LES FEMMES AU BALCON s’appuie sur trois personnages de femmes, interprétés par Sanda Codreanu, Souheila Yacoub et Noémie Merlant. Elles jouent le rôle de trois amies, qui se retrouvent dans un appartement à Marseille en plein été. Elles vont observer le voisin d’en face, qui est incarné par Lucas Bravo. Dans ce début aux allures de Fenêtre sur cour, les femmes vont dépasser cette position de voyeuses. Elles deviennent actrices en réagissant aux violences auxquelles elles vont être confrontées.
Afin d’apprécier le film, il est important de rappeler son contexte de création. Notre société est emprunte de la domination patriarcale et recèle de nombreuses violences, souvent impunies et minimisées, notamment dans le milieu du cinéma. Voir à l’écran des femmes qui ripostent et usent de la violence pour se défendre est jubilatoire. Dans son essai « La Terreur féministe : petit éloge d’un féminisme extrémiste » (aux éditions Divergences), Irene souligne à quel point la violence n’est jamais une caractéristique associée à la femme. Une femme doit être bien des choses, mais certainement pas violente. Voilà un film qui – enfin – ose nous montrer la colère et la possibilité de répliquer face à un système oppressif et violent, porté par les hommes.
L’humour et l’horreur sont parfaitement gérés dans ce long-métrage. On pourrait même faire un parallèle avec l’expression castigat ridendo mores (corriger les mœurs par le rire), expression latine inventée au XVIIe siècle et utilisée pour décrire le théâtre satirique, comme celui de Molière. Ici, la satire permet d’explorer des sujets profonds et d’une actualité brûlante grâce au rire. L’aspect horrifique du film est aussi un instrument humoristique, mais qui rappelle toute la noirceur des sujets abordés.
Le film tente d’être assez exhaustif pour aborder les violences faites aux femmes et pour souligner leurs expériences de vie. Il aborde notamment les agressions sexuelles, le viol conjugal, l’avortement, la gynécologie, la sexualisation des corps et le travail du sexe. Ce brassage de nombreux sujets peut parfois rendre leur traitement légèrement superficiel. Néanmoins, Noémie Merlant, qui a co-écrit son scénario avec l’excellente Céline Sciamma, nous offre un vrai film féministe. Si le blockbuster Barbie de Greta Gerwig pouvait être considéré comme trop lisse et présentant un féminisme étriqué, un féminisme « pour les nuls », le film indépendant de Noémie Merlant ne prend pas par la main son spectateur. Il est presque certain que ce film dérangera certains hommes et certaines femmes, peut-être verra-t-on passer des commentaires qui critiqueront la « misandrie » ou bien « l’hystérie ». Ces commentaires qui reviennent bien trop couramment dans les discours antiféministes ne feront que souligner la nécessité de cette œuvre.
Ce film n’est pas parfait. Certains aspects de son écriture le rendent déstructuré, en particulier le mélange de thématiques, mais aussi le mélange de plusieurs genres. Par exemple, la façon d’introduire le fantastique dans l’histoire aurait pu être plus subtile et servir davantage la narration. Les couches assemblées dans cette œuvre en font la complexité, mais peuvent être à double tranchant dans la façon de l’appréhender. Cependant, il faut aller voir LES FEMMES AU BALCON, déjà pour soutenir cette innovation dans la représentation des vécus féminins. Ce renouveau au cinéma est d’ailleurs renforcé par les trois actrices, dont la symbiose est perceptible. Souheila Yacoub a une prestance captivante à l’écran.
Ce film ose révéler de façon brute et en devient subversif. Il décentre notre regard : le désir féminin n’est pas forcément celui auquel on s’attend, la sexualisation systématique des corps des femmes doit cesser, elles peuvent aussi être violentes en retour et même si l’épanouissement est propre à chacune de ces trois femmes, elles ont un objectif et un espoir partagés : leur quête de liberté.
Louna SAHAGUIAN
Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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