Photo du film HELLRAISER
Crédits : Drop-Out Cinema eG / Jörg van Bebber

HELLRAISER, une sombre histoire de désir – Tribune

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J’ai longtemps détesté HELLRAISER de Clive Barker. Simplement parce qu’il m’évoquait une relation passée que je préférais oublier. Et si aujourd’hui, je ne suis pas encore tout à fait réconciliée avec le peuple des Cénobites, ma rancœur tend peu à peu à s’effacer.

Raison et sentiments

HELLRAISER fait partie de ces films avec lesquels j’entretiens une relation conflictuelle. Classique de l’épouvante, mon genre de prédilection, il devrait entrer à mon Panthéon. Du moins, est-ce une injonction que l’on m’oppose lorsque j’avoue le contraire. Il faut dire que, Pinhead et moi, n’avons pas démarré notre idylle sous les meilleures auspices. Comme nous tous, je noue une relation intime avec la culture, dénouée parfois de la sacro-sainte objectivité. En effet, il m’arrive d’aimer des films objectivement mauvais, simplement parce qu’ils me rappellent les personnes avec qui je les ai regardés, partagés et contre toute logique, appréciés. HELLRAISER a connu un processus inverse, sensiblement douloureux. Et pour cause. Le film de Clive Barker, adapté de son propre roman éponyme, éveille en moi le souvenir d’un échec sentimental.

Photo du film HELLRAISER
Crédits : Drop-Out Cinema eG / Jörg van Bebber

Il y a de cela plusieurs années, j’ai rencontré un homme sexy en diable. L’une de ces passions où rien n’a de sens, sinon pouvoir échouer tête renversée sur le cuir du canapé. L’une de ces passions où notre conduite est davantage guidée par le désir que par l’amour au sens noble du terme. Et l’objet de mon tourment était fasciné par le film HELLRAISER de 1987. Il me pria presque de le voir. Mon visionnage ne fut pas particulièrement attentif, puisqu’en réalité, je me fichais bien du film. Clive Barker, ce soir-là, me fit perdre une heure et trente-quatre minutes d’extase autrement plus charnelle. De plus, le débat qui s’en suivit édifia l’inexorable frontière entre nos deux êtres. Vous le savez, HELLRAISER traite notamment de la recherche du plaisir, et plus particulièrement par l’exploration de la douleur. Allons-y frontalement : l’homme de mes nuits était masochiste. Moi ? Disons que je n’ai jamais été sadique.

Un miroir tendu

À mes yeux, HELLRAISER symbolise le point de rupture d’une relation vouée à l’échec, qui s’acheva par ailleurs dans une profonde rancœur. Ce film me laisse un goût amer. Le revoir constitue une expérience désagréable. Pourtant, il est un monument pour beaucoup. Au point que je me suis longtemps demandé ce que tout le monde lui trouvait. Alors, lasse de passer à côté de sa substance, je l’ai relancé, un soir, seule sur mon canapé avec mon chat. Objectivement, HELLRAISER est une prouesse. Tourné avec seulement un million de dollars dans un décor minimaliste, il regorge d’effets pratiques sidérants. Lorsque Franck reprend vie sous son apparence décharnée en se dégageant du plancher à l’étage, j’ai compris qu’effectivement, j’avais éludé toute la saveur de ce long-métrage. HELLRAISER suinte, saigne et exsude dans une atmosphère crasse, qui d’ordinaire tendrait à me réjouir.

Photo du film HELLRAISER
Crédits : Drop-Out Cinema eG / Jörg van Bebber

Or, ma part de subjectivité continue de me le faire subir comme une épreuve. Parce qu’il y a Julia. Julia, l’amante de Franck, qui concède à trahir son parfait époux pour revivre une passion enfuie. Je n’aime pas Julia. Non pas parce qu’elle adopte un comportement immoral. Plutôt parce qu’elle me tend un miroir, dont je préférerais ignorer le reflet. Julia, c’est moi, et ce sont nous. Tous ces faibles êtres humains, qui nous laissons parfois aveugler par le désir, au point d’en courir à notre perte. Moi, face à ce fan d’HELLRAISER. Avec le recul, ce film creuse davantage le souvenir de cette débâcle amoureuse. Paradoxalement, dans mon for intérieur, il n’en devient que plus évocateur. Finalement, je crois qu’il me fallait effectivement du temps pour le revoir et, encore plus, pour le recevoir. Je devais vivre cette déception sentimentale pour saisir son essence.

Ouvrir la boîte

Pourtant, il y a bien plus à voir en HELLRAISER qu’une sombre histoire de désir. Il évoque aussi l’implosion d’une cellule familiale, le conformisme ennuyeux d’une certaine classe sociale, et la quête de soi dans nos travers les plus sombres. Un propos vertigineux pour cette modeste production, encore plus pour un premier long-métrage, puisque Clive Barker ne bénéficiait alors que d’une maigre expérience en tant que scénariste – sur Underworld en 1985 et Rawhead Rex en 1986, tous deux réalisés par George Pavlou. Il n’empêche que, compte-tenu de mon passif avec le film, l’intrigue passionnelle prend, de mon point de vue propre et subjectif, le pas sur tout le reste. Bien qu’il manque parfois de subtilité, HELLRAISER sert effectivement un discours universel, qui n’a rien perdu de sa force depuis 1987.

Photo du film HELLRAISER
Crédits : Drop-Out Cinema eG / Jörg van Bebber

Par ailleurs, mon histoire avec HELLRAISER est symptomatique de mes pannes sèches en tant que critique sur certains films. Il est des œuvres pour lesquelles, on aura beau forcer notre intellect, notre esprit d’analyse se fera la malle sans qu’on ne puisse lutter. Parce qu’elles nous parlent directement, de choses plus ou moins enfuies que l’on préférerait taire ou oublier… Même si elles n’en ont pas toujours la prétention. L’art est moteur de résilience, au cinéma comme ailleurs. Voilà pourquoi j’ai tenu à traiter d’HELLRAISER à la première personne du singulier. Parce qu’il est des films qui nous laissent minables, bien au-delà de leurs défauts et de leurs qualités. Qui nous bousculent, nous procurent des sensations désagréables, mais qui par là même, font aussi figures de thérapie. Ainsi donc, j’ai ouvert la boîte et ai réussi à éprouver un tant soit peu de plaisir devant HELLRAISER. Et ce, malgré ma douleur.

Lilyy Nelson

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