Mon voisin, le violeur assassin. VAURIEN de Peter Dourountzis part de ce constat. Que les pires monstres s’avèrent être, la plupart du temps, des personnes ordinaires. Néanmoins, si l’intention est bien présente, le film survole malheureusement son sujet.
Le film de Peter Dourountzis est né d’une fascination. Celle d’avoir été en contact avec plusieurs criminels de manière indirecte, à Paris dans les années 90. Au détour d’un verre, voire même d’une ruelle. Des criminels, somme toute ordinaires. Embauché au Samu social, le réalisateur s’est par la suite égaré à consulter illégalement les fichiers. Et plus particulièrement, les dossiers de plusieurs tueurs en série, dont Mamadou Traoré, Patrick Trémeau et enfin, Guy Georges. Le personnage, squatteur apprécié de ses comparses, toujours prêt à rendre service et surtout, concubin sans histoire, s’est longtemps avéré insoupçonnable.
D’où l’envie de raconter cet agresseur. Français, la quarantaine, certes sans domicile, mais aimable et volontaire. Qui ne porte en rien l’horreur de ses crimes sur son visage. Agresseur campé par Pierre Deladonchamps, César du meilleur espoir masculin pour L’inconnu du lac en 2017. Et le type est beau gosse, doté d’un fascinant regard clair. Mais il est aussi effrayant, intimidant, inquiétant. Du genre qu’on évite soigneusement dans le métro, pour aller s’assoir deux-trois rangées plus loin, hors de son champ de vision. À ce jeu, Deladonchamps excelle et en devient salement dérangeant.
Toutefois, qu’on se le dise, VAURIEN est un film dans l’air du temps. Sur fond de luttes sociales et de féminicides. En se voulant engagé, il souffre parfois d’en faire trop. Notamment lors de cette scène, où un policier immobilise un homme à terre, jusqu’à ce qu’il en meurt étouffé. Une violence qu’il est aujourd’hui essentiel de montrer, mais qui paraît toutefois comme une disgression opportuniste et quelque peu démesurée – compte-tenu du jeu balourd de ce flic effectivement peu convainquant. Et, s’il est louable, le message se veut quelque peu martelé avec la subtilité du marteau-piqueur.
Dans le même temps – et c’est paradoxal, le film n’en fait pas suffisamment avec son personnage principal. Il y avait cependant matière… Comme évoqué précédemment, Pierre Deladonchamps crève l’écran. Il incarne viscéralement ce monstre détestable que l’on voit, pourtant, embrasser, aimer et être aimé. Dans le rôle de sa compagne, Ophélie Bau brille tout autant. Par le prisme d’un authentique personnage de femme des rues, engagée corps et âme auprès d’une association œuvrant pour la maraude sociale. Entière, elle ne se laisse pas atteindre. Et c’est peut-être parce qu’elle lui échappe que le vaurien en devient littéralement transi.
Malheureusement, malgré cette base solide, le film ne prend jamais complètement la mesure du personnage ahurissant qu’il a créé. On en ressort que faiblement rassasié, comme si l’on s’était vu privé de dessert. Toutefois, on pardonne volontiers à Peter Dourountzis ses maladresses, car le spectacle n’était pas sans intérêt – loin s’en faut. Cette première réalisation n’en demeure effectivement pas moins prometteuse. Elle témoigne d’un talent certain pour la direction d’acteurs, ainsi que d’un sens esthétique accru. Il ne manquait décidément à VAURIEN que d’approfondir davantage son sujet…
Lily Nelson
• Réalisation : Peter Dourountzis
• Scénario : Peter Dourountzis
• Acteurs principaux : Pierre Deladonchamps, Ophélie Bau, Sébastien Houbani, Candide Sanchez
• Date de sortie : 9 juin 2021
• Durée : 1h35min