Les super-héros squattent les salles obscures depuis longtemps et depuis la montée en puissance de la licence Avengers chez Marvel Studios, on attendait la réponse de la Warner, propriétaire de DC Comics, qui à part la prestigieuse trilogie autosuffisante du Dark Knight de Christopher Nolan ces dernières années, n’a rien sorti de convaincant à part ces films Batman avec un Green Lantern très très moyen et un Catwoman… Euh, comment dire ?
La mise en chantier d’un nouveau film Superman, après un Superman Returns relativement catastrophique avec un interprète principal qui avait autant de charisme qu’une huître (désolé pour les fans de Brandon Routh !), avait de quoi faire peur : le super-héros emblématique créé en 1938 est à la base un peu trop parfait et puissant pour en faire un personnage réellement intéressant et encore moins sans un certain talent. Et cela se ressent déjà à la base dans le comic-book où les meilleures histoires du héros kryptonien se révèlent être soit des réécritures des origines du personnage (Man of Steel par John Byrne, Superman Secret Origin de Geoff Johns et Gary Frank, Superman Birthright par Mark Waid et Leinil Francis Yu, etc) ou des hommages à un Age d’Or désuet (What happened to the Man of Tomorrow d’Alan Moore et Curt Swan).
A l’écran, on ne retiendra que deux interprétations relativement intéressantes du personnage. Tout d’abord, le Superman de Richard Donner avec Christopher Reeve dans la peau de l’Homme d’Acier : le film a certes vieilli depuis 1978 (avec ses longueurs pour un film de 2h25, ses effets visuels datés et une fin scénaristiquement… discutable) mais il reste un exemple parfait de la mythologie du personnage avec ses personnages secondaires (Loïs Lane, Perry White, Jimmy Olsen, les parents Kent, Jor-El, Zod…) et la mise en valeur de la majesté de son héros tout comme son humanité. Le thème de John Williams de “la Marche de Superman” en reste également emblématique. Par ailleurs, on retiendra de manière plus surprenante la série des années 90 Loïs et Clark – Les Nouvelles Aventures de Superman qui a eu l’intelligence, grâce à son format relativement feuilletonnant, de contourner l’aspect super-héros monolithique pour en faire une comédie romantique sans prétention. La série restait anecdotique mais se payait le luxe d’écrire Superman différemment et ainsi lui donner un nouvel intérêt.
MAN OF STEEL, lui, semble vouloir désarmer dès le départ le postulat d’un simple film Superman par son titre ne mentionnant pas le héros au costume bleu et rouge. On retrouve seulement le surnom du personnage à la manière de The Dark Knight de Christopher Nolan, qui se révèle ici être producteur du film réalisé par Zack Snyder. L’ombre de Nolan et sans aucun doute ses ambitions un peu lourdes se révèlent rapidement dans la construction du scénario co-écrit avec David S. Goyer : on amène du réalisme, on assombrit le contexte pour faire émerger l’héroïsme, etc. Bref, on emploie une recette très Batman par moments. Cela fonctionne assez bien globalement mais les défauts principaux du héros, son côté un peu trop “gnangnan” (je ne voyais pas comment le dire autrement) et sa symbolique du rêve américain (limite messianique sur la fin du film), quand ils réapparaissent parfois en ressortent encore plus ridicules.
On retrouvera des thématiques intéressantes comme la fable écologique sur le déclin de Krypton, celle de l’étranger tiraillé entre deux mondes et de sa différence, celle d’une relation père-fils parfois complexe mais empreinte de respect notamment au sujet de la responsabilité du héros, ainsi que celle du libre-arbitre creusant ainsi le personnage de Zod, méchant assez manichéen généralement. S’il reste assez simpliste, le scénario de MAN OF STEEL s’avère bien amené et nourri d’une volonté d’amener du fond à un personnage qui en manque souvent cruellement. L’idéologie paraît parfois lourde mais est ici intéressante et les quelques libertés par rapport au matériel d’origine sont relativement astucieuses et peu dérangeantes en mon sens.
Un très bon film de Superman, qui pose les bases d’un univers que l’on a envie de voir creusé à l’avenir et redore le blason d’un personnage qui en ressort grandi et qui n’a ainsi plus besoin de mettre son slip rouge par dessus son pantalon pour se faire bien voir.
En terme de casting, Henri Cavill, premier britannique à endosser le costume bannière du héros kryptonien, est à la hauteur du rôle. Plus humain qu’un Christopher Reeve, moins factice qu’un Dean Cain et surtout plus expressif qu’un Brandon Routh ou un Tom Welling, il porte l’emblème comme l’humanité du personnage de manière très pertinente. Le reste de la distribution est également de haute volée et pas seulement sur le papier : les deux pères de Kal-El/Clark sont interprétés par un Russel Crowe et un Kevin Costner à la fois philosophes et héroïques dans leurs actions. Si le premier qui interprète Jor-El (reprenant le rôle de Marlon Brando dans le film de 1978) est crucial pour l’avancée de l’action, le second en Jonathan Kent amènera en mon sens l’émotion et l’humanité nécessaire au film : ça faisait longtemps que Kevin Costner ne m’avait pas autant convaincu dans un rôle, pourtant ici assez discret. Par ailleurs, le bad-guy Zod est interprété par un Michael Shannon qui ne démérite pas par rapport à son prédécesseur dans le rôle de Terence Stamp. Au contraire même : il amène la rage et les convictions de son personnage à une crédibilité bienvenue et ne se contente pas d’être un simple soldat simili-nazi. Le reste des acteurs est un peu plus effacé (notamment Amy Adams en Loïs Lane paradoxalement) mais ils sont très bien adaptés à leurs rôles, surtout Christopher Meloni en colonel Hardy, que l’on connait surtout pour les séries Oz et New York Unité Spéciale, et dont les quelques apparitions sont assez marquantes.
Pour la réalisation, Zack Snyder était un peu mon point d’interrogation quand je suis entré dans la salle : je lui reconnais en général un talent et un style de réalisation dans le genre clippesque mais la majorité de ses films m’ont laissé assez froid dans le fond malgré souvent de très bonnes idées (Sucker Punch et Watchmen) mal rythmées à mon goût. Ici, si MAN OF STEEL est un poil déséquilibré entre ses 2 parties avec d’abord une présentation du héros et de ses enjeux un peu molle sur la longueur et une guerre totale dans la seconde partie un peu fatigante (merci à la 3D aussi sans doute pour ça), cela reste déjà très supportable et surtout la construction de l’intrigue notamment par des flashbacks ou le suivi de personnages annexes (l’enquête de Loïs notamment) rythme l’ensemble de manière convenable. Et même si certains déploreront une action parfois brouillonne dans les scènes de combats, on n’enlèvera pas à ce réalisateur sa capacité à proposer des bastons à la fois puissantes et bien orchestrées, rendant ici justice à la puissance du personnage mais laissant un peu sur le bord de la route les interrogations philosophiques de la première moitié du long-métrage.
Au final, MAN OF STEEL est un film de super-héros à l’image de son personnage principal qui accuse ses 75 ans d’existence cette année : un poil trop monolithique pour être réellement attachant, un peu trop sirupeux pour être profond et avec trop d’action pour être véritablement intelligent. Malgré cela, il reste néanmoins un très bon film de Superman qui pose les bases d’un univers que l’on a envie de voir creusé à l’avenir et redore le blason d’un personnage qui en ressort grandi et qui n’a ainsi plus besoin de mettre son slip rouge par dessus son pantalon pour se faire bien voir.
Éric