L'EMMERDEUR

L’EMMERDEUR – Critique

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L’emmerdeur avec Lino Ventura et Jacques Brel fait l’objet d’une ressortie au cinéma. Réalisé par Edouard Molinaro, ce classique est fortement imprégné de la patte de Francis Veber.

Mis en scène par l’expert des adaptations des pièces de théâtre Edouard Molinaro (qui a auparavant réalisé Oscar et Hibernatus, et plus tard La Cage Aux Folles), L’EMMERDEUR (1973) est considéré comme un « classique » de par son succès dans les salles et surtout, sa forte inscription dans ce genre de comédie de boulevard version cinéma où se mêlent quiproquos, circonstances dramatiques, jeux de mots, et gags.

Pourtant, les cinq premières minutes ont tout du polar. Objectif : mettre en scène l’arrivée du personnage le plus froid et imperturbable de l’histoire. Par son charisme naturel venu tout droit de son passif de lutteur, Lino Ventura joue le tueur à gages méthodique et impassible. Ce n’est que lorsque la musique à suspense laisse la place aux sonorités plus pittoresques de l’accordéon que débarque sur une petite route de campagne le second bonhomme, François Pignon.

Photo du film L'EMMERDEUR

Jacques Brel est ainsi le tout premier à incarner ce personnage au cinéma. Bien que sa performance d’acteur s’inscrive dans la continuité de ce qu’il était capable de faire lors de ses interprétations musicales toujours habitées et saisissantes, c’est à chaque fois impressionnant de constater combien le comédien arrivait à balayer d’un trait le chanteur qu’il avait été. Un autre Jacques Brel s’élève devant les spectateurs dans chacun de ses films. Et L’EMMERDEUR est une fois de plus (mais la dernière : il ne tournera plus de film après celui-là) la preuve qu’il avait un véritable don pour la comédie.

Drôle, il sait également jouer de son corps, de son physique singulier pour l’être encore plus…  Et pour faire un formidable François Pignon. L’arrivée de son personnage explose toute atmosphère de crime, et installe alors la comédie qui ne quittera désormais plus la pellicule. Après une maladroite tentative de suicide, cet homme dépressif et naïf met à mal – en toute inconscience ! – les plans du bandit. Comble de l’histoire, une étrange compassion nous vient à l’égard de celui-ci, qui essaye de se débarrasser en vain de ce compagnon d’infortune, ce véritable « emmerdeur ». Les deux acteurs, en symbiose, forment le duo traditionnel du clown blanc autoritaire et malicieux déstabilisé par l’Auguste qui accumule les désastres. Proposant un presque huis clos, reposant par conséquent sur ce couple d’acteurs, cette comédie à la mise en scène classique n’est efficace que lorsque le couple l’est.

C’est simple, c’est bienveillant. C’est du Veber.

Outre cette dimension, l’empreinte de Francis Veber (ayant écrit ce film basé sur sa pièce Le Contrat), se ressent très fortement, bien plus que dans ses précédents scénarios. C’est en partie pour cela que L’EMMERDEUR est important. N’ayant encore jamais réalisé de film, on constate que toutes les bases de son cinéma sont déjà bien présentes, ici, dans ce long-métrage de Molinaro. Si le cinéaste ne cessera de peaufiner le tout durant plus de 30 ans, on trouve déjà bien aiguisée son écriture vaudevillesque, bien développé ce sens du court récit réglé comme du papier à lettre, bien définis les traits de caractère de ses personnages récurrents.

Photo du film L'EMMERDEURDe plus, que ce soit dans La Chèvre, Les Fugitifs (avec Pierre Richard et Gérard Depardieu), Le Diner de Cons (Jacques Villeret et Thierry Lhermitte), Tais-Toi ! (Depardieu et Jean Reno) et donc dans L’EMMERDEUR, le schéma reste sensiblement le même. Il y a toujours cette rencontre totalement hasardeuse de deux gars que tout oppose. Par le puissant cours des choses (en l’occurrence, l’enchainement de situations burlesques), le destin de l’un ne peut se faire sans l’autre : ils deviennent inséparables. Le plus lucide des deux (généralement le voyou) est en constant mélange d’aberration et d’admiration devant son acolyte qui arrive à s’empêtrer ou se dépêtrer de situations qui le dépasse totalement. Ce sont des personnages que l’on aborde d’abord avec beaucoup d’a priori (l’un qu’on prend pour un idiot, l’autre pour le cœur de pierre), puis que l’on finit par trouver attachants. L’émotion fait partie de ces récits, amenée généralement par la gentillesse sincère de Pignon, aux airs de Monsieur tout le monde. C’est simple, c’est bienveillant. C’est du Veber.

Doté de toutes ces caractéristiques, L’EMMERDEUR est alors indissociable de la longue liste de comédies « Veber » à succès, bien qu’il ne l’ai pas réalisée. Conscient lui-même de ce petit hic, et afin de corriger le tir, il en fera un remake en 2008. Mais pour Patrick Timsit et Richard Berry, difficile de passer après Jacques Brel et Lino Ventura qui ont marqué au fer rouge cette histoire « d’emmerdeur », donnant à cette version d’Edouard Molinaro une oeuvre unique et indétrônable.

Yohann Sed

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Note des lecteurs7 Notes
Titre original : L’EMMERDEUR
Réalisation : Edouard Molinaro
Scénario : Francis Veber
Acteurs principaux : Lino Ventura, Jacques Brel
Date de sortie : 20 septembre 1973
Durée : 1h20min
4
Unique

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