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DE ROUILLE ET D’OS, lumineux – Critique

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C’était donc vrai, la connerie qu’écrivaient les Inrocks il y a quelques années : les films les plus intéressants de l’année sont à Cannes.

La précédente édition nous a fourni quelques-uns des films les plus importants de 2011 : Tree of life, Polisse, The artist, Drive, Melancholia… Après un début 2012 aussi poussif que décevant d’où seuls surnageaient des Pirates en pâte à modeler (non, Millenium n’est pas un chef d’œuvre, certes Fincher est toujours talentueux mais le scénario sentait trop le réchauffé ; oui, Take Shelter n’est que du sous-Shyamalan et même du Shyamalan normal, ce n’est plus trop un compliment ; et le reste… quel reste ?), c’est peu dire que ce nouveau festival était attendu fébrilement.

Et ça commence fort avec Moonrise Kingdom du dandy esthète Wes Anderson dès le premier jour puis le nouvel opus d’Audiard le lendemain, tous deux visibles en salles au même moment. Ce dernier est attendu comme le messie depuis qu’il nous a raconté une histoire de prophète. Il avait alors choisi le film de genre, sans message particulier à faire passer, juste le désir de créer une nouvelle mythologie au cinéma et le résultat dépassait toutes les espérances. Il donnait une vraie leçon de cinéma et tous ses petits camarades de jeu ne pouvaient que l’admirer de loin, d’en bas pour être plus précis.

La mise en scène est suffisamment maitrisée pour élever cette grisaille et en faire quelque chose de lumineux.

Ici, il semble ne pas avoir de message non plus (on y reviendra) mais s’est demandé comment on pourrait raconter une histoire d’amour aujourd’hui en apportant quelque chose de nouveau. Jamais avare d’images qui impressionnent la rétine durablement, il a choisi de faire d’un des deux protagonistes un(e) handicapé(e), suite à un accident pour accentuer l’aspect dramatique et qui ne reste pas gentiment dans son fauteuil mais dont on peut voir les jambes mutilées et toutes les difficultés à se mouvoir qui en découlent (bravo au passage aux effets spéciaux qui savent rendre ça crédible à tout moment).

Marion Cotillard trouve l’occasion de justifier tout le bien que tout le monde pense d’elle depuis La Môme. Entre temps, on l’a vue partout et louée souvent, sans qu’on puisse dire ce qui faisait d’elle un être supérieur, tant ses rôles dans Public Enemies ou Inception étaient plutôt anecdotiques. Elle arrive ici à faire passer beaucoup sans non plus chercher à faire pleurnicher. En face d’elle, une armoire à glace, une force brute, révélée par Bullhead : Matthias Schoenaerts. Il dégage une présence à chaque plan et n’a aucun mal à exister en face d’une actrice chevronnée : la caméra l’aime.

Les deux acteurs symbolisent parfaitement les deux catégories qui ont toujours peuplé la filmographie de Jacques Audiard. D’un côté, les illustres inconnus (ou presque) qui bouffent l’écran et sont partis pour une carrière internationale : Mathieu Kassovitz dans Regarde les hommes tomber puis Un héros très discret et Tahar Rahim dans Un prophète. De l’autre, les acteurs déjà connus mais qu’on regardera autrement après : Vincent Cassel (Sur mes lèvres) ou Romain Duris (De battre mon cœur s’est arrêté). A côté d’eux, les seconds rôles sont tous très bons, dénotant une excellente direction d’acteurs et ont un gout de trop peu : Céline Sallette, Bouli Lanners et Corinne Masiero.

On pense fortement aux frères Dardenne, entre autres grâce à la présence d’acteurs belges, le film étant mi-français mi-belge, devant cette histoire qui se veut du « réalisme social ». C’est ce qui parasite un peu l’émotion : toute la misère du monde s’abat sur ces personnages, du chômage aux accidents, et ça peut parfois paraître trop. Si message il y a, il est là : Audiard dénonce la déshumanisation du travail, des enseignes au néon de ces hangars impersonnels qui servent de boutiques à la périphérie de toutes nos agglomérations et des petits chefs qui les peuplent. Ceux-là mêmes qui traitent leurs employés comme de la merde et qui achètent des caméras pour les surveiller, elles-mêmes installées par des gens exploités. Le travail des uns pouvant faire virer les autres, c’est l’éternelle histoire des pauvres qui se battent contre d’autres pauvres.

Heureusement, la mise en scène est suffisamment maitrisée pour élever cette grisaille au-dessus du niveau… d’un Rosetta, mettons, et en faire quelque chose de lumineux (aaah, cette dent qui roule sur le sol, symbole d’un combat plus ou moins réussi ! Oooh, ces désormais fameux clairs-obscurs « à la Audiard » ! brrr, cette séquence à la neige…). Pas le meilleur film de son auteur, mais ça reste largement au-dessus de la moyenne ou d’un remake d’Intouchables par les Dardenne.

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Rédacteur depuis le 16.02.2011

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  1. Je suis d’accord avec vous, et je n’aurais pas hésité 9 voire 10 étoiles sur 10. 
    Chaque film d’Audiard est bien meilleur que le précédent; celui-ci est immense. Il est empli de nuances, de beauté, d’intensité. La direction d’acteur est extraordinaire, le scénario excellent. Ce film est un chef d’oeuvre, je pèse mes mots.