Take Shelter

TAKE SHELTER, équilibre parfait – Critique

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« Take Shelter » signifie « se mettre à l’abri ». Le synopsis, explicite, évoque des « visions apocalyptiques », une « tornade », et de « la terreur ». L’affiche parle d’elle-même. Un film de genre donc ? Et bien pas tout à fait.

Take Shelter emprunte effectivement de nombreux éléments aux films de catastrophe, et le spectateur ne manquera pas d’occasions pour sursauter dans son siège. Mais Jeff Nichols, qui n’en est pourtant qu’à son second film (le premier, Shotgun Stories, fut tout de même nominé à deux occasions) signe ici une œuvre hybride, dont la catastrophe naturelle ne demeure qu’une toile de fond. La manœuvre est habile, plutôt rare, et particulièrement réussie.

Take Shelter ne joue pas sur la carte de la panique, multipliant les images d’une population affolée courant dans tous les sens. Le danger ne se trouve que dans la tête d’un seul homme, Curtis (Michael Shannon), dont la santé mentale va décroissante. Jeff Nichols décortique à souhait le calme avant la tempête. Ainsi aborde-t-il en biais le thème de la folie et de ses limites : où commence-t-elle ? Comment la reconnaître ? Notre protagoniste, craignant de connaître la même psychose que jadis sa mère, va même jusqu’à suivre une thérapie. Le réalisateur scrute un homme aux abois, laissant le spectateur incapable de faire la part entre réalité et fantasque. Le film reste donc centré sur cet homme, père et mari avant tout, en proie à des démons qu’il ne parvient pas véritablement à nommer. Au cœur de l’intrigue, c’est avant tout de la famille dont il est question, thème cher à Jeff Nichols. Curtis LaForche sombre petit à petit dans un isolement et une paranoïa prononcée, obsessivement poussé par la volonté de protéger les siens. Un portait familial touchant se dessine alors au milieu d’un film au scénario pourtant toujours cohérent.

La menace climatique reste omniprésente, et les sons participent au malaise constant dont le spectateur ne parvient pas tout à fait à se défaire : le vent souffle perpétuellement quelque part, et le tonnerre gronde fréquemment. La météo, particulièrement instable, se joue de nos nerfs. A cela se rajoute des images à l’esthétisme singulièrement soigné, brouillant allégrement les rêves au quotidien des personnages. Pas de doute, Jeff Nichols ne se prive pas de nous en mettre plein la vue tout en maintenant un rythme pesant plutôt qu’affolé.

Jeff Nichols décortique à souhait le calme avant la tempête.

Néanmoins, le plus grand régal reste dans le jeu des acteurs. Michael Shannon nous offre une prestation au mieux de son art, trouvant le parfait équilibre entre vulnérabilité, psychose latente, et force contenue. Sa robustesse semble s’effriter petit à petit, et il nous émeut autant qu’il nous effraie. À ses côtés, Jessica Chastain campe un personnage d’une belle sensibilité, brouillant davantage encore les codes de ce film. Jeff Nichols parvient même à glisser au sein de la famille une présence physique pesante, celle du bunker dont s’occupe compulsivement Curtis LaForche. Faut-il y voir la métaphore d’une société américaine en proie à la crise économique, véritable épée de Damoclès ? Mais ce bunker n’est pas aussi sans évoquer de nombreux autres, biens réels, où s’entassent les conserves en prévision d’une fin du monde. Là encore, réalité ou psychose ? Take Shelter fait son choix, à nous de faire le notre.

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