) filme des éléments de sa vie quotidienne. Sa mère se lave, sans jamais faire attention au fait que sa progéniture soit en train de la filmer. Ensuite, et les choses se compliquent, la jeune fille tue son hamster avec les médicaments de sa mère. Puis elle empoisonne cette dernière. On est interloqué, bousculé, par une telle entrée en matière. D’autant plus qu’au moment de l’introduction, impossible de savoir qui tient le téléphone.HAPPY ENDCe petit jeu du « je te montre, puis je t’explique » est un des ingrédients délicieux du film, lui permettant par petite séquence de nous stimuler. Et Haneke en joue, s’amuse. Comme avec cette scène où Jean-Louis Trintignant, en fauteuil roulant, accoste une bande de jeunes. Ils parlent mais on n’entend rien, le son étant recouvert, lointain, masqué par le bruit des voitures. On apprendra par la suite de quoi il en retournait et ça sera par un petit travail cérébral de reconstruction que l’on comprendra le pourquoi du comment. Rien de novateur pourtant la combine marche. Quiconque connaît un tantinet le travail du double palmé sera en terrain connu dans Happy EndA la seule légère exception – et pas des moindres – que Haneke laisse imprégner son film d’une part d’insignifiance leurrant avec l’absurdité. Eve, la jeune fille, dit à son père (Mathieu Kassovitz) après une révélation qu’elle sait qu’il ne les aime pas mais que « ça ne fait rien« . Cette petite phrase serait le leitmotiv du film, enrayant toute sa mécanique trop sérieuse. Un ouvrier meurt mais ça ne fait rien. Une tentative de suicide échoue mais ça ne fait rien. Le fils raté débarque aux fiançailles de sa mère pour mettre la pagaille mais au final, ça ne fait rien. Dans ce microcosme bourgeois, rien n’a d’importance. Tant d’événements pour si peu de conséquences.

« Haneke livre sa vision très ironique du concept de happy end. »

La surprise fut immense lors de la découverte de ce titre, Happy End. Un titre qui sonne ironique dans la filmographie de Haneke et qui ici ne manque pas d’être détourné, sali, pour dézinguer une bourgeoisie omnibulée par elle-même. Il y a évidement des limites à ce que fait Michael Haneke, surtout lorsqu’il se laisse aller à des pratiques auteurisantes vaines (des scènes remplies de vide ou les discussions sur Facebook), que son rythme patine et qu’il ne peut s’empêcher de nous assommer par la portée symbolique des effets employés. Il y a définitivement toujours du bon et du mauvais dans son travail. Happy End est à mi-chemin. Moins détestable que tout un pan de sa filmographie, tout en étant totalement dans la continuité thématique, formelle – avec les qualités et les défauts inhérents. Il y a tout de même quelque chose de savoureux à voir cette bourgeoisie snobe qui n’arrive jamais à se suicider. Le sens du titre est là finalement : s’ils ne peuvent pas mourir, c’est qu’ils sont déjà plus de ce monde, morts. Et nous, vivants, les regardons s’agiter avec délectation dans leur petit enfer sans intérêt. Le happy-end sauce Haneke c’est ça.

Critique publiée le 24 mai 2017 lors de la projection au Festival de Cannes.

Maxime Bedini

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Note des lecteurs6 Notes
Titre original : Happy End
Réalisation : Michael Haneke
Scénario : Michael Haneke
Acteurs principaux :Isabelle Huppert, Toby Jones, Mathieu Kassovitz
Date de sortie : 4 octobre 2017
Durée : 1h50min
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