[interview] Jean-Pierre Jeunet

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A l’occasion de la sortie de son futur film le 28 octobre prochain, Jean-Pierre Jeunet était présent au siège de la Warner pour répondre à nos questions.

Le plus célèbre des réalisateurs français auquel l’on doit attribuer Delicatessen, Le Fabuleux Destin D’Amélie Poulain, La Cité Des Enfants Perdus (rien que çà !) est revenu, au cours d’un Master class exclusif organisé par Allociné hier soir, sur son parcours, ses projets futurs, mais surtout sur son prochain film : Micmacs A Tire-Larigot avec Dany Boon, André Dussollier et Jean-Pierre Marielle entre autres.

Voici les principales questions qui lui ont été posé :

– Pourquoi avoir choisi Dany Boon dans le rôle principal ?

Au départ cela devait être Jamel Debbouze. Je lui avais toujours promis que j’écrirai un truc pour lui et je l’ai fais. Donc, j’avais intégré son handicap au scénario en le faisant sauter sur une mine au début. Jamel était très partant, très enthousiaste et à deux mois du tournage à peu près, il m’a dit que pour des raisons personnelles il était dans une période où il n’avait plus envie de travailler et comme vous l’avez constaté, depuis il n’a plus rien fait. J’ai préféré qu’il soit honnête et que ça se passe ainsi plutôt que de travailler avec quelqu’un qui allait à reculons. Je me suis donc retrouver à deux mois du tournage avec un film arrêté, j’ai donc pensé à Dany Boon que j’avais un peu en tête, je lui ai fait lire le scénario et il a d’abord refusé voyant que s’était écrit pour Jamel. Là, j’ai joué le coup de poker de ma vie et lui disant qu’il avait raison et qu’il n’arriverait probablement pas à le jouer de toute façon. Mais je lui ai demandé s’il voulait qu’on s’amuse à faire des essais, qu’il n’avait rien à perdre puisqu’il ne jouerait pas dans le film quoi qu’il arrive. Le soir même, il m’a appelé pour me dire qu’il le faisait.

– Vous avez une esthétique très particulière, seriez-vous prêt à la changer si une histoire le demande ou au contraire, bâtissez-vous vos histoires en fonction de cet univers ?

Life Of Pie (l’un de se projets qui n’a malheureusement pas aboutit) s’apprêtait à être très différent puisque j’avais la mer, l’enfant et l’océan, cette force immense que je n’avais jamais abordé. La première partie se passait en Inde donc oui j’étais prêt à changer. Pour Micmacs A Tire-Larigot, je suis retourné au Paris que je connaissais, maintenant le prochain film que je ferai, j’irai sur des choses esthétiquement différentes.

– Quand vous faites le film, quand vous l’écrivez ou le réalisez, vous avez des « troisième œil » avec vous ou vous êtes vraiment seul dans l’élaboration du film ?

Généralement à la fin, on fait lire le scénario. Là on l’a pas tellement fait parce qu’il y avait une espèce d’urgence mais je le fais par exemple quand le film est terminé, on montre le premier montage pour faire un test comme chez les américains. La seule différence c’est que les américains tiennent compte de tout ce que dit le public, alors que moi je ne tiens pas compte de tout : par exemple la voix-off dans Amélie Poulain j’ai tenue à la garder que ça plaise ou non parce-que je la revendique. Mais si une vingtaine de personnes disent qu’elles ne comprennent rien à une scène, on essai avec mon monteur de voir où sa cloche et d’arranger le problème. C’est très utile et là on a fait trois tests pour Micmacs et petit à petit, étape par étape, on approche de quelque chose que tout le monde comprend plus ou moins sans chercher à plaire à tous. Si des gens n’aiment pas une scène que moi j’adore, tant pis pour eux.

– Concernant Harry Potter, qu’est-ce qui vous a poussé à refuser sa réalisation ? Et en se projetant dans le futur, à quoi aurait-il ressemblé par Jean-Pierre Jeunet ?

La réponse est dans votre question : sa aurait ressemblé à Harry Potter par pas Jean-Pierre Jeunet. Parce-que le look était déjà établit, je n’aurai rien pu changer, on m’a prévenu que l’auteur était derrière et qu’elle avait en quelque sorte un droit de veto, ce qui est normal. Donc, je pense que sur Alien j’avais plus de liberté car la règle du jeu était différente, on m’a dit « on te prend pour que tu amènes des idées originales, parce qu’on pense que c’est moins risqué que de prendre un risque ». Avec Harry Potter, j’aurai été obligé de respecter la règle du jeu qui était ultra-balisée. Ils cherchaient juste un bon technicien pour filmer ça bien et résoudre tous les problèmes d’effets spéciaux qui sont archi nombreux dans ce genre de film. C’était un vrai travail de technicien, un peu comme pour faire une pub mais pendant deux ans. Voilà pourquoi je n’ai pas eu envi, l’idée, le concept, était déjà là, tout était pratiquement déjà fait donc ça ne venait pas de moi. Faire le premier Harry Potter, ça sa aurait été très intéressant !

– Quels sont les cinéastes français actuels que vous admirez, que vous respectez, et quel est le film français que vous attendez le plus ?

J’aime beaucoup Jacques Audiard, certains réalisateurs qui sont un peu ma famille comme Matthieu Kassovitz, Jan Kounen… j’aime beaucoup Agnès Jaoui qui opère dans un tout autre genre et pis de temps en temps un Lecomte, un Cornaud. Mais souvent on aime plus des films que des metteurs en scènes : Scorsese, que je vénère, je n’aime pas tous ses films. J’aime beaucoup Gaspard Noé aussi. Alors lui, il est franchement cinglé, il a un peu trop prit de plantes, il n’y en a pas deux comme lui. Mais il faut des gens comme ça un peu décalé. Il est très créatif, dès Seul Contre Tous, je le soutenais et l’admirais beaucoup. Après, le film que j’attends le plus c’est sans doute Un Prophète d’Audiard.

– Vos films jouent beaucoup avec la mélodie des mots, vous cherchez beaucoup d’expressions assez typiques, et donc, lors des exportations à l’étranger, est-ce que sa pose des problèmes ?

Pour les dialogues de Remington notamment, sa va être un vrai souci. Je suis curieux de savoir comment on va le traduire à l’international. C’est un dilemme qu’on a parfois avec Guillaume Laurent : ça m’arrive parfois de lui dire que c’est intraduisible à l’étranger et donc d’essayer de trouver une autre formule. Il y a un vrai problème avec le cinéma français à l’étranger. C’est un peu comme le cinéma asiatique et africain en France, sans être péjoratif. Il y a de vraies limites que l’on sent quand on voyage. Maintenant, je choisis de jouer en français parce-que c’est ma langue de référence, ma langue avec laquelle je peux m’amuser. Ma grande référence, c’est Jacques Prévert. Tout vient de là, il me nourrit constamment. Le plus beau compliment qu’on m’ait fait, c’est de dire qu’Amélie était un « carnet de Prévert avec les technologies d’aujourd’hui ». Donc tant pis si les films perdent 20 à 25% à la traduction à l’étranger. Mais il n’y a pas quel es mots, il y a aussi un aspect visuel très important dans mes films.

– Est-ce que sur les tournages vous laissez place à l’improvisation ?

C’est Scorsese qui dit un truc très juste : « l’improvisation, c’est en répétition, ce n’est pas sur les plateaux, c’est trop tard sur les plateaux ». Il arrive parfois que certains acteurs vraiment géniaux comme Yolande Moreau y parviennent mais cela reste très rare, il n’y a pas de vraie improvisation.

– Est-ce que Micmacs est un clin d’œil à Mission Impossible ?

C’est un clin d’œil revendiqué complet ! Pas aux films mais à la série. C’était ma série préférée, je m’en suis nourrit, j’y ai pensé en écrivant, on n’a pas piqué des trucs précisément mais il y a forcément des réminiscences qui revenaient sans cesse.

– Concernant l’esthétisme de vos films, quand est-elle décidée ? Avant, après, pendant ?

On a commis une erreur en faisant La Cité Des Enfants Perdus, on avait le look dans la tête avant l’histoire. Avec Marc Caro, on voyait le look du port, la forme des bateaux, les habits des personnages… et il y a un moment où l’on s’est dit il faut écrire une histoire. Grave erreur ! Le plus important c’est toujours l’histoire, l’émotion, ce que tout ça va dégager…

– Après avoir fait le tour de Paris, avez-vous pensé, comme Woody Allen, à faire le même genre de film dans des endroits différents ?

Sûrement pour un prochain, oui. Là je crois réellement avoir fait le tour de Paris. Je vais maintenant avoir du mal à trouver des choses que j’aime parce-que j’ai besoin d’aimer tout ce que je film. Je serai incapable de faire Mesrine par exemple parce-que ces enfoi*** portaient des pattes d’eph et j’ai horreur des pattes d’eph ! Pour un futur film, je ne peux pas vous dire avec certitude où cela se passera mais j’aime beaucoup San Fransisco, Chicago est pas mal non plus.

– Pour conclure, est-ce-que Dany Boon ne serait pas le nouveau Bourvil ?

C’est vrai qu’il y a des ressemblances entre Dany et Bourvil et dans Micmacs notamment, il y a deux plans qui y font parfaitement références. Dans le film, il y a également un hommage revendiqué à Charlie Chaplin.

Voilà, c’est tout pour les principales questions, j’espère que la lecture vous a été agréable. Encore merci à Allociné d’avoir organisé ce Master class spécialement pour le Club 300

Vous pouvez retrouver les Teasers de Micmacs A Tire-Larigot en cliquant sur l’image juste en-dessous.

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