Bonne surprise horrifique de l’été, LA MAIN propose un divertissement intelligent à destination des adolescents. Toutefois, malgré ses qualités honorables, le film des frères Philippou souffre parfois de défauts d’écriture et d’une esthétique passable.
Drug users
Enfants d’Internet, les jumeaux australiens Danny et Michael Philippou se sont d’abord illustrés sur Facebook avec de fausses vidéos fails parodiques. Leur goût pour la comédie les poussera ensuite à créer la chaîne YouTube RackaRacka en 2013. Les frères explorent alors différents formats et se distinguent par un style gore, toujours teinté d’humour. En 2017, la série de vidéos House of Racka inclut quelques éléments horrifiques. Composée de vlogs et de pranks principalement comiques, cette série connaîtra finalement une annulation de la propre initiative de ses créateurs, bien que les deux vidéastes restent énigmatiques quant aux raisons de cet arrêt spontané.
Approchés par la société de production Causeway Films après avoir travaillé tous deux sur Mister Badabook en 2014, les Philippou font donc leurs débuts en tant que cinéastes avec LA MAIN. Et force est de constater que le rendu final s’éloigne quelque peu de leurs réalisations précédentes sur Internet. Si l’horreur reste le terrain de jeu privilégié des deux frangins, cette fois, l’humour est plus en retrait et le drame humain passe au premier plan. Car la grande force du scénario réside en une métaphore filée de l’addiction aux drogues dures. De même que le récit aborde avec justesse bon nombre de problématiques, telles que le suicide, le deuil, l’isolement et l’autorité parentale en défaut ou en surabondance.
Un climat d’étrangeté
Surprenant, LA MAIN repose sur un concept intéressant et parvient par là même à renouveler un tant soit peu le film de possession, usé et daté depuis la surexploitation des Conjuring. La main du titre est, en réalité, le membre embaumé d’un ancien voyant. En la serrant, des adolescents parviennent à communiquer avec l’au-delà et laissent les esprits posséder leurs corps. Pas plus de 90 secondes cependant, au risque qu’une entité maléfique ne reste parmi les vivants. Les sensations perçues au cours de l’expérience galvanisent tant le groupe d’amis qu’ils y reviennent inlassablement. En proie au deuil de sa mère, le personnage de Mya, plus fragile, se perd dans ce miroir aux alouettes, évoquant ainsi le processus classique de l’addiction.
D’un point de vue horrifique, LA MAIN installe un climat d’étrangeté et de malaise propice à l’angoisse. Il use assez peu de jumpscares pour ménager ses effets et les dissémine même de manière plus censée qu’à l’accoutumé. L’un des sursauts les plus marquants se révèle d’ailleurs évocateur, puisqu’il ne provient pas de l’élément fantastique, mais de la propre main de l’héroïne, alors en proie avec ses doutes et ses craintes profondes. Entre autres surprises appréciables, le film se dispense de rendre ses ados cools. Au contraire, il les dépeint tels quels : des jeunes de leurs âges, qui s’ennuient et trouvent un jeu stupide pour s’occuper dans une ville grise et sans âme. L’occasion de montrer des physiques variés, loin des canons de beauté habituels. Une approche à l’australienne, rafraîchissante en comparaison avec les productions américaines.
Quelques fausses notes
Néanmoins, malgré ses qualités, le films souffre parfois de maladresses d’écriture, et plus particulièrement dans le développement de ses personnages. A la fois trop et pas assez caractérisés, leurs traits de personnalité opèrent des transformations radicales, souvent contraires avec les repères précédemment posés. Un défaut que l’on pourrait imputer aux phases de trouble vécues par l’héroïne. Or, le crescendo final laisse entrevoir certaines facilités scénaristiques qui trahissent un réel manque de profondeur. Ainsi, il devient difficile de s’attacher au casting, bien que chacun semble jouer parfaitement sa partition. Il en ressort toutefois un portrait assez fidèle de l’adolescence et de ses personnalités lunatiques, aux tempéraments variables.
Du reste, la direction artistique de LA MAIN se veut à la fois prometteuse et bancale. En effet, certaines scènes témoignent d’une esthétique léchée et révèle tout le talent de ses réalisateurs, notamment au cours des jeux de possession, aussi glaçants qu’excitants. Malheureusement, ces quelques coups d’éclat se voient ternis par une photo grise et laide qui rappelle les productions moyennes de Blumhouse. En un mot comme en cent, LA MAIN manque encore de maturité. Néanmoins, le film laisse présager de futures réalisations intéressantes de la part des frères Philippou. Lesquels livrent tout de même ici un film terrifiant, qui parlera certainement mieux à la génération concernée, née en pleine ère des smartphones et à l’avènement de YouTube.
Lilyy Nelson
• Réalisation : Danny Philippou, Michael Philippou
• Scénario : Danny Philippou, Bill Hinzman
• Acteurs principaux : Ari McCarthy, Hamish Phillips, Sunny Johnson
• Date de sortie : 26 juillet 2023
• Durée : 1h34min