À PEINE J'OUVRE LES YEUX
© Shellac

[CRITIQUE] À PEINE J’OUVRE LES YEUX

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Scénario
8.5
Dialogues
7
Mise en scène
7.5
Musique
6.5
Empathie
7
Note des lecteurs1 Note
9
7.3

A PEINE J’OUVRE LES YEUX était déjà précédé d’une belle réputation et des prix qu’il venait de remporter dans différents festivals (Prix du Public à la Mostra de Venise et Bayard d’Or du Meilleur Film Européen au Festival du Film Francophone de Namur) lorsqu’il a été présenté au Festival  International du Film Indépendant de Bordeaux en octobre dernier. Il y a d’ailleurs remporté le Prix du Jury Erasmus.

La réalisatrice Leyla Bouzid a choisi de situer son premier long métrage en 2010. Présente lors de l’avant-première, elle nous a dit avoir brossé un portrait sans concession du contexte politique tunisien tout en convenant que finalement, peu de choses avaient changé depuis pour la jeunesse d’aujourd’hui. Ce premier scénario, co-écrit avec Marie-Sophie Chambon, aborde de façon originale et initiatique la confrontation de Farah (Baya Medhaffar) à un monde adulte dans cette Tunisie d’avant le Printemps Arabe. Elle était jusqu’alors protégée par sa famille : sa mère Hayet (Ghalia Benali), son père Mahmoud ou la femme de ménage confidente Ahlem.

Ses parents voudraient qu’elle devienne médecin mais ce qui fait vibrer Farah, c’est la musique et les textes engagés qu’elle chante à propos de son pays. Jeune rebelle passionnée, Farah n’a pas conscience des enjeux politiques véhiculés par ses chansons par le biais de l’émotion qu’elles provoquent. Le titre du film est d’ailleurs issu d’une chanson qui évoque son pays : « A peine j’ouvre les yeux, je vois des gens éteints ». Les endroits dans lesquels le groupe se produit sont quelque peu risqués : des bars d’hommes, des salles de concert qui ferment ou des gérants qui coupent l’électricité pour empêcher le public d’entendre leur musique.

Photo du film À PEINE J'OUVRE LES YEUX
© Shellac

Sa mère, Hayet, qui connaît les risques d’une censure politique et policière, essaiera de dissuader sa fille de s’impliquer davantage. Farah se retrouvera ainsi prise entre deux feux et entourée de personnes qui lui demandent de choisir un camp, lorsque cela lui est fondamentalement impossible : sa mère (la raison) ou son amoureux, Bohlène, qui joue dans son groupe de rock (la passion). Mais c’est cela l’apprentissage de la vie : tout le monde peut s’évertuer à vous mettre en garde, on n’y croit pas tant qu’on n’a pas expérimenté par soi-même.

Nous ne dévoilerons pas la fin du film qui met très bien en évidence le fil du rasoir qu’emprunte la jeune héroïne, nous invitant à de multiples réflexions portant sur les notions de liberté et de ses limites, d’engagement, de censure et de résistance. Il est aussi question de transmission familiale, de relation mère-fille, de relation père- fille, de confiance, de bienveillance et d’amour.
Par ailleurs, le regard dérangeant et dur que portent les hommes sur les femmes, et les efforts de celles-ci pour ne pas se faire remarquer nous montrent à quel point le féminisme a encore du chemin à faire dans ce pays.

« À PEINE J’OUVRE LES YEUX confronte avec émotion une jeune fille rebelle passionnée de musique à la censure de la Tunisie d’avant le Printemps Arabe. »

Leyla Bouzid nous a dit avoir cherché longtemps ses deux interprètes principales, et nous pensons qu’elle a eu raison de prendre son temps, parce que toutes deux apportent au film une belle énergie ! Elle offre ainsi son premier rôle au cinéma à Baya Medhaffar, qui chante également dans le film. Remarquée au Festival de Saint-Jean de Luz, puisqu’elle a déjà obtenu le Prix de la meilleure interprétation féminine, elle fait partie de la liste des Révélations 2016 de l’Académie des César. Quant à Ghalia Benali, célèbre chanteuse tunisienne qui ne chante pas dans le film, c’est son deuxième rôle depuis La saison des hommes de Moufida Tlatli. L’autre personnage et sujet à part entière du film, c’est donc la musique, spécialement composée pour le film par Khyam Allami pour sa première incursion cinématographique. Nous l’avons pourtant trouvé envahissante jusqu’à une forme d’overdose fatigante, submergeant notre ouïe sollicitée à outrance.

Par sa mise en scène dynamique qui nous mène tour à tour au sein des deux vies de l’héroïne, la réalisatrice retranscrit très bien cette menace diffuse de la censure politique, le climat de peur qu’elle entretient. Leyla Bouzid alterne ainsi des scènes de grandes émotions et de violence qu’elle filme au plus près de ses personnages, parfois à fleur de peau, ce qui permet d’accroître notre empathie envers eux. Petit bémol à propos de cette empathie dans laquelle nous plonge la réalisatrice : le degré de subtilité et de nuance d’un cinéaste se situe précisément à ce niveau de percussion entre la grande Histoire, dont nous connaissons les tenants et aboutissants, et les vies des héros dont il nous suggère les émotions. Nous n’avons eu évidemment d’autre choix que d’être de tout cœur avec Farah dans cette Tunisie de 2010.

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Affiche du film À PEINE J'OUVRE LES YEUX

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Titre original : A peine j’ouvre les yeux
Réalisation : Leyla Bouzid
Scénario : Leyla Bouzid, Marie-Sophie Chambon
Acteurs principaux : Baya Medhaffar, Ghalia Benali, Montassar Ayali
Pays d’origine : France, Tunisie, Beligique
Sortie : 23 décembre 2015
Durée : 1h42min
Distributeur : Shellac
Synopsis : Tunis, été 2010, quelques mois avant la Révolution, Farah 18 ans passe son bac et sa famille l’imagine déjà médecin… mais elle ne voit pas les choses de la même manière.
Elle chante au sein d’un groupe de rock engagé. Elle vibre, s’enivre, découvre l’amour et sa ville de nuit contre la volonté d’Hayet, sa mère, qui connaît la Tunisie et ses interdits.

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Scénario
Dialogues
Mise en scène
Musique
Empathie
Note finale