[critique] Inglourious Basterds

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Dans la France occupée de 1940, Shosanna Dreyfus assiste à l’exécution de sa famille tombée entre les mains du colonel nazi Hans Landa. Shosanna s’échappe de justesse et s’enfuit à Paris où elle se construit une nouvelle identité en devenant exploitante d’une salle de cinéma.

Quelque part ailleurs en Europe, le lieutenant Aldo Raine forme un groupe de soldats juifs américains pour mener des actions punitives particulièrement sanglantes contre les nazis. « Les bâtards », nom sous lequel leurs ennemis vont apprendre à les connaître, se joignent à l’actrice allemande et agent secret Bridget von Hammersmark pour tenter d’éliminer les hauts dignitaires du Troisième Reich. Leurs destins vont se jouer à l’entrée du cinéma où Shosanna est décidée à mettre à exécution une vengeance très personnelle…

Note de l’Auteur

[rating:7/10]


Date de sortie : 19 août 2009
Réalisé par Quentin Tarantino
Film allemand, américain.
Avec Brad Pitt, Mélanie Laurent, Christoph Waltz, Eli Roth, Diane Kruger, Michael Fassbender
Durée : 2h 33min
Bande-Annonce :


Inglourious Basterds : Bande-annonce (VOSTFR)
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A chaque fois, la sortie d’un nouveau film de Tarantino fait toujours son petit effet : mélange d’impatience infantile et de profondes interrogations quant au spectacle qui va se disputer devant nos yeux.

Et autant le dire de suite, savoir que le monsieur a prit la seconde guerre mondiale comme modèle et qu’il l’a bidouillé à sa façon a un petit côté fantasmagorique important qui laisse présager un divertissement 100% « Tarantinesque ». Du grand spectacle en perspective que ne viendra pas remettre en question une bande-annonce des plus jouissives où l’on entre-aperçoit notre bande d’ « Inglourious Basterds » dézinguer du nazi à toutes les sauces : mitrailleuse lourde, batte de baseball, couteau de chasse… rien n’est laissé au garage pour s’adonner à un massacre digne de ce nom.

Malheureusement tous ces éléments présents dans la bande-annonce sont bizarrement bien cachés dans le film de 2h30min.

Car une fois la lumière éteinte et l’écran allumé, c’est à un tout autre spectacle que nous assistons : histoire brouillonne, décousu, maladroite, lenteur soporifique avec des plans interminables que l’on souhaite de tout notre cœur voir se terminer, action trop peu présente mais surtout, clou du spectacle, notre bande d’exterminateur de nazi, qui donne son nom au film et qui est la partie centrale de celui-ci, est absente pendant les ¾ de la projection.

Le spectateur se retrouve très vite devant un constat, longuement mûrit ou non : on l’a prit pour un c** en lui proposant un film d’action qui n’en est pas un. Cela pourra en énerver plus d’un qui, s’attendant à un déluge de chair et de sang, ont payé leur place pour voir Quentin Tarantino diriger un film de bourrin dopé aux dialogues incisifs et autres scènes d’anthologies qui sont sa marque de fabrique.

Très vite on s’aperçoit que l’on se trouve à des années lumières des mythiques Pulp Fiction et Reservoir Dogs qui était parfaits en tout point : engrenage scénaristique pointilleux, dialogues succulents, acteurs grandioses… une belle époque que l’on regrette amèrement. Même Kill Bill que je n’ai pas tant apprécié parce qu’il retranscrivait un univers dans lequel j’ai bien du mal à adhérer mais dont je salut haut et fort le travail accomplit dépassait Inglourious Basterds et de loin ! Ce dernier rejoint plutôt la lignée de Jackie Brown et dernièrement Boulevard De La Mort qui, à défaut d’être complètement ratés, ne sont pas à la hauteur de ce que l’on est en droit d’attendre de Tarantino : disons qu’ils sont de bons films, de bons divertissements mais à des années lumières de ce que Tarantino est capable de faire.

Inglourious Basterds bénéficie de ce même constat : un très bon film beaucoup trop inégal dans sa réalisation pour pouvoir prétendre être un véritable Tarantino.

Car le film est bon, très bon même.

Certains plans séquences sont jouissifs de part leur perfection à l’image de la scène d’ouverture qui dure pas moins de 15 minutes mais dans lequel les éléments clés qui font des films de Tarantino des « must-see » indémodables, intemporels, foisonnent pour nous scotcher à notre fauteuil et dans lequel on découvre un acteur assommant de talent : Christoph Waltz. D’habitude cantonné à de petits rôles dans des séries telles que Derrick ou dans des films allemands inédits dans nos salles, l’acteur relève ici un défi herculéen en interprétant son premier « vrai » rôle international et qui plus est dans un film de Tarantino. Très gros défi donc que l’acteur réussit magistralement grâce à une interprétation parfaite en tous points qui témoigne d’un véritable talent de caméléon : ce rôle d’allemand chasseur de nazi à la fois attachant et écœurant, attendrissant et repoussant n’a qu’un seul résultat, nous séduire, nous captiver grâce à un acteur magnétique, électrisant qui une fois que l’on a posé nos yeux sur lui, on ne peut plus les détacher. L’acteur nous prouve que dans la cour des grands, il a parfaitement sa place et ce n’est certainement pas son prix d’interprétation masculine qu’il reçut au Festival De Cannes cette année qui viendra dire le contraire.

Les autres acteurs ne sont pas laissés de côté non plus avec des rôles grandiloquents et complètement déjantés comme seul Tarantino a le secret pour nous en dresser. Ainsi, c’est avec un plaisir non dissimulé que l’on retrouve Brad Pitt, Eli Roth et Michael Fassbender dans des rôles succulents de toutes pièces.

A cela s’ajoute une B.O. soignée qui est la marque de fabrique de tous ses films, une très belle photographie, certains plans dynamiques jouissifs, de longs dialogues d’une puissance colossale et des clins d’œil à la pelle du cinéma d’aujourd’hui et d’antan dont une fusillade qui n’est pas sans rappeler les bons vieux westerns spaghetti.

C’est également un pur plaisir de voir monsieur Tarantino changer le cours de l’histoire en (attention spoiler !) tuant Adolf Hitler dans un final qui restera sans doute dans les annales du genre.

En conclusion, à défaut d’être le chef-d’œuvre attendu, Inglourious Basterds est avant tout un pur exercice de style dans lequel Quentin Tarantino s’amuse à bastonner le spectateur à coups de plans fantasmagoriques et de dialogues ultra référentiels dynamités par une caméra coup de poing, de la brutalité sèche et des éclairs de violence.

Inglourious Basterds est un passionnant laboratoire du cinéma contemporain de tous horizons, un champ de forces où les articulations du récit et de la technique, de l’écriture et de l’image, s’exposent et explosent en pleine intelligence.

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  1. un film qui m’a beaucoup choqué, j’aurais aimé qu’il soit censuré, je m’imagine bien tarantino a la place de l’allemand se prenant un coup de batte dans la gueule ça serait beaucoup plus drole

  2. Un Conte moral

    Tout d’abord et avant que vous ne lisiez ce que pour moi le film raconte, je vais d’abord préciser dans quelles conditions j’ai vu ce film. Version originale, sous titré allemand. Et ceci aura son importance plus tard.

    Il était une fois, la scène d’introduction d’un film.

    Le film commence dans une campagne française, ou plutôt une campagne française comme la fantasme Quentin. Le motif du brave paysan coupant du bois laborieusement, la jeune fille tendant le linge familial…Il nous dévoile ses couleurs, sucrées, jouant avec la fantasmagorie cinéphilique en nous filmant cette campagne paisible comme le fanatisme hollywoodien nous peignait « Pearl Harbor ».
    La référence est claire, et sans bavure. C’est ici un américain qui filme, et qui sans présomption d’innocence est forcément perçu comme inculte et irrespectueux par les intellos européens, préférant les films comme « Europa » sur les origines du mal. Le mal, ici, arrive donc en  kubel wagen, derrière les draps blancs que tend la la jeune femme. Le ton est donné je disais; et avec humour, en jouant de gros sabots qu’il chausse à la perfection.

    Le paysan demande à ses filles de se tenir à l’écart, et le spectateur peut enfin avoir ce pourquoi il a payé sa place, le premier dialogue.
    L’officier nazi est d’un cynisme assassin, et demande contre toute logique au paysan français de parler anglais, qui naturellement le parle à la perfection.
    Allusion amusante aux distributeurs américains qui non sans un certain fascisme ne préfère distribuer sur leur sol que des films en anglais.
    Encore une fois Tarantino transforme la supposée inculture américaine en force narrative, il construit dans cette scène inaugurale le régime stylistique du film. Il n’introduit pas l’histoire, car la puissance narrative de Tarantino est d’avoir remplacé la narration par le style. On ne vient voir aucune histoire quand on paye pour du Tarantino, encore moins l’autre Histoire, on vient le voir lui. C’est d’ailleurs comme cela que l’on peut interpréter un chapitrage devenu systématique dans ces films, comme pour faciliter la transition entre les changements stylistiques, tout comme ses scènes de « pieds », sa scène cachée et non montée avec Maggie Cheung, dont il a fait echo, et qui résonne bien dans la presse. On vient voir, et revoir des codes qu’il transgresse, qu’il plagie, qu’il réinvente, et sa légende, qu’il compose avec soin et mégalomanie assumée, que seule une Amérique ayant produit Ellis, la post-culture, peut se permettre. Il a beau nous dire que le scénario possède plusieurs lectures, et qu’il a fait des recherches sérieuses sur l’époque, on l’aime parce qu’il les brise avec une fantaisie barbare.

    La salle était donc pleine et les spectateurs riaient déjà de l’humour potache cinéphilique de Quentin, qui s’amuse ensuite à dilatter le temps avec un verre de lait que l’officier nazi boit avec délectation, tel Hitchcock pouvait le faire, et qui pour compléter le clin d’oeil nous offre un temps d’avance dans la scène en nous montrant que ce brave paysan français cache bien une famille juive sous le plancher que foule l’officier Nazi. On est seulement à 15 minutes de film, et cette scène qui s’étire sans fin, cette longueur qui agace certains est pourtant du petit lait également pour le spectateur complice. Finalement, le temps finit par éclater, et le plancher de même sous les balles nazis, et toute la famille juive est tuée. On ne verra d’ailleurs aucune tâche de sang dépassée du plancher, dans ce film où les nazis sont scalpés en gros plan. Pas de faute de goût, les juifs sont tués rapidement, violemment, et pas un seul plan de trop coupable pour nous les montrer mourant. Pas de suspense douteux sous la douche ici, le temps s’étire certes mais les juifs finissent par mourir. Seule Shosanna parvient à s’enfuire, épargnée par l’officier, ou par le cinéaste, afin de continuer le film qui sera bien entendu sa vengeance. Et pour ceux qui liront cette critique après avoir vu le film, ils savent qu’il ne commet pas non plus de faute de goût à la fin.

    Le cinéma comme fantaisie barbare.

    La suite du film se poursuit donc avec l’introduction de ses « bastards », où il se rapproche de la véritable histoire en la pastichant. Le complot visant à tuer Hitler est ici, fantasmé, revisité et campé par une troupe d’élite formée par des juifs, et dirigée par un Brad Pitt cabotin à souhait.

    « Les juifs peuvent-ils se venger par la fiction, par le cinéma, par ce cinéaste qui clame là sa foi iconoclaste dans le septième art ? Le cinéma peut-il sauver le monde ? ». C’est ici que je rejoins le questionnement paru dans « Le Monde ».

    Tout comme les soldats vengeurs piétinent les règles de la guerre en scalpant les juifs, Tarantino décide de piétiner l’histoire en tuant tous les dignitaires nazis, Hitler y compris, dans une salle de cinéma. Et je dirais que c’est là malgré tout le seul endroit où il peut se le permettre.
    Tarantino prend ici le parti pris du mensonge. C’est à dire que comme le pensait Oscar Wilde, l’Art n’exprime jamais que lui. Il est indépendant, et sa pensée est singulière dans ce sens. Il n’est pas là pour raconter la vérité aux enfants. D’ailleurs je vois mal le cinéaste argumenter devant un historien que sa vision de l’Histoire est meilleure, ou plus véridique, ce n’est pas son rôle que de coucher sur papier la vérité. Son rôle et son art est de mentir. Et d’ailleurs ce n’est drôle que parce que la vérité on la connait. Bien sûr que pour des raisons de vraisemblance, ses recherches sur les films ont abouti à ce qu’il existe quelques véracités dans les costumes, dans les gestes, ou dans les habitudes des gens. Mais la vraisemblance n’a rien à voir avec la vérité, et c’est d’ailleurs ce que nous explique à nouveau Oscar Wilde (cf. Le déclin du Mensonge). Le critique du « Monde » reproche à Tarantino de ne pas être Zola, et je crois là que c’est lui qui fait preuve d’anachronisme. Il semble vouloir vouer un culte au factuel, alors que Tarantino sait l’abandonner ,et ce pourquoi il parvient à une beauté artistique.
    Quand il s’extasie sur sa trouvaille par rapport aux films en nitrate, et qu’il voit une ironie à ce que les Nazis meurent par les films qu’ils auraient interdits, c’est l’esprit qui s’évade, et qui fait de l’abstraction du factuel une force dans l’équilibre du film. Seul un artiste peut penser ainsi. Ce qui l’importe c’est de jouer avec des puissances de représentation. Et on peut l’imaginer chez lui écrivant le scénario, s’excitant d’avoir trouvé l’idée qui colle en tout point à son intrigue, se foutant pas mal s’il doit ou pas tuer Hitler, car l’ayant décidé au départ, il doit le faire d’une manière harmonieuse et vraisemblable dans la machine qu’il est entrain de construire. C’est ici qu’il est intéressant de considérer son travail de cinéaste, il sait transmettre cette magie, et cette exaltation d’auteur dans les images, et sa force est de nous la faire partager.

    Je n’ai pas la possibilité de revoir le film pour découper la scène finale, mais il me semble que c’est une scène d’école. Tous les éléments de l’intrigue s’y concentrent, et le rythme devient croissant jusqu’à la tuerie finale, ponctuée par le faux film de propagande qui ressemble à s’y méprendre a un vulgaire film d’action d’aujourd’hui. L’apothéose du film se trouvant ici, Shosanna vengeresse, riant, ressuscitée à travers la fumée, grâce à son petit ami noir, tandis que les « bastards » déciment à la Peckinpah tout ce qui reste de nazi dans la salle. Et puisque certains semblent s’offenser de la réécriture de l’Histoire, je leur demanderai de se rappeler comment Hitler est tué, très rapidement, d’une rafale, et on passe à autre chose. La beauté de la scène ne se situant pas là, mais dans son côté onirique et fantastique que Shosanna nous présente à son début en robe rouge du balcon, telle l’hôte garante du spectacle, ou la maquerelle garante du joyeux bordel qui se finit en feu de joie.

    Voilà ce qu’il faut retenir à mon sens du film, non pas son souci du factuel, mais sa déconstruction assumée.
    Et je vous disais dans les premières lignes que j’avais vu ce film en version sous titrée allemande, cela a donc son importance car je l’ai vu en Autriche, à Vienne.
    Et il est intéressant que je vous raconte comment le public Viennois a réagi à la première apparition hystérique d’Hitler. Apparition qui a du faire rire en France (et partout ailleurs) par son côté grotesque, et parce que l’accent nazi à la Papa Schultz a toujours fait rire les français. Et bien, à la première apparition d’Hitler, il eut un grand silence dans la salle, face à ce visage visqueux et balafré en gros plan, car le passé a toujours résonné ainsi par ici, et provoque une gêne moite. Et il fallut attendre un rire un peu trop fort, un peu gêné, pour que l’ambiance se détende.
    Les spectateurs ne savaient pas trop s’ils avaient le droit de rire d’une manière décomplexée, mais ont finit par accepter le pacte proposé par le cinéaste, afin d’entrer dans son histoire.

    Car pour finir c’est bien de cela qu’il s’agit, Tarantino peut sans doute s’apparenter à un Marivaux, où il faut accepter le postulat pour prendre plaisir. Et je ne dois sans doute pas vous rappeler que ce dernier était un grand moraliste.