Critique du film Le Mur Invisible (Die Wand) réalisé par Julian Roman Polsler avec Martina Gedeck, Wolfgang Maria Bauer, Karlheinz Hackl

[critique] Le Mur Invisible

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Affiche LE MUR INVISIBLE

Une femme se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur invisible au-delà duquel toute vie semble s’être pétrifiée durant la nuit. Tel un moderne Robinson, elle organise sa survie en compagnie de quelques animaux familiers et s’engage dans une aventure humaine bouleversante.

Note de l’Auteur

[rating:6/10]

Date de sortie : 13 Mars 2013
Réalisé par Julian Roman Polsler
Avec Martina Gedeck, Wolfgang Maria Bauer, Karlheinz Hackl
Film autrichien
Durée : 1h45min
Titre original : Die Wand
Bande-annonce :

Quelle idée étrange de filmer une femme qui se retrouve toute seule. Le spectateur, enfermé dans la salle obscure afin de regarder ce film se retrouve à voir une femme enfermée à cause d’un mur invisible. Le spectateur est contraint à la durée du film, sans pauses, quand le personnage principal du film est soumise au temps qui passe, paraissant long, sans pouvoir rien y faire. Nous sommes donc en train de regarder une femme seule pendant un bon moment, avec tout de même quelques animaux pour seule compagnie.

Une fois seule dans sa cabane, elle se réveille le lendemain matin et remarque qu’elle est seule. L’héroïne veut pour rejoindre le village mais se heurte à un mur invisible. Elle se rendra compte que le mur s’étend encore plus loin qu’elle ne le pense. Une isolation qui pourrait se définir comme une punition. Mais le problème est qu’il ne s’est encore rien passé, nous ne connaissons rien de ce personnage et on la retrouve enfermée. Le côté fantastique apparaît ; à plusieurs reprises notre héroïne va tenter de sortir de cet « enclos » où elle est enfermée contre son gré (elle rencontrera également un autre être humain).

Tout d’abord, le cinéaste Julian Roman Polsler (dont c’est le premier long-métrage) donnera des essais à son héroïne pour qu’elle s’échappe. En vain, elle reste coincée derrière ce mur. Mais, de l’autre côté de ce mur, elle s’apercevra que le temps semble s’être arrêté. Elle voit une femme assise qui ne bouge pas et un homme qui faisait couler de l’eau, une eau qui coule encore et toujours (alors que le temps doit être stoppé) où l’homme est penché, figé.

Photo LE MUR INVISIBLE

Passant doucement du fantastique au drame, le cinéaste s’interroge sur l’animalité de l’être humain. Film psychanalytique intelligent et fascinant, mais limité dans le temps.

Là où le temps est arrêté de l’autre côté, notre héroïne trouve le temps très long alors qu’elle est toute seule avec son chien Lynx. A la manière de Clint Eastwood dans ses films J.Edgar ou Sur la route de Madison, le cinéaste filme le passé de son personnage, un passé raconté au présent. Et ces deux époques vont constamment s’enchaîner au cours du film. Des plans d’attente, de silence et sombres dans le présent, opposés à des images vives et en plan d’ensemble pour parler du passé.

Quand on est dans le présent, le cadre de Julian Roman Polsler est proche de son héroïne. Une façon d’étouffer et de renfermer encore plus son personnage qui est déjà enfermée par ce mur invisible. Une manière d’accentuer cette sensation insupportable de la solitude et de l’étouffement de l’ennui alors que le temps et les années passent (on y découvre deux étés, deux hivers, etc). La radicalité du dispositif de Julian Roman Polsler permet une inquiétude vis à vis du personnage et de sa situation, mais à la fois une fascination de l’image et des efforts de ce personnage.

Ce qui est formidable ici, c’est que la relation entre cette femme et le chien va évoluer de scène en scène, de parole en parole (la femme est aussi la voix off). L’apparition de plusieurs animaux, qu’elle va adoptés, renforce un côté humain dans ce film. En effet, plus les animaux apparaissent, plus le film passe tranquillement du fantastique à un film plus humain qu’il n’y parait. Qui aurait cru qu’une femme enfermée ainsi peut être aussi calme ? Ceci est dû au questionnement du film, où Julian Roman Polsler intègre de la psychanalyse dans la tragédie.

Une femme qui ne se déshumanise pas, mais qui se pose des tas de questions. C’est là qu’on découvre le thème du film : Julian Roman Polsler s’interroge sur l’animalité de l’être humain. Et là on comprend la nécessité de l’enfermement. Plus grand, plus fort et plus angoissant qu’une cage en bois, ce mur invisible va susciter une réflexion pesante (dans le bon sens) et tragique sur la condition humaine. Intelligemment fascinant.

Mais tout cela n’empêchera pas la scolarité de la narration. Même si la mise en scène reste très exquise et très belle, même si le sujet et le rythme sont très passionnants et agréables, le film se retrouve être très limité dans le temps. Là où le temps est long dans le film, il paraît tout aussi long pour le spectateur. Julian Roman Polsler a décidé de prendre son temps et de raconter cela comme une tragédie intime, trop peut-être.

Photo LE MUR INVISIBLE

Finalement, Le Mur Invisible est un film splendide mais trop radical. Julian Roman Polsler dévoile, pour son premier long-métrage, une mise en scène intelligente et très exquise. Dans son film, le réalisateur passe doucement d’un côté fantastique assumé à une question psychanalytique de la condition humaine où l’homme se retrouve enfermé comme un animal, mais dans la nature. Un film fascinant et intelligent mais trop limité dans le temps.

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