Est-ce que vous vous souvenez d’Un Jour sans fin ? Bill Murray revivant en boucle la journée de la marmotte, encore et encore ? Le principe de la boucle est simple et permet de limiter les frais de productions (« hey, on va pouvoir tourner 80 scènes dans un seul décor ! »). Il n’est pourtant pas si utilisé que ça, probablement parce qu’on s’en lasse vite et parce que ce genre de pirouettes est difficile à gérer : développer et clore une intrigue dans un laps de temps circulaire n’est pas toujours évident. C’est pourtant le défi que tente de relever Source Code, qui se base sur un concept du même genre.
Accrochez-vous, parce que c’est compliqué à expliquer. On suit 2 lignes temporelles différentes. La première, c’est la réalité, où un train a explosé dans la matinée, victime d’un terroriste qui projette de faire péter tout Chicago dans l’après-midi. La seconde est celle, figée, des 8 minutes précédant l’explosion du train, recrées à partir des restes du cerveau carbonisé d’un de ses passagers. Jake Gyllenhaal peut revivre autant de fois qu’il veut ces 8 minutes, en prenant possession du corps du passager. Son objectif : découvrir qui est le terroriste dans cette réalité parallèle pour le choper dans la vraie vie avant qu’il n’ait le temps de détruire Chicago. A chaque fois qu’il revit ses 8 minutes, il chope des informations nouvelles, expérimente des scénarios différents.
Pour vous situer la chose, on est plus quelque part entre Next (le film avec Nicolas Cage, pas l’émission de speed dating) et Minority Report que vers Retour vers le futur. La minutieuse élaboration d’une SF discrète qui n’altère que d’une manière mineure notre conception du monde qui nous entoure laisse clairement penser que le scénariste a dû bouffer du Phillip K. Dick à la pelle pendant qu’il écrivait l’histoire de Source Code. C’est d’autant plus flagrant lorsqu’on se rend compte que le film laisse rapidement les aspects technologiques de côté pour s’intéresser plutôt aux répercussions psychologiques qu’elles ont sur son personnage principal.
Figurez-vous le tableau : lorsque Jake Gyllenhaal revit les 8 dernières minutes de ce train, il apprend à chaque fois un peu plus à connaître ses passagers, à les apprécier, à éprouver de la compassion pour eux, ses sentiments els plus tendres allant bien entendu à la jolie Michelle Monaghan assise en face de lui. Seulement, la réalité dans laquelle il se trouve n’est qu’une matrice alternative qui, en fait, n’a rien de réel. Les gens auxquels il s’attache sont morts depuis la matinée. La femme dont il tombe petit à petit sous le charme n’est que le souvenir d’un cadavre. Le balancement de la SF au drame humain est ce qui fait tout le charme de Source Code, ce qui lui permet, justement de ne pas tourner en rond.
Chaque personnage, à son petit niveau, a donc son rôle à jouer dans l’histoire. Si vous êtes futé, vous aurez trouvé le terroriste assez rapidement, mais rien ne pourra vous préparer au coup de théâtre central qui donne son second souffle à l’intrigue. Un coup de théâtre à fendre le cœur, qui permet d’injecter de la sensibilité dans un monde de machines, et qui ne manquera sûrement pas de vous faire verser une petite larme. Car là où Source Code surprend, c’est par son apparent manque d’ambition. Dans l’espace confiné du train ou de la capsule qui permet à Gyllenhaal de voyager dans le temps, tout semble se dérouler à petite échelle. Duncan Jones, le réalisateur, est un type doué, mais qui n’a pas le sens du spectacle, de l’épique ou du grandiose, et, alors que le scénario en laissait peut-être la possibilité, Source Code n’a donc pas l’ampleur d’un Inception, par exemple. Quant à savoir si c’est une bonne ou une mauvaise chose, c’est tout simplement une question de sensibilité.
Il n’en reste pas moins que le film est un bon divertissement, qui se regarde avec plaisir du début à la fin, et qui ne déçoit pas à un seul instant. Le scénario refuse obstinément de prendre le spectateur pour un abruti en lui proposant de se cramer quelques méninges si l’envie lui en prend, et s’offre le luxe de quelques vraies grosses pépites d’émotion non surfaite, fait rarissime dans l’industrie cinématographique contemporaine où les histoires d’amour doivent forcément dégouliner de guimauve. Le tout nous est servi par une réalisation de qualité et un cast de quasi-anonymes d’une surprenant qualité… pas de quoi se priver.
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