Tiens-toi droite
© Wild Bunch Distribution

[Critique] Tiens-toi droite

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Mise en scène
7
Scénario
5
Casting
6
Photographie
6
Musique
6
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6
Note du rédacteur

[dropcap size=small]D[/dropcap]euxième réalisation de Katia Lewkowicz, TIENS-TOI DROITE a été présenté par la réalisatrice elle-même comme un film sur la féminité, porté par trois femmes très différentes dont les destins finiront liés. Si le film démarre assez bien, avec des situations drôles et émouvantes, on finit assez vite par se perdre dans un scénario brouillon et peu travaillé. Katia Lewkowicz mélange quantité de choses, essaie de parler d’un peu de tout, utilise des formes différentes et on ne comprend plus réellement où elle veut en venir. A vouloir mettre ces femmes en avant, TIENS-TOI DROITE ne parvient finalement qu’à les rendre fatigantes voire agaçantes.

Trois femmes et trois vies différentes. Il y a Louise (Marina Foïs), Sam (Noémie Lvovsky) et Lili (Laura Smet). Chacune a la volonté d’évoluer. Louise quitte son travail dans le pressing de famille pour rejoindre une grande entreprise de fabrication de poupée où elle a été pistonnée par son amant. Lili est Miss Nouvelle-Calédonie et est limitée aux sourires. Elle voudrait travailler mais cela devient impossible après sa rencontre d’un riche industriel. Enfin Sam est mère de famille. Après avoir donné naissance à deux nouveaux enfants elle décide de prendre davantage sa vie en main et de devenir autre chose qu’une mère : une travailleuse.

A la manière du bon film Puzzle de Paul Haggis, sorti quasiment en même temps (19 novembre) et que nous avions chroniqué, TIENS-TOI DROITE offre une histoire déconstruite. On alterne entre les intrigues de manière rapide avec un montage vif qui donne le rythme du film. Mais à l’inverse de Puzzle les liens entre les récits sont rapidement visibles.

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Sans être des personnages très originaux on est d’abord charmé par chacune des femmes. Seulement, à mesure que l’on avance dans le film, les lacunes scénaristiques et le manque de développement des personnages deviennent flagrants.
Il y a Lili, la belle condamnée à n’être qu’une image, un sourire. Pourtant elle ne désire que travailler, faire quelque chose de ses mains et rendre son père fier d’elle. Sans qu’on comprenne ni pourquoi ni comment elle tombe sous le charme d’un homme riche, bien plus âgé. On fait forcément assez vite le lien entre cette relation et les rapports compliqués qu’elle entretient avec son père.
De son côté Louise est propulsée en chef d’une section importante d’une entreprise de poupée. Elle s’avère assez intéressante dans sa montée en grade face à ses collègues. Elle est au début submergée et ne parvient pas à exprimer ses idées. Avec les conseils de ses sœurs elle apprend au fur et à mesure à s’impose. Malheureusement on revient trop souvent aux situations de départ et elle continue d’apparaître totalement paniquée et ne maîtrise rien. On assiste alors à des scènes de plus en plus improbables où personne ne réagit et reste d’une passivité déconcertante.
Enfin Sam est mère d’une famille nombreuse. Un groupe relativement touchant. Elle est présentée comme une machine à pondre. Son dernier accouchement, le quatrième, est celui de trop. Sam a l’impression de n’avoir jamais rien fait de ses mains. A partir de maintenant elle veut tout faire. Et pour elle, tout faire, c’est travailler sans arrêt et délaisser ses enfants et son mari. Elle est de plus en plus absente. Elle reste bouche bée et sans réaction face à tout ce qui l’entoure puisqu’elle aussi ne contrôle pas sa vie. La talentueuse Noémie Lvovsky se retrouve à devoir reproduire le même jeu que Laura Smet et Marina Foïs. Toutes les trois ont les mêmes mimiques, la même incapacité à s’exprimer, à réagir, à avoir de l’énergie. Alors qu’on pouvait avoir de la sympathie pour chacune des protagonistes, la redondance des caractères finit par plomber le potentiel des héroïnes.

”Le discours de Katia Lewkowicz reste peu évident selon nous et Tiens-toi droite déçoit par son scénario bien maigre”

Au final ce qui dans un premier temps amuse et fascine nous lasse bien vite. Katia Lewkowicz utilise à outrance la répétition de phrases voulues accrocheuses comme « il faut travailler » que s’impose Lili comme possédée, ou le « respire » en voix off de Louise. A la fin l’hésitation constante de ces trois femmes provoque le spectateur mais pas de la bonne manière. On a surtout envie de leur donner quelques claques pour les réveiller et les voir (ré)agir.
De plus la réalisatrice n’offre rien à part des scènes décousues. Elle est certes particulièrement douée dans sa capacité à mettre en scène des séquences amusantes et surprenantes, mais l’ensemble devient trop improbable et peu crédible. On accepte encore de voir Lili propulsée Miss malgré son manque de professionnalisme dans ce domaine qui la conduit à enchaîner les gaffes. Cela reste plus difficile avec l’une des filles de Sam qui se voit transformée en conseillère pour la conception des nouvelles poupées que « dirige » Louise. Ainsi les séquences qui se veulent marquantes se révèleront davantage superficielles et lourdes, particulièrement celle du match de basket entre tout un groupe de femmes à moitié nues, qui n’ont pas trouver mieux pour respirer et évacuer leurs pressions.

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Le résultat est donc assez étonnant car l’objectif de Katia Lewkowicz était de montrer à quoi sont soumises les femmes depuis leur plus jeune âge. L’obligation d’être belle, de sourire, de se tenir droite. Une image que reproduisent les filles de Sam. La réalisatrice cherche également à présenter trois figures de la féminité. En soi un bon sujet. Seulement le spectateur n’est jamais vraiment convié à comprendre ces trois femmes. Le discours de Katia Lewkowicz reste peu évident selon nous et TIENS-TOI DROITE déçoit par son scénario bien maigre. Ce n’est pas le cas du film Fidelio, l’odyssé d’Alice de la réalisatrice Lucie Borleteau qui sortira le 24 décembre. Ce dernier traite également de la place de la femme. Dans un tout autre registre, cette œuvre se démarque par la représentation d’une femme dans un univers d’homme (l’univers maritime), à égalité avec ces derniers, aussi bien dans son travail que dans sa sexualité. Le film offre quelque chose de rare, une femme avec les mêmes qualités et défauts qu’un homme tout en étant jugée de la même manière. Un beau résultat sur un sujet pertinent, ce que n’est pas parvenu à atteindre TIENS-TOI DROITE.

Les autres films sortis le 26 novembre 2014

[divider]CASTING[/divider]

Titre original : Tiens-toi droite
Réalisation : Katia Lewkowicz
Scénario : Katia Lewkowicz
Acteurs principaux : Marina Foïs, Noémie Lvosky, Laura Smet, Lola Dueñas, Jonathan Zaccaï, Michaël Abiteboul
Pays d’origine : France
Sortie : 26 Novembre 2014
Durée : 1h34mn
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Synopsis : Louise, Sam, Lili. Trois femmes qui ne se connaissent pas mais dont la volonté farouche d’évolution va les faire se rencontrer, se rejoindre, se juxtaposer.
C’est l’histoire de Louise qui quitte le pressing de famille pour travailler dans une grande entreprise de fabrication de poupée où l’a pistonnée son amant.
De Lili, Miss Nouvelle-Calédonie, qui fait la rencontre d’un riche industriel.
De Sam, mère de famille nombreuse, qui décide de prendre son indépendance.
Il y a la pression de leurs mères, de leurs sœurs, de leurs amies.
Il y a leurs hommes qui disparaissent. Il y a leurs filles qui les regardent, les imitent.
Et il y a la conception de ce nouveau modèle de poupée, enfin à l’image de la femme.
Mais est-ce le modèle qui doit s’adapter à la femme ou l’inverse ?

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