[interview] Kim Chapiron à la Nuit de l’horreur

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Sur Orange Cinéma, Octobre est le « mois de la peur », durant laquel se succèderont nanars, grands classiques et chefs d’œuvres cachés. Humour ou sueurs froides, vampires ou zombies, il y en aura pour tous les goûts. C’est l’occasion de re-regarder pour la douzième fois Une nuit en enfer, et surtout de découvrir Aux frontières de l’aube, l’arme secrète de la programmation. Pour promouvoir l’évènement, Orange avait invité le Blog à la Nuit de l’horreur, une sélection de quelques moments forts du mois. Le bal est ouvert par Sheitan, en présence de son papa, Kim Chapiron.
Le mec a un background assez convaincant : il a sa première révélation cinématographique avec La Haine de Matthieu Kassovitz, fréquente Vincent Cassel, Oxmo Puccino et Romain Gavras, avec lequel il est le fondateur du collectif culte Kourtrajmé. Et si Sheitan est un film discutable et discuté (grosse merde ou chef d’œuvre ?), Dog Pound, son deuxième long-métrage, est une excellente surprise, sur un terrain pourtant glissant. Les réalisations de Kim Chapiron parlent de violence et de sexe, ses personnages sont des jeunes de banlieue ou des prisonniers, des psychopathes et des laissés pour compte… alors, si on n’est pas averti, on peut avoir un choc en le voyant pour la première fois : beau gosse très propre sur lui, Kim sourit tout le temps, est poli, parle presque trop bien pour avoir l’air sincère et, surtout, semble n’avoir pas grand-chose à dire sur son propre travail. A moins que je n’aie pas posé les bonnes questions. A vous de juger.

C’est émouvant de revoir Sheitan sur grand écran ?

Carrément. Je vois toujours ce film avec beaucoup de tendresse.

Le fait qu’on ne l’ait pas oublié, 4 ans après sa sortie, ça peut vouloir dire qu’il est en train d’acquérir un statut de film culte, qu’il n’est pas mort…

C’est un témoignage d’une époque et de personnages qui reflètent un moment de ma vie. Donc de voir que des gens sont réceptifs, c’est vraiment agréable.

Tu as dit à de nombreuses reprises que pour toi, Sheitan n’était pas spécialement un film d’horreur. Tu trouves pas ça étrange, dans ce cas, qu’il soit projeté dans une soirée consacrée à l’horreur ?

Ca me fait vraiment bizarre, ouais.

Ca te pose pas un problème ?

J’espère juste que les gens qui viennent pour flipper et pour avoir des sensations, comme dans Massacre à la tronçonneuse, sont au courant qu’ils auront pas ça.

Oui mais tout de même, dans Sheitan il y a une vraie dimension glauque qui le rapproche de l’horreur, non ?

Bien sûr, mais ça, ça titille les angoisses et le malaise aussi bien que ça titille l’humour, la sexualité… Ca fait partie des différentes émotions que j’ai voulu déclencher.

Humour, sexualité… on pourrait dire que c’est un teen movie alors ?

Oh j’aimerais bien ! C’est joli l’appellation teen movie, j’aime beaucoup.

Maintenant que tu as plus d’expérience en tant que réalisateur professionnel, il y a des trucs que tu changerais dans Sheitan ?

Nan, rien du tout. Je suis heureux de tout, c’est comme ça que j’aurais voulu qu’il soit.

C’est le film parfait, pour toi ?

C’est pas parfait, c’est le film qui correspond à ce moment, voilà. On l’a fait comme il devait se faire. Je suis pas du genre à regretter en tout cas.

Il y a énormément de différences entre Sheitan et ton dernier film, Dog Pound… Notamment au niveau de la manière dont ils ont été faits : sur Sheitan, tu bossais avec toute l’équipe de Kourtrajme, entouré de tes potes et de ta famille, tandis que sur Dog Pound, tu te retrouves avec une équipe à 100% neuve. Ca fait quoi de se retrouver tout seul ?

J’ai souvent été tout seul… On est avant tout au service de son sujet, c’est la règle en tant que réalisateur. Sheitan, la dynamique de groupe et d’inspiration qu’on avait tous correspondait vraiment à l’univers du film. Dog Pound était quelque chose de beaucoup plus intime et personnel, et là j’étais avec mon coscénariste, tous les deux, tous seuls…

Ca te permet aussi de faire tes preuves en solo, de montrer ce que tu vaux par toi-même, peut-être ?

C’est donner beaucoup d’importance à sa personne que de dire quelque chose comme ça. Je préfère être au service du film. Au final c’est le film qui reste. Le public s’en fout du réalisateur, il préfère regarder le film.

Un réalisateur, c’est tout de même un regard, un univers de référence… Quand tu parles de tes références pour Dog Pound, tu ne cites pratiquement que des films américains. Dog Pound c’est plutôt un film français ou un film américain ?

J’espère qu’il y a quand même une âme qui nous appartient. Dans les films européens, même si c’est généralisé de dire un truc pareil, on traite beaucoup des rapports humains, toujours, donc on a une sensibilité européenne. J’espère que dans Dog Pound y a cette sensibilité qu’on ressent, qui nous appartient.

Et pourtant, quand on y réfléchit, il n’y a pas tant que ça de grands films de prison français qui viennent en tête quand on y réfléchit. Pourtant, en moins d’un an, il y a eu Un prophète, de Jacques Audiard, et Dog Pound. Ca veut dire quelque chose, deux réalisateurs français qui s’intéressent en même temps à ce thème ?

Bah c’est le hasard hein. J’ai commencé mon tournage pratiquement en même temps que le Prophète, alors que nous ça a mis un peu plus de temps, la sortie du film était pas organisée pareil, et c’est un hasard total.

Il n’y a pas quelque chose que tu voulais dire, un climat général que tu voulais traduire, évoquer ?

Pour le coup c’est le hasard. C’est une fiction totale, qui parle de la délinquance juvénile, et c’est un portrait de, de quelques jeunes délinquants qui ont été incarcérés dans ces centres de détention.

Kim Chapiron 1

La particularité de Dog Pound, que tu revendiques, c’est que, contrairement à pas mal d’autres films de prison, il ne prend pas la question sous l’angle des conflits ethniques. Mais à la base, pourtant, c’est K’naan qui devait avoir le rôle principal non ?

Bien sûr. K’naan, qui fait la BO…

Mais K’naan, lui, est black. Ca aurait changé beaucoup de choses dans le film si l’acteur principal avait été noir au lieu d’être blanc ?

C’est sûr et certain. Mais d’ailleurs c’était un autre film, on l’a réécrit. Quand est arrivé ce moment où il n’a pas pu tourner le film et qu’on est tombés sur cette perle rare qu’est Adam Butcher, on s’est adaptés. Le film a changé, et j’ai dû le remodeler avec le scénariste.

Et alors, ça aurait donné quoi, Dog Pound, sans ça ?

Ca aurait été plus à l’image de K’naan. C’était un enfant soldat de Somalie, un rescapé de Mogadiscio, de la guerre civile, qui débarque au Etats-Unis… C’était un peu son histoire.

Ton prochain film, en revanche, sera un truc beaucoup plus léger. Tu nous a annoncé une comédie romantique à Rio. Tu passes donc des Etats-Unis au Brésil… T’en a marre de la France ?

Non, c’est que le projet sur lequel je suis en train de travailler, j’y pense depuis vraiment pas mal de temps et j’ai envie de commencer à travailler dessus. C’est qu’après ce deuxième film je me sens peut-être plus à l’aise pour faire un film un peu plus gros.

T’as gagné en confiance.

Voilà, exactement. C’est le projet qui arrive à ce moment-là de ma vie. Moi la France j’adore, y a plein de choses à raconter sur la France, j’ai plein d’idées de films qui se passent en France.

Donc c’est pas exclu que tu reviennes ? C’est plus un hasard qu’autre chose le fait que t’enchaînes 2 films qui se passent hors des frontières ?

Voilà c’est ça.

Tu es encore un jeune réalisateur, mais tu viens de passer le cap de la trentaine. Dans Sheitan, tes personnages ont environ 20 ans, et dans Dog Pound, ils sont à une moyenne d’âge de 16 ans. Donc en gros, pendant que toi tu vieillissais de 4 ans, eux ont rajeuni d’autant d’années. Ca veut dire quelque chose ?

Bah j’espère un jour faire un film sur les tout petits …

Ca ferait un sacré changement de ton. Entre Sheitan et Dog Pound, il y avait déjà un monde, et entre Dog Pound et ta comédie romantique, on peut attendre la même chose. Tu comptes continuer à changer de registre à chaque film ?

Non, pas spécialement, je laisse aller avec le film qui correspond le mieux au moment.

T’as peut-être peur de t’ennuyer, ou de faire deux fois le même film, quelque chose comme ça ?

C’est pas aussi réfléchi.

C’est pas aussi réfléchi ?

Nan.

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