En s’arrêtant au casting, ce film ressemblerait plutôt à une grosse et juteuse production hollywoodienne idéale pour renflouer les caisses de Columbia Pictures. En particulier Julia Roberts qui, à l’instar d’un Tom Hanks, n’en finit plus de tenir le rôle de la poule aux œufs d’or dont la simple présence suffit à débloquer les crédits et enclencher le bon vieux processus du film rentable. Seulement, il y a Mike Nichols derrière la caméra. Et Patrick Marber derrière le stylo. D’un point de vue strictement cinématographique, le film est d’une sobriété (voire d’une simplicité) qui peut faire douter de l’utilité de l’adaptation de la pièce originale à l’écran. Mais ce serait mal juger Mike Nichols que de qualifier sa réalisation de faignante. Avec des dialogues aussi bons, une surenchère d’effets visuels aurait été pure frime.
Larry aime Anna. Anna le trompe avec Dan. Dan, qui vit en couple avec Alice. Alice, qui ne laisse pas Larry indifférent. Voilà le seul fil rouge du film.
Des chassés-croisés amoureux, on en a déjà vu beaucoup. Mais Closer – Entre Adultes Consentants va plus loin que les autres. Il sonde la perversité humaine, les pulsions, la jalousie, la manipulation, ces travers que nous portons tous en nous et qui ont une origine commune : l’envie de pouvoir. Car si ces personnages peuvent choquer le couple « classique » qui se jure vertu et fidélité, rejeter ces protagonistes pour leurs défauts revient à se refuser soi-même.
Ce film fait mal parce qu’il est cru, vrai. Il tape là où personne ne veut être frappé, les pires abîmes de notre esprit, les plus primitives, les moins avouables. Et si certains passages pêchent par excès de vulgarité, il reste jouissif de voir la patronne du rôle poli qu’est Julia Roberts aligner des répliques d’une crudité déconcertante. Natalie Portman est sexy, touchante et cruelle. Clive Owen, pas si connu à l’époque, révèle déjà un charisme et une bestialité fascinante. Quant à Jude Law, dans un rôle allant du charmant dandy au pathétique loser, assure la partition la plus touchante.
Il est si rare qu’un film sorti tout droit d’Hollywood affiche une telle franchise. Pas de subterfuge, de caméra frileuse ou de non-dits à but « familial ». La scène entre Clive Owen et Julia Roberts au milieu du film est d’une brutalité verbale suffisamment familière pour perturber n’importe quelle personne ayant vécu la jalousie. Dans Closer – Entre Adultes Consentants, on parle de sexe, de désir, de pouvoir, de vengeance, d’ego brisé, de couple factice, d’amour surestimé, d’espérance non fondée. Et ce au recours de quatre acteurs, pas un de plus.
Sans éviter le moindre recoin de nos défauts, il reste à la vision du film de Mike Nichols l’impression que le scénario et les dialogues de Patrick Marber ne laissent aucune place à des sentiments plus « nobles », moins emprunts de noirceur, et que toute relation sentimentale ne serait que la résultante d’une libido primaire avide de pouvoir. L’abondance de constats désolants sur notre psyché titillera le romantique qui vit en chacun de nous, à la recherche de tendresse cachée par-delà la violence physique des lois de l’attraction. Mais peut-être est-ce là la beauté du film. Un miroir du pire pour nous faire chercher le meilleur.