10 CLOVERFIELD LANE
© Paramount Pictures France

10 CLOVERFIELD LANE, huis-clos surprenant et captivant – Critique

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Grandement espérée par les fans, c’est de manière plus qu’inattendue que sort la « plus ou moins suite » de Cloverfield (2008), gardée longtemps secrète. Sequel ? Prequel ? Difficile de définir ce 10 CLOVERFIELD LANE qui n’a de son prédécesseur que le nom.

Le style found footage est abandonné pour une réalisation plus classique, et rien ne lie les nouveaux personnages aux anciens. Seul la thématique et l’univers sont similaires. A savoir, suivre un groupe de survivants après une attaque, a priori, Alien sur le sol américain. Un choix osé mais pour le moins intelligent. Car à l’heure où les suites, remakes et reboots, tous particulièrement formatés, sont légions, et où la moindre « bonne recette » trouve immédiatement des dérivés à la chaîne, cette approche révèle une vraie originalité. Elle ouvre ainsi la porte à une potentielle franchise Cloverfield, tout en permettant au réalisateur d’offrir un travail personnel en s’affranchissant du film d’origine.

On découvre derrière la caméra Dan Trachtenberg. Jusque-là inconnu, le réalisateur s’était fait la main avec son court-métrage Portal : No Escape (un live action inspiré du jeux vidéo Portail). Un parcours qui rappelle celui de Wes Ball, qui s’empara de la saga Le Labyrinthe après n’avoir réalisé qu’un court, Ruin, jugé prometteur. Comme lui, Trachtenberg se lance dans 10 CLOVERFIELD LANE avec l’idée de mettre SA patte à la production de J.J. Abrams, réintroduisant même des éléments de son premier film (le réveil de son héroïne, la chambre dans laquelle elle se trouve, son caractère fort et actif). Ainsi, 10 CLOVERFIELD LANE se place davantage comme un thriller en huis clos et s’éloigne totalement de ce qu’on imaginait à l’évocation du titre Cloverfield. Après un accident de voiture, Michelle (Mary Elizabeth Winstead) se réveille dans une cave, la jambe attachée. Immédiatement, elle s’imagine (à juste titre) avoir été enlevée et pense être séquestrée. Howard (John Goodman), l’homme qui semble la retenir, lui révèle que le pays a été touché par une frappe inconnue. Et qu’en raison de possibles retombées toxiques il est impossible de sortir du bunker dans lequel il les a recueillis, elle et Emmett (John Gallagher Jr.).

Photo du film 10 CLOVERFIELD LANE
© Paramount Pictures France

En gardant constamment sa caméra aux côtés de son héroïne, de manière simple mais efficace, le réalisateur nous met à sa place, dans sa situation qui paraît un temps invraisemblable. Ainsi, l’enfermement se fait palpable et inquiétant, et nous voilà immédiatement captivés par ce 10 CLOVERFIELD LANE. Mais surtout, les doutes de Michelle deviennent les mêmes pour le spectateur. Dan Trachtenberg ne se contente pas d’user d’effets de mise en scène pour provoquer l’anxiété du spectateur. Il y parvient en nous la faisant vivre au travers de son héroïne à laquelle on s’attache. Car si la situation ne semble pas si normale aux yeux de Michelle, c’est justement parce qu’il y a quelque chose d’étrange dans l’histoire d’Howard, et dans la manière dont le réalisateur nous la dévoile. Difficile de dire si ce dernier est un dangereux psychopathe ou seulement trop porté sur la théorie du complot. Est-ce les russes qui ont bombardé le pays avec des armes secrètes, une attaque extraterrestre, ou un mensonge d’Howard pour garder ses deux réfugiés captifs ?

Le scénario (notamment Damien Chazelle, surprenant) parvient de manière habile à confirmer ou infirmer chaque hypothèse et à nous induire régulièrement en erreur. Justifiant les actions d’Howard, et son attitude, par sa paranoïa – portant là avec une certaine ironie un regard sur cette Amérique post Guerre froide. Se méfiant des occupants qu’il a recueilli, et dictant ses règles à la lettre pour sa propre sécurité, Howard parvient à légitimer ses actes, et parfois même à inspirer confiance. Ponctué par des rebondissements bien trouvés, 10 CLOVERFIELD LANE est une réussite scénaristique, parvenant à laisser son héroïne (et nous) dans l’incertitude et face à un profond malaise.

Un enfermement palpable et inquiétant. 10 CLOVERFIELD LANE captive immédiatement.

Bien sûr cette situation pour le moins étrange n’aurait pas aussi bien fonctionné sans son trio d’interprète. John Goodman en tête, dont cette (omni)présence physique et imposante ne rassure jamais vraiment. L’acteur donne à chacune de ses répliques un double sens et fait ainsi monter une tension crescendo. Face à lui, on retrouve avec grand plaisir Mary Elizabeth Winsted (la « Ramooooonaaaaa » de Scott Pilgrim). L’actrice, qu’on regrette de ne voir plus souvent, tient son rôle à la perfection. Fragile de prime abord, elle se révèle active, d’autant plus mise en valeur par la très juste passivité, voire naïveté, que dégage John Gallagher Jr. (Newsroom). La jeune femme réussie à se montrer crédible dans ce rôle physique et à apparaîtra au fur et à mesure du film comme une vraie héroïne badass – l’un des derniers plans du film, qui fait forcément sourire, insiste d’ailleurs sur ce caractère. On se dit qu’Alien avait Ripley, 10 CLOVERFIELD LANE aura Michelle ! Aussi empathique que combative et la même capacité à se sortir de situations complexes par son ingéniosité. Si par ses protagonistes le réalisateur parvient à nous tenir en haleine dès l’accident de voiture, très bien mis en scène, et à inclure même quelques pointes d’humour bien trouvées au sein de leur quotidien qui se met en place (excellentes parties de jeux de sociétés), on regrettera un final un peu trop facilement expédié. Un élément qui n’empêche pas 10 CLOVERFIELD LANE d’être particulièrement efficace et prenant. Reste à espérer qu’il montrera la voie à d’autres « suites » d’aussi bonne qualité.

Pierre Siclier

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