ALICE DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR
© Walt Disney Company France

ALICE DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR, l’imaginaire vraisemblable – Critique

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À nouveau produit par Disney, ALICE DE L’AUTRE COTE DU MIROIR de James Bobin est une « fausse » adaptation du roman de Lewis Carroll sorti en 1871 ; suite direct du classique de la littérature de jeunesse, Les Aventures d’Alice au pays des merveilles (1865).

Fort du beau succès du premier opus signé par Tim Burton en 2010 – resté producteur pour l’occasion, Disney et sa célèbre scénariste, Linda Woolverton (La Belle et la Bête, Le Roi Lion, Mulan, Maléfique, etc.), signent cette suite des aventures d’Alice (avec la toujours géniale Mia Wasikowska) n’hésitant plus à prendre leurs distances avec le conte d’origine. Côté réalisation, c’est le jeune cinéaste britannique, James Bobin, qui se voit charger de mener à bien le projet. Proche d’un certain Sacha Baron Cohen depuis les années « Ali G » et sympathique réalisateur des deux récents remakes sur les Muppets (Les Muppets, le retour en 2011 et Muppets Most Wanted en 2014), Bobin semble avoir le vent en poupe à Hollywood ; chose confirmée avec sa prochaine réalisation ; l’improbable cross-over entre Men In Black et 21 Jump Street.

Photo du film ALICE DE L'AUTRE CÔTÉ DU MIROIR

Véritable conte pour enfants, ALICE DE L’AUTRE COTE DU MIROIR possède deux atouts de premier ordre : Le Temps et Sacha Baron Cohen. Nouveau venu dans l’univers, l’acteur anglais personnifie Le Temps, et confère une légèreté et une sympathie à une notion généralement vouée au sentiment tragique : la confrontation absurde entre Le Temps et le Chapelier s’avère être la scène la plus réjouissante du film. Bien que sa représentation soit si peu créative sur le plan de l’imaginaire visuel (monstrueuse horloge, robot-horloge, salle des vivants et des morts, un océan du Temps aux vagues de souvenirs), le voyage dans le temps a néanmoins vocation à réveiller les fantasmes et les désirs les plus enfouis. Et si la morale reste conforme à une logique typique d’un merveilleux vraisemblable – on ne peut pas modifier le passé mais seulement en tirer des leçons – le film plonge dans de lointains traumas issus des deux personnages les plus fascinants du conte de Carroll : la Reine Rouge (Helena Boham Carter) et le Chapelier Fou (Johnny Depp). Une fois n’est pas coutume, les traumas enfantins respectent la logique des contes avec l’angoisse de l’abandon pour le Chapelier Fou (père intransigeant, recherche de l’univers familial) et la trahison initiale pour la Reine Rouge : la scène où sa sœur, Mirana aka « Reine Blanche », mange le dernier biscuit en cachette et le disperse sous un lit accusant ainsi sa sœur, orchestre un des domaines privilégiés du conte pour enfants, celui de l’oralité, c’est à dire le fait de manger ou d’être mangé (chez Carroll, les personnages mangent et boivent de manière excessifs).

Alors que le film tente de réduire cette frontière entre le rêve et la réalité, la mise en scène ne fait que l’augmenter, en desservant forcément la réalité.

Au-delà de ces deux qualités probantes, le film n’est pas exempt de défauts : un récit qui s’étire en longueur, en particulier dans son raccordement avec la réalité historique d’une époque victorienne (toutes ces séquences manquent de liant et d’épaisseur, et ne peuvent tenir la comparaison avec celles de l’autre côté du miroir) : la relation mère-fille est bâclée ; le thème de l’émancipation de la femme du regard des hommes est abrégée, etc. Alors que le film tente de réduire cette frontière entre le rêve et la réalité, la mise en scène ne fait que l’augmenter en desservant forcément la réalité. À noter également le manque d’humour, du bestiaire aux insupportables « minions » mécaniques, les situations comiques se font rares. Excepté le numéro de Baron Cohen en idiot de la reine, les facéties du Chapelier, le regard amorphe de la Reine Blanche (Anne Hathaway) et les hurlements de la Reine Rouge, etc., rien dans le film ne parvient à susciter le moindre balbutiement comique.

En réduisant la voilure côté action – la scène d’ouverture et après plus rien jusqu’à cette belle course poursuite contre la « rouille du temps » – ALICE DE L’AUTRE COTE DU MIROIR se concentre sur les personnages du conte et leurs traumas personnels, construit les origins stories des deux grands malades de l’univers de Carroll et parvient, et ce n’était pas gagné d’avance, à façonner une personnification du Temps sympathique à défaut d’être original. Légèrement supérieur au premier opus, ALICE DE L’AUTRE COTE DU MIROIR n’est certes pas un grand film, mais à l’intelligence de respecter l’abstraction poétique de certains passages du roman et de livrer un conte pour enfants dans sa plus pure tradition, à savoir agencer le fond archaïque des préoccupations infantiles.

Antoine Gaudé

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Note finale

  1. Je vous trouve franchement dur ! N’oubliez pas qu’il est aussi fait pour les plus jeunes, et je doute que tous les approfondissements dont vous parlez leur disent quelque chose ! Il y a des films qu’il faut regarder avec des yeux d’enfants, et celui-ci en fait clairement partie, au même titre (et même plus) qu’un Pirates des Caraïbes.

    1. Oui c’est sûr, mais je doute qu’un enfant de 8 ans s’attarde sur ce type d’articles. Pour ma part, j’essaye de transmettre un ressenti du film avec un point de vue et une sensibilité particulière. Je ne m’oppose pas du tout au fait que l’on peut aimer Tim Burton, les Pirates des Caraibes, etc entendons-nous bien. Par exemple ici, j’analyse d’abord la structure du récit – un conte pour enfants plutôt réussi et respectueux de l’esprit du roman (même si très différent) – puis je pointe du doigt les qualités (les originalités, les dépassements, les anomalies et autres variations) ainsi que les défauts (scénaristique et visuel). La critique peut sembler « dure » – et pour le coup, je crois en avoir rédigé des plus « dures » – parce que ce n’est pas le « cinéma grand public » auquel j’aspire, mais néanmoins je lui attribue la note de 5 afin de signifier qu’il fait le « job » et que certaines fulgurances méritent qu’on y jette un œil.