SAINT AMOUR
© Le Pacte

SAINT AMOUR, road movie aussi sympathique qu’absurde – Critique

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Décidément, les road movie relatifs au Salon de l’Agriculture sont à l’honneur en 2016. Après La Vache, voici SAINT AMOUR…

Un joli nom et une jolie bande-annonce ! On s’imagine un film à la fois drôle et émouvant sur un père qui renoue les liens avec son fils en sillonnant la route des vins. On se réjouit de voir pour la première fois réunis à l’écran le duo Poelvoorde / Depardieu. On entend déjà ce dernier prendre sa voix douce, son intonation touchante des grands rôles tel que Cyrano. On est emporté par la musique, séduit par ces images de notre douce France telle qu’on l’aime, attiré par un casting qui semble assez riche, impatient de se délecter de ce qui promet d’être un éloge de l’amour et du vin. Qu’en est-il alors ?

Et bien pour ne pas être déçu il faut connaître les réalisateurs Benoît Delépine et Gustave Kervern et quelque peu leur filmographie (en tant qu’acteurs, scénaristes ou réalisateurs) sinon vous risquez bien de rester dubitatif devant la tournure du film… Si vous savez qu’ils sont connus pour leur univers « absurde », vous ne vous attendrez donc pas à une histoire cohérente et ce sera déjà ça. Libérés des efforts de compréhension qui ne vous mèneraient à rien, il se pourrait même que vous arriviez à apprécier le côté créatif, voire poétique de ces deux compères. A titre d’exemple, ils sont tous deux auteurs et/ou acteurs de Groland sur Canal+ – Kervern y incarnant, au hasard, un journaliste alcoolique. Pour leur septième long métrage (au nombre desquels on compte Mammuth), on peut dire qu’ils sont restés fidèles à eux-mêmes et à la plupart de leurs « codes » : SAINT AMOUR est donc encore une comédie atypique, un road movie jalonné de rencontres improbables, traitant des « petites gens » comme ils aiment à le faire et interprété par leurs acteurs fétiches.

Photo du film SAINT AMOUR
© Le Pacte

Ceci étant, même en connaissance de cause, SAINT AMOUR peut encore vous surprendre. Il y avait pourtant là de quoi faire un grand film mais on ne peut s’empêcher de penser que quelque chose a « dérapé ». A vrai dire, on se demande même si Benoît Delépine et Gustave Kervern n’ont pas bu autant que leurs personnages au fur et à mesure qu’ils écrivaient le scénario. En effet, ça commence plutôt bien, au salon de l’agriculture donc, avec une ambiance très réaliste dans laquelle on plonge rapidement. Tout à l’air « normal », et puis Jean (Depardieu) décide sur un coup de tête d’emmener son fils Bruno (Poelvoorde) dans un périple afin de se rapprocher de lui, conduit par Mike (Vincent Lacoste), un chauffeur de taxi à l’humeur et à la suffisance bien parisiennes… Au fil de leur voyage, les trois hommes feront des rencontres amoureuses avec des femmes censées les « révéler à eux-mêmes ».

Débute ainsi une succession de caméos en tous genres plus surprenants les uns que les autres, de Michel Houellebecq à Chiara Mastroiani en passant par Ovidie (ancienne actrice porno désormais réalisatrice, journaliste et écrivain). Le problème c’est que plus on avance dans le film, plus les choses deviennent improbables jusqu’à atteindre leur paroxysme à la dernière scène. De ce doux délire, difficile de faire émerger la moindre émotion, tout au plus de la sympathie pour les protagonistes. Alors oui ça en devient drôle du coup, les dialogues étant même très bien écrits, jouant sur un humour plutôt fin. Jusqu’à la fin, la musique extrêmement réussie, enthousiasmante, vivante, nous donne envie de croire que les réalisateurs vont retomber sur leurs pattes, mais en vain.

Une comédie atypique, un road movie jalonné de rencontres improbables, traitant des petites gens à la manière absurde de Delépine et Kervern.

Les comédiens ont beau être mis en valeur et être à la hauteur de nos attentes, cela ne suffit pas non plus. Pour ne citer que les principaux, les deux monstres sacrés sont, sans surprise, parfaits et crédibles dans leurs rôles. Vincent Lacoste quant à lui se retrouve encore dans la peau d’un jeune homme un peu arrogant, affichant un air supérieur, limite antipathique (comme dans Hippocrate ou Lolo), ce qui lui va tellement bien qu’il va finir par être associé personnellement à ce tempérament, à la manière d’un Bacry dont on dit qu’il joue du « Bacry ». Le bonus du casting reste néanmoins Céline Sallette qui n’a jamais été aussi sublimée que dans ce rôle. Elle y incarne Vénus, chevelure flamboyante, enfourchant fièrement sa monture pieds nus telle une déesse tombée du ciel.

Malgré ce joli casting, difficile toutefois d’être convaincu par ce film. Pour autant, il est tout aussi difficile d’en dire du mal car ce n’est pas le talent qui manque aux réalisateurs, ni l’originalité. On peut même aller jusqu’à trouver leur côté « lunaire » sympathique. Cependant, l’imagination débordante de Benoît Delépine et Gustave Kervern nous laisse pour le moins perplexes : le voyage initiatique de ces paysans démarre au salon de l’Agriculture, bottes en caoutchouc et pieds bien ancrés dans la terre. Puis, plus les protagonistes progressent sur la route des vins, plus ils boivent, et plus ils décollent. Au sens propre comme au figuré, ils finissent par ne plus toucher le sol, perchés dans une cabane nichée dans les arbres !

Que penser également de la vision du monde et des hommes qu’ils proposent à travers cette aventure ? Il semblerait bien, selon eux, que la rédemption vienne du Saint Amour, non pas le vin mais le sentiment. Le fait de se sentir aimé, ou juste l’illusion de l’être, additionné d’une dose de sexe rendrait heureux le plus dépressif des hommes… Et bien tout comme le film dans sa globalité, on ne sait pas vraiment s’il faut en rire ou en pleurer et on se demande s’il ne vaudrait pas mieux être en léger état d’ébriété pour l’apprécier.

Stéphanie Ayache

Scénario
Casting
Réalisme
Musique
Dialogues
Note des lecteurs3 Notes
3.2

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