© Sony Pictures Releasing France

« ANGRY BIRDS THE MOVIE » : l’anthropomorphisme réducteur

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ANGRY BIRDS a été chroniqué par ANTOINE dans le cadre de la rubrique : RÉFLEXIONS POÉTIQUES

Les adaptations cinématographiques des franchises de jeu vidéo sont légions à Hollywood, et ce, depuis plusieurs années déjà (Super Mario Bros., Warcraft : Le commencement, Prince of Persia, Resident Evil, Assassin’s Creed, etc.). Ainsi, voir débarquer sur les écrans une adaptation du jeu vidéo, ANGRY BIRDS (sorti en 2009), semble s’inscrire dans la pure logique des agendas de studio (Sony « Columbia » Pictures), bien que celle-ci pose une nouvelle interrogation : un jeu de type-casse-tête peut-il réellement faire œuvre de fiction ?

Boosté par son casting-voix estampillé « comédie US » avec la présence de certains de ces poids-lourds (Jason Sudeikis, Danny McBride, Bill Hader, Maya Rudolph, Josh Gad, Jillian Bell, etc.), ANGRY BIRDS THE MOVIE avait sorti quelques atouts sensés séduire le spectateur en quête de films d’animations un brin iconoclastes malgré la probable et assumée indigence scénaristique. Le résultat n’est évidemment pas à la hauteur (mais quelle était réellement cette hauteur ?). Cherchant en permanence à surfer sur la vague du comique de références qui n’a pas fini d’enterrer l’ensemble de la comédie américaine, le film oublie trop souvent le potentiel absurde de ses personnages : des oiseaux énervés et ne sachant pas voler qui affrontent des cochons verts ! Finalement, seule la grande scène d’action finale évoque directement la régression propre au scénario du jeu vidéo (des oiseaux qu’on propulse via un lance-pierre géant sur les habitations des cochons afin de les faire tomber).

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Le reste du film est bien trop sage et convenu, même la présence de Red, supposé être l’oiseau aigri et soupe au lait de l’île, n’apporte jamais la folie ou l’irrévérence nécessaire pour faire valdinguer tout ça dans un gentil chaos à l’instar du génial Tempête de boulettes géantes (2009). La faiblesse scénaristique étant entendue depuis longtemps, le film récupère, de manière ostensible, les bonnes idées prises à d’autres films d’animations : on pense à celle de The Mighty Eagle, sorte de superhéros légendaire de l’île des oiseaux qui, depuis des années, vit reclus dans sa cachette et dont la trajectoire renvoie à celle de Metroman dans le bien plus drôle Megamind (2010).

« Encore une fois, c’est l’anthropomorphisme des animaux qui est pointé du doigt : à force de subir les mêmes instances psychiques que l’homme, les animaux perdent leur singularité et sont brassés à la moulinette façon « valeurs de la République » »

Il est évident qu’il est plus difficile de concocter une situation burlesque véritablement drôle que de façonner une punch-line rigolote ou bien de citer une référence populaire. Et cette paresse d’écriture apparaît comme le principal défaut de 90% des comédies d’aujourd’hui. Deux raisons à cela : le choix des réalisateurs évidemment (il n’y a pas beaucoup de Brad Bird, Thomas McGrath ou de Phil Lord et Chris Miller sur le marché américain) et l’importante proportion comique laissée à l’ironie et à la référence à tout-va dans ce type de films. Encore une fois, c’est l’anthropomorphisme des animaux qui est pointé du doigt : à force de subir les mêmes instances psychiques que l’homme, les animaux perdent leur singularité et sont brassés à la moulinette façon « valeurs de la République ». Autrement dit, ils ont le droit d’avoir des couleurs et des physiques différents, voire des caractéristiques propres, mais ils conservent néanmoins les mêmes traumas qu’un homme issu du XXIème siècle. À titre de comparaison, la force comique du dernier Disney, Zootopie (2016) – et certainement sa plus grande idée –  est d’avoir su rendre aux personnages leur singularité animale tout en jouant avec ce régime anthropomorphique contemporain, ce qui donnait, par exemple, cette merveilleuse séquence avec le paresseux : son extrême lenteur se mariait ainsi parfaitement aux métiers de l’administration dans la perception qu’en offre notre imaginaire collectif. Le comique de l’anthropomorphisme provenait principalement de son animalité, et non de sa parole. Hélas, dans ANGRY BIRDS THE MOVIE, il n’y a pas une seule scène de cette ampleur burlesque.

Photo du film ANGRY BIRDS
© Sony Pictures Releasing France

Bien qu’on puisse tout de même sourire sur certains gags bien régressifs, la pauvreté visuelle du film et le manque d’ambition scénaristique gâcheront le plaisir du spectateur, incapable de s’émouvoir pour la trajectoire univoque d’un des personnages ou encore d’en apprécier le potentiel comique. Et pourtant, ANGRY BIRDS THE MOVIE aurait dû être ce terrain d’expérimentation total, mais la lourdeur de l’ensemble démontre, une nouvelle fois, l’incapacité qu’à Hollywood de livrer un film d’animation acidulé, aussi audacieux qu’hilarant. Il n’y a plus qu’à espérer que le prochain Seth Rogen et Evan Goldberg, Sausage Party, soit cette comédie d’animation absolue : un film rated R, enclin à la vulgarité et à l’outrance ; remplis de références cinématographiques visuelles (et espérons-le pas trop populaires et faciles) dans un ensemble plongé d’« anthropomorphisme alimentaire » (sic!) qui devrait largement lui permettre de s’élever de la masse.

Antoine Gaudé

D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?

[divider]INFORMATIONS[/divider]
angry birds

Titre original : The Angry Birds Movie
Réalisation : Clay Kaytis, Fergal Reilly
Scénario : x
Acteurs principaux : Avec Omar Sy, Audrey Lamy, Jason Sudeikis
Pays d’origine : Finlande, U.S.A.
Sortie : 11 mai 2016
Durée : 1h38min
Distributeur : Distributeur Sony Pictures Releasing France

[toggler title= »Synopsis :  » ]Ce film nous amène sur une île entièrement peuplée d’oiseaux heureux et qui ne volent pas – ou presque. Dans ce paradis, Red, un oiseau avec un problème de colère, le très pressé Chuck, et l’imprévisible Bomb ont toujours été mis à l’écart. Mais lorsqu’arrivent des cochons verts mystérieux sur l’île, ce sera la mission de ce groupe de parias de découvrir ce que trament les cochons.[/toggler][divider]BANDE ANNONCE[/divider]

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