Un portrait de famille qui dépeint la vie souvent extraordinaire de gens ordinaires à la poursuite de leur bonheur.
De 1960 à 1980, entouré de ses quatre frères, de Pink Floyd, des Rolling Stones et de David Bowie, entre les promenades en moto pour impressionner les filles, les pétards fumés en cachette, les petites et grandes disputes et, surtout, un père qu’il cherche désespérément à
retrouver, Zac nous raconte son histoire…
25 décembre 1960 : Zachary Beaulieu vient au monde entre une mère aimante et un père un peu bourru mais fier de ses garçons.
C’est le début de C.R.A.Z.Y., le récit de la vie d’un petit garçon puis d’un
jeune homme pas comme les autres, qui va jusqu’à renier sa nature profonde pour attirer l’attention de son père.Note de l’Auteur
[rating:9/10]
• Date de sortie : 3 mai 2006
• Réalisé par Jean-Marc Vallée
• Film canadien
• Avec Michel Côté, Marc-André Grondin, Émile Vallée
• Durée : 2h09min
• Titre original : C.R.A.Z.Y.
• Bande-Annonce :
« Emmenez-moi au bout de la Terre, emmenez-moi au pays des Merveilles, il me semble que la misère serait moins pénible au soleil… ».
Ce film est FOU, absolument FOU ! C.R.A.Z.Y., c’est avant tout le projet d’un homme : Jean-Marc Vallée (scénariste, réalisateur, coproducteur, et même acteur-le jeune prêtre !). Il confiera le rôle de Zac (6-8 ans) à son fils Emile.
Fable mystique des Temps Modernes, C.R.A.Z.Y. exhale la beauté, la poésie et l’aliénation de l’esprit humain dans toutes ses contradictions. Une double histoire d’amour, celle de son père pour ses cinq fils, et celle d’un fils pour son père, un amour si indicible, que seul le mensonge lui servira d’exutoire.
Ce fils, c’est Zachary Beaulieu, né un 25 décembre 1960, miraculé de naissance, sa mère aimante en fera un Nouveau Messie, doté de pouvoirs ‘guérisseurs’ ! Voyage de 20 années d’une vie, voyage initiatique, voyage spirituel, promenade musicale au cœur des années rebelles d’un rock subversif, progressif, novateur (Pink Foyd, David Bowie, Jefferson Airplane, The Rolling Stones), et cette ballade intemporelle de Charles Aznavour qui servira de guide tout au long des péripéties.
De 1960 à 1981, le temps défile autour de quelque points d’ancrage (Fêtes de Noël, Anniversaires, lavage de la voiture paternelle,…). Jean-Marc Vallée nous convie à suivre les tribulations de Zac, enfant sensible et différent, tout en étant la somme de tous ses frères. Favori de son père dans sa tendre enfance, les choses vont brusquement évoluer lorsque Zac découvre une homosexualité latente.
Sujet délicieusement abordé, la mise en scène limpide et élégante est agrémentée de trouvailles visuelles oniriques et étonnantes, sous couvert d’une liberté de ton réjouissante ! Au cœur de la Belle Province, le verbiage prend une place prépondérante, cet humour si particulier donne du relief et une profondeur d’esprit dans de nombreuses scènes, qui n’en deviennent pas moins savoureuses (je suis certain que l’expression ‘spèce de fife’ ne vous laissera pas de marbre !).
Que dire de la bande originale ? La musique dans C.R.A.Z.Y., c’est sa moelle épinière, le chantre de toutes les émotions qui en émanent. Cette récurrente ritournelle de Charles Aznavour, qui ancre les personnages dans la tradition familiale, et fonctionne comme une charnière psychologique tout au long de l’histoire. Le titre éponyme du film, morceau de Patsy Cline, symbolise par ses lettres les prénoms des 5 frères (Christian, Raymond, Antoine, Zachary et Yvan), ainsi que l’explosion de la famille lorsque le disque se brise par deux fois !
Et puis ces morceaux de rock symbolisant la rébellion chronique de Zac, morceaux qui préfigurent ses souffrances morales, son mal-être familial, au travers de « Space Odity », « Shine on your ‘Crazy’ Diamond », « White Rabbit ». Je retiens particulièrement la scène de la Messe de Minuit quand retentit un « Sympathy for the Devil » sonnant et trébuchant, à faire pâlir le plus fervent des paroissiens (cette fameuse liberté de ton !). Jean-Marc Vallée a dû rechigner sur une partie de son salaire pour pouvoir s’offrir tous les droits d’auteur !
L’interprétation est simplement magistrale ! Au-delà de la technicité, de l’éloquence et de la mise en forme, tous les comédiens (y compris les rôles en retrait des quatre frères) font cause commune au service du réalisateur par un total engagement de leur condition d’acteur.
Michel Côté accomplit une performance ébouriffante, toute en subtilité, et incarne véritablement ce père maladroit et fragilisé. Danielle Proulx, malgré le peu de répliques, expose cette sensibilité maternelle sans aucune exubérance. Marc-André Grondin impose naturellement son charisme, ce regard parfois très sombre nous pénètre sans aucune retenue ; sa voix ‘contemplative’ (Jean-Marc Vallée prend le parti de la narration, mais n’en abuse pas) nous accompagne émotionnellement.
Au final, C.R.A.Z.Y. est une réussite et un aboutissement personnel pour son réalisateur, qui parvient à nous embarquer doucereusement dans cet univers familial engoncé dans les querelles internes et les conflits inter-générationnels, abordant des thèmes très contemporains (drogue, homosexualité…), tout en gardant constamment à l’esprit cette notion fondamentale inhérente à la qualité d’un film : une belle histoire !
En ce sens, Jean-Marc Vallée est un véritable conteur…