Prenant place à la fin des années 2000, à un moment où l’Iran est soupçonné d’être en mesure de se doter de l’arme nucléaire, THE OPERATIVE suit la mission en tant qu’agent double de Diane Kruger et les états d’âme de son référent de mission interprété par Martin Freeman.
THE OPERATIVE s’ouvre tels les meilleurs thrillers d’espionnage. Tandis que l’aube pointe le bout de son nez, un homme procède à un décrassage, sans doute est-il en train de finir sa course matinale, la caméra le suivant de dos et l’encerclant dans un superbe format scope. La musique originale composée par Haim Frank Ilfman, grave et prenante, achève d’ensorceler le spectateur qui découvre les premiers cartons du générique d’introduction. Un coup de téléphone impromptu interrompt la course de celui qui se révèle être Martin Freeman : un de ses agents sur le terrain a besoin d’être rapatrié immédiatement. Il va falloir convaincre l’agence qui évidemment se méfie. Car cet élément a peut-être été retourné.
Si visuellement THE OPERATIVE semble assez proche de nous, il ne faut pas oublier qu’il se déroule environ dix ans en arrière et que certains choix esthétiques, à commencer par l’utilisation du scope, que nous voyons de plus en plus rarement ces derniers temps, témoigne d’une volonté d’affubler le film d’une aura rétro. Une envie de mise en scène à l’ancienne renforcée par le découpage tout en plans fixes et champs/contre-champs des séquences où Thomas (Martin Freeman) retrace le parcours de l’agent qu’il a formé, afin de convaincre ses supérieurs de répondre favorablement à sa demande d’exfiltration. Car le récit de THE OPERATIVE s’articule autour de deux points de vue, mélangeant passé et présent, ainsi qu’une voix-off assez habilement utilisée. Lorsque nous serons sur le terrain avec Rachel (Diane Kruger), une caméra mobile sera choisie, souvent à l’épaule, pour mieux distiller les frissons et la tension qui émaneront de ces flashbacks.
Diane Kruger vampirise l’écran dans cette plongée dense et réaliste du métier d’espion, à la mise en scène maîtrisée, mais affaiblie par un sentiment de déjà-vu, ailleurs et en mieux.
Il ne faut pas se fier au synopsis trompeur du film sous peine d’être relativement et assez rapidement déçu : il se termine là où il aurait dû commencer. Une course-poursuite sombre et haletante que nous ne verrons donc jamais. C’est juste que le réalisateur Yuval Adler a décidé de s’intéresser à autre chose. Il a voulu s’immiscer dans la tête d’un agent infiltré et sonder son intimité. Diane Kruger, qui vampirise l’écran, va devoir séduire un individu afin de lui soutirer une information qu’il n’a peut-être même pas en sa possession. Dès lors, voir cette femme caucasienne déambuler avec son foulard sur la tête dans un pays étranger nous rappelle forcément Carrie Mathison de Homeland, d’autant que les similitudes avec la série de Showtime ne s’arrêtent pas là.
Bien qu’adapté d’un roman écrit par un ancien agent de renseignement israélien (Yiftach Reicher Atir), le scénario de THE OPERATIVE ne surprend jamais vraiment, sa principale faiblesse étant d’arriver après ces séries d’envergures qui nous ont ouvert bien des portes sur le monde de l’espionnage et la difficulté d’exercer ce métier de manipulation vis-à-vis d’autrui. Pas facile pour Rachel donc, de coucher avec un homme qu’elle devra dénoncer après avoir été présentée à sa famille ou bien d’éliminer un témoin alors qu’elle avait noué des liens d’amitié. The Americans était déjà passé par là, avec brio et noirceur, de même que la formidable adaptation de John Le Carré par Park Chan-Wook, The Little Drummer Girl. D’où la sensation d’assister souvent à des séquences réchauffées.
Il y a toutefois un côté érudit et très documenté dans le film de Yuval Adler qu’il convient de saluer, faisant flirter la fiction avec une impression de réalisme parfois quasi-documentaire. Une retenue qui dénote mais qui justifie aussi la forte censure subie par le texte de l’écrivain Yiftach Reicher Atir. THE OPERATIVE est donc probablement la plongée la plus réaliste au cœur des services de renseignements nous entourant qu’il nous ait été donné de voir jusqu’à aujourd’hui. Mais pas forcément la plus exaltante à parcourir.
Loris Colecchia
• Réalisation : Yuval Adler
• Scénario : Yuval Adler, d'après l'oeuvre de Yiftach Reicher Atir
• Acteurs principaux : Diane Kruger, Martin Freeman, Cas Anvar, Werner Daehn
• Date de sortie : 24 Juillet 2019
• Durée : 1h56min