Photo du film LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM
Crédits : Warner Bros. Entertainment Inc.

LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM, un recyclage pas très réussi – Critique

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Les fans ont appris à attendre certaines constantes des adaptations du Seigneur des Anneaux : un certain style de musique, une manière de parler distincte, des paysages grandioses… LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM, réalisé par Kenji Kamiyama, semble être une rupture intéressante avec les propositions précédentes, profitant de tout le potentiel qu’offre l’animation japonaise. Cependant, ce long métrage reste très (trop) ancré dans l’héritage visuel et narratif de la trilogie de Peter Jackson, plutôt que de s’inspirer directement des romans de J.R.R. Tolkien et c’est peut-être ça le problème.

Le Rohan et ses héros : une exploration agréable de la mythologie et des personnages  

LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM se déroule presque deux siècles avant les événements narrés dans Le Seigneur des Anneaux. L’histoire se concentre sur Héra, la fille de Helm Hammerhand, roi légendaire de Rohan. L’intrigue débute lorsque Helm refuse la main de sa fille au prince des Dunlandais (les Hommes habitant les plaines du Pays de Dun, dans l’Ouest de la Terre du Milieu), un rejet qui déclenche une série d’événements dramatiques, précipitant une escalade de tensions et de conflits qui auront des conséquences fatales pour son peuple. 

Ce film s’articule autour d’une quête de vengeance dirigée contre la famille régnante de Rohan, un angle narratif qui s’avère être l’une de ses plus grandes réussites. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM enrichit l’univers de Tolkien, notamment la représentation du peuple de Rohan, déjà évoqué dans les films de Peter Jackson, mais qui ici bénéficie d’un traitement plus approfondi, en mettant en lumière une mythologie complexe et fascinante, jusque-là sous-explorée. 

Au cœur de cette histoire, Helm Hammerhand se distingue grâce à la voix puissante et charismatique de Brian Cox, parfaite pour incarner les discours guerriers épiques de ce personnage. Quant à Héra, la protagoniste, elle n’est même nommée dans l’œuvre originale de Tolkien, et constitue donc en grande partie une création originale. Cette invention est particulièrement pertinente, car l’univers de Tolkien ne regorge pas de personnages féminins forts. L’ajout de ce personnage permet ainsi d’explorer de nouvelles perspectives dans ce monde épique, apportant un point de vue frais et singulier qui enrichit l’intrigue et la profondeur émotionnelle du récit.

Le choix de l’animation : une question sans réponse ? 

Le choix de l’animation pour LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM suscite une interrogation légitime. L’animation, et plus particulièrement l’animation japonaise, est un médium qui offre des possibilités uniques, notamment pour représenter des mondes fantastiques avec une grande poésie visuelle et une dynamique si particulière.  

Pourtant, ici, le film semble ne pas exploiter pleinement ce potentiel. Bien que l’histoire soit construite autour de quelques scènes d’action, celles-ci sont souvent interrompues par des plans statiques des paysages déjà familiers du Rohan, montrés dans les films de Peter Jackson. Le dynamisme de l’animation, qui pourrait rendre les scènes d’action plus percutantes, est ici largement absent, ce qui soulève la question : pourquoi avoir choisi l’animation dans ce cas ? 

Sur le plan technique, la combinaison de décors en 3D (issus des Deux Tours) et de personnages en 2D crée un contraste parfois déséquilibré. Certaines superpositions de ces couches externes en 3D ressortent de manière excessive, ce qui nuit à l’harmonie visuelle du film. Bien que le résultat soit parfois surprenant, il n’est pas toujours à la hauteur des attentes d’un tel projet. 

Malgré l’atmosphère épique et un ton mélodramatique, la direction artistique de Kenji Kamiyama n’explique pas véritablement pourquoi cette légende devait être racontée en anime. Même si le film propose de nombreuses scènes d’action, elles ne suffisent pas à rendre l’animation indispensable. Si les arrière-plans fixes sont agréables à regarder, l’animation dans son ensemble n’apporte pas la valeur ajoutée espérée. Kamiyama, pourtant une légende de l’animation japonaise, avec des projets de renommée mondiale comme Ghost in the Shell ou Blade Runner, semble ici peiner à adapter son style aux besoins d’un tel récit. Les scènes de bataille, par exemple, souffrent de problèmes de fluidité et de lisibilité, en particulier lorsque des chevaux, réputés difficiles à animer, galopent à toute vitesse. Les visuels peinent à rivaliser avec les attentes cinématographiques modernes. En bref, on ne retrouvera pas dans ce long-métrage la qualité des dessins d’un Miyazaki ou d’un Makoto Shinkai.

Une redite malheureuse : quand l’histoire manque de souffle 

Il est indéniable que LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM présente de nombreuses similitudes avec la trilogie du Seigneur des Anneaux, au point de sembler une version allégée, tant dans ses personnages que dans son intrigue.

D’abord, le personnage d’Héra rappelle immédiatement Eowyn, tandis que Fréaláf suit un itinéraire presque identique à celui d’Eomer.

En ce qui concerne l’intrigue, l’histoire se concentre sur le peuple du Rohan qui, après une attaque ennemie, se réfugie à Fort-le-Cor. Une impression de déjà-vu ? Probablement car il se passe la même chose dans Les Deux Tours

L’antagoniste en la personne de Wulf illustre également les limites créatives du long-métrage. Ses motivations restent floues : agit-il par honneur ou simplement par désir de vengeance après la mort de son père ?  Bien que son arc narratif semble promettre une complexité psychologique, il devient rapidement un stéréotype du méchant, aveuglé par sa soif de vengeance et incapable d’élaborer des stratégies réfléchies, comme il semblait pouvoir le faire au début. Wulf finit par devenir une caricature unidimensionnelle, ce qui donne l’impression d’un gâchis. 

Ces éléments mettent en lumière une tendance générale du film : il semble recycler des fragments de la trilogie originale pour les étirer en intrigues complètes, souvent superflues. Cette démarche, typique de nombreux spin-offs ou extensions de franchises à succès, donne l’impression que l’objectif principal est davantage d’expliquer des détails qu’on n’avait pas nécessairement besoin de connaître, plutôt que de raconter une histoire véritablement nouvelle et captivante.

Dès lors, le spectateur en vient à se poser une question essentielle : qu’est-ce qui a réellement motivé la création de ce film ?

À cet égard, il est impossible de ne pas évoquer la logique marchande qui sous-tend les grandes productions hollywoodiennes. Produire du contenu régulièrement est souvent moins une question de passion que de nécessité stratégique : cela permet de conserver les droits sur des licences lucratives tout en maintenant la visibilité de la marque auprès du public. Ainsi, le lancement du film LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM par New Line et Warner en 2021 semble davantage relever d’une manœuvre pour protéger une propriété intellectuelle rentable que d’un véritable hommage à l’œuvre de Tolkien.

La bande sonore offre un autre indice quant à cette approche. Confiée à Stephen Gallagher, ancien monteur musical des Hobbit, elle se contente de recycler le thème du Rohan, dans une imitation fade de la musique grandiose d’Howard Shore. Cette approche rend le film comparable à un fan film amateur et le prive ainsi d’une identité propre.

Des clins d’œil racoleurs à la désacralisation d’une saga 

LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM est donc une expérience en demi-teinte. Il tente de raviver l’élan épique et grandiose indissociable de l’univers de Tolkien, et parfois il y arrive. 

Mais certains choix ont eu l’effet inverse. Le pire reste l’utilisation d’un caméo vocal de feu Sir Christopher Lee, acteur légendaire qui a incarné Saruman. Il est largement mis en avant lors de la promotion du film, mais ce clin d’œil est éthiquement discutable, d’autant plus qu’il n’est utilisé que pour une courte réplique racoleuse sans véritable lien avec le récit.

Le Seigneur des Anneaux deviendra-t-il la prochaine grande saga à s’enliser dans une succession de déclinaisons formatées, qu’il s’agisse de productions pour le grand écran ou d’animations ? Cette nouvelle adaptation semble davantage marquée par une logique commerciale que par le souci de préserver la grandeur et la richesse de l’univers de J.R.R. Tolkien.

Ce texte peut paraître plus sévère qu’il ne l’est en réalité. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA GUERRE DES ROHIRRIM n’est pas un échec total, et certains fans ouverts d’esprit pourraient même y trouver leur compte. La combinaison originale entre l’animation japonaise et l’univers de Tolkien est déjà un argument suffisant pour captiver les amateurs de ces deux mondes. Mais l’intrigue apparaît parfois comme un patchwork d’éléments recyclés de la trilogie originale qui nous rappellent qu’il serait bien plus satisfaisant de revoir les films de Peter Jackson. L’idée est intéressante, l’histoire porte un certain potentiel, mais contrairement à la trilogie Le Seigneur des Anneaux, ce film ne suscitera probablement pas de visionnage répété, ni n’atteindra la portée universelle et intemporelle de son prédécesseur. 

Nathan DALLEAU

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