LOLITA

LOLITA, aux frontières de la morale – Critique

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Quel sens se cache derrière le mot Lolita ? Utilisé à tout vent pour qualifier les chanteuses des années 2000, ce terme évoque une jupe courte, des chaussettes hautes et des lunettes en forme de cœur portées par une nymphette qui n’en a pas l’âge.

Aujourd’hui, l’énigmatique et fantasmagorique Lana Del Rey perpétue ce thème à travers un personnage et des textes qui se réfèrent directement au roman de Vladimir Nabokov à l’origine du mythe. Dans « Off the races », elle reprend textuellement l’ouverture du roman « Light of my life, Fire of my loans » (Lumière de ma vie, feu de mes reins).

Lolita, Lola ou encore Dolorès est devenue un mythe à travers des images : mentales, oniriques… C’est à Stanley Kubrick que l’on doit la première adaptation du roman de Nabokov, on lui doit la première image sur le visage de Lolita.
« Comment ont-il pu faire un film de Lolita ? ». Kubrick s’amuse du challenge et l’exacerbe sur les affiches et dans la bande-annonce du film sortie en 1962 soit 7 ans après le roman qui a bousculé l’Amérique. Kubrick sait qu’il doit adapter ce sentiment dérangeant, le trouble, le balancement entre un Humbert Humbert d’une allure droite et propre mais incapable de résister à ses pulsions et une Lolita jouant sur les tableaux de l’innocence et de la séduction.

Une lecture plus cynique et moins sulfureuse du roman de Nabokov.

Kubrick choisit la voie de l’humour et de l’ironie. Le ton est donné dès la scène d’ouverture. Humbert cherche Quilty : la caméra filme l’ensemble de la pièce. Le spectateur complice cherche avec la caméra, et là, caché sous un drap, Peter Sellers apparaît. Il répond avec dérision se nommer Spartacus (référence au film précédent de Kubrick) et tourne à la blague chaque mot et geste d’Humbert. L’ambiance pesante et troublante du livre est atténuée. Le film n’est en aucun cas choquant ni perturbant au regret de beaucoup. Cependant le jeu entre les limites du bien et du mal auquel joue chaque personnage est continuellement présent. Le film montre également le ridicule de la bourgeoisie banlieusarde américaine qui se transit devant l’Europe qui incarne la culture et l’élégance.

Ainsi, Shelley Winters joue avec brio une Charlotte Haze dépassée et épuisée à force de donner l’illusion d’être une femme cultivée qui au fond est jalouse de sa propre fille incarnée par Sue Lyon. Cette dernière nous offre une Lolita aguicheuse derrière ses boucles blondes et une gueule d’ange. James Manson interprète Humbert Humbert mais ne semble pas toujours assez vicieux : il reste très grave et sérieux même lorsque la folie l’atteint. Peter Sellers joue le niais qui, l’air de rien, en sait beaucoup plus que l’on ne croit et qui est le fil et l’initiateur de l’histoire. Ce personnage faussement léger n’est pas sans rappeler un autre des rôles de Sellers : le célèbre inspecteur Cluzot de La Panthère Rose.

Kubrick, par des procédés de la comédie, offre une version de Lolita qui joue avec les frontières de la morale. Peut-on parler de façon légère d’un amour interdit « des moins de 16 ans » ?
Le cynisme ne peut que faire ressortir le tragique de la situation. Même s’il dure 2h30 environ, je ne peux que conseiller le visionnage de ce film qui tout en suivant le livre en donne une lecture plus cynique et moins sulfureuse et ainsi crée une nouvelle image de Lolita de laquelle on héritera les désormais emblématiques lunettes en forme de cœur.

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