[critique] Le Festin Nu

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Bill Lee, ex-junkie, recyclé dans l’extermination des cafards, tue sa femme accidentellement après l’avoir surprise faisant l’amour avec leurs deux meilleurs amis.

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 11 mars 1992
Réalisé par David Cronenberg
Film Britannique, américain, canadien, japonais
Avec Peter Weller, Ian Holm, Judy Davis
Durée : 1h 55min
Titre original : Naked Lunch
Bande-Annonce :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=zfuzjXhJ-CQ[/youtube]

Considéré un peu trop rapidement par la critique et le public comme un cinéaste de l’horreur, David Cronenberg s’est révélé dès Videodrome comme un auteur préoccupé par le pouvoir et l’influence des images sur le cerveau. Il abandonne le temps d’un film (Faux-Semblants, probablement son film le plus parfait) les créatures visqueuses puis y revient avec Le Festin Nu, ce film somme, manifeste de son esthétique, qui déroute une fois de plus les spectateurs venus assister au carnage habituel de tout film d’horreur. Porté par l’unanimité critique et publique reçue par la destinée cruelle des jumeaux Mantle, Cronenberg peut enfin adapter pour l’écran ce qui reste son livre de chevet, et probablement l’un des plus déroutant du vingtième siècle.

Pour se déculpabiliser du meurtre accidentel de sa femme, l’artiste se réfugie dans un univers mental, celui de l’écriture d’un livre, qui se confond avec une zone de son esprit qu’il croyait morte (une « dead zone »), celle de l’Interzone. Le cinéaste traite du danger de l’écriture, du pouvoir de l’esprit sur l’environnement (l’écrivain est persuadé d’être à Tanger, et les décors de New York, où l’action se déroule en réalité, se transforment peu à peu en casbah marocaine), de la capacité de l’esprit à inventer des images, thèmes qu’il a déjà traités dans d’autres films, outre Videodrome, M. Butterfly, et plus récemment dans Spider. Film sur la possible fusion de l’esprit et de la matière, sur la dépendance à la drogue surtout, de ce « singe monstrueux du besoin qui te ronge la nuque et te grignote toute forme humaine », et enfin sur la sexualité, qu’elle soit homo (Crash, Faux-semblants, M. Butterfly) ou hétéro (La Mouche, Videodrome, Crash,… et surtout son premier film commercialisé en France, Frissons), Le Festin Nu ressasse tous les thèmes développés dans les œuvres précédentes du réalisateur canadien.

Le Festin Nu ressasse tous les thèmes développés dans les œuvres précédentes du réalisateur canadien

Ce n’est pas la première fois que Cronenberg travaille sur un matériau préexistant. La Mouche est un remake, Dead Zone une adaptation de roman, Faux-Semblants est tiré d’un fait réel. Mais à chaque fois, le cinéaste s’approprie ce matériau et l’intègre à son œuvre – l’exemple est flagrant avec La Mouche qui devient une métaphore du cancer qui a tué le père du cinéaste quand celui-ci était encore enfant. Du Festin Nu, Cronenberg fait un film de Cronenberg, et la particule « the » enlevée au titre original du roman montre bien le désir du cinéaste de se démarquer. Cependant, le changement par rapport au reste de son œuvre, c’est que pour la première fois chez le cinéaste, l’œil de la caméra dévoile une illusion, un fantasme, une hallucination, ce qui rend l’une des dernières scènes extrêmement intéressante: Bill Lee récupère sa machine à écrire-insecte Clarck Nova qu’il avait laissée chez un « ami ». Cette machine, blessée, mal en point, donne quelques derniers conseils à l’écrivain puis meurt. Bill laisse tomber la machine… Plan suivant, la machine est à terre, cassée. On comprend alors que la scène était en narration interne et que le spectateur recevait le point de vue du personnage. Le plan de la machine cassée prouve que l’insecte a été rêvé par Bill, alors sous l’emprise de la drogue. Bill n’a pas vécu cette scène. Il l’a écrit. Le cinéaste opère ainsi de nombreux changements de point de vue pour démontrer que nous sommes de l’autre côté du miroir, dans l’œuvre d’art elle-même. De même, quand le « mugwump » dit à Bill de fuir à Tanger, il lui donne un billet de bateau. Quelques plans plus loin, Bill le montre à un de ses amis, « J’ai mon billet », mais il n’y a dans sa main qu’un flacon de poudre jaune, celui-là même que lui a donné le docteur Benway. Le spectateur a un accès objectif au monde intérieur de Lee et comprend l’importance de la drogue dans la création du monde mental de l’écrivain. La drogue remplace la machine à écrire – d’ailleurs, quand Hank ouvre le sac où est censée être la machine à écrire de Bill, il ne trouve que la panoplie complète du parfait drogué. Ainsi le cerveau de Bill, atteint par la drogue, est devenu une véritable machine à écrire qui ne s’accepte pas. L’homme Lee est une machine qui ne se reconnaît pas en tant que telle, et qui passe par le biais d’hallucinations pour se rêver Homme. Une tragédie tournée en véritable farce, finalement.

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