Moi, je n’ai aucun talent (c’est d’ailleurs pour ça que je me permets de critiquer). Et c’est très reconnaissable. Comment ? Parce que les seules idées pour une quelconque création artistique (aussi bien littéraire que cinématographique ou musicale) qui me plairaient pour une première « œuvre » tourneraient autour du domaine en question. Je m’explique. Un film ? Je ferais un film sur un film montrant que je sais faire un film tout en ne faisant pas un film. Ouais en plus, c’est pompeux. Et c’est un travail typique lors de la première fois. Reprendre les codes, montrer qu’on les maitrise et tenter de dire que l’on est au dessus.
Mais James Gray, lui, était loin de tout ça. Il a réussit à montrer, en ne tombant pas dans ce piège, qu’il était un réalisateur unique en devenir. Car oui, Little Odessa est une vraie œuvre marquant pleinement le début d’un style et d’une future ascension d’un réalisateur fort et très doué.
James Gray reprend en effet ici les codes du genre mais ne tombe pas dans la farce. Tout est très sérieux et pris pour ce qu’il est vraiment. La force du réalisateur réside donc dans la capacité qu’il a à prendre réellement le film pour ce qu’il est et de ne pas tenter de montrer qu’il sait faire un film. Non. James Gray sait faire et sait de quoi il parle. Attention ! Je n’ai pas dit qu’il connaissait beaucoup de tueurs à gages hein ! Pas de raccourcis ! Il s’agit en fait de l’essence même de ce que tout son cinéma sera fait : la famille, la tragédie. Gray maitrise pleinement les rapports humains et sait toujours, quelque soit le genre, dérouler une histoire tragique pure.
James Gray est en pleine éclosion derrière sa caméra.
Cette histoire est finalement, bien que différente de ses réalisations postérieures, la même que celle qu’il nous sert à chacun de ses films. Un bon classique cathartique comme on en fait plus. James Gray maitrise de bout en bout son film par une réalisation lente et hypnotisante. La patte artistique du réalisateur commence à transparaitre sous des traits fébriles. Il gère son sujet, nous emmenant comme d’habitude à travers les tréfonds humains. Et là, pour une première réalisation, une seule réaction est possible : Waouh ! Sans grandiloquence, mais donc d’une main sure, le film progresse, lentement, tout en oppressant le spectateur, jusqu’à son final déchirant.
James Gray est donc en pleine éclosion derrière sa caméra, mais la technique ne fait pas tout. Le film repose aussi sur la qualité du scénario et des deux acteurs principaux : Tim Roth et Edward Furlong. Pour un premier film, vous conviendrez que c’est quand même assez luxueux non ? M’enfin, si vos n’êtes pas d’accord sur le qualificatif dérivé du mot « luxe » (ouais je sais, ce n’est pas Charlize theron et George Clooney non plus), comprenez le plus dans le sens « quel luxe que d’avoir deux acteurs connus et doués pour un premier film ». Voilà. Car une maitrise technique, un scénario de qualité aux multiples valeurs et émotions dégagées et deux acteurs plutôt à l’aise dans leur métier, ça fait un bon cocktail non ?
Quoiqu’il en soit, revoir Little Odessa aujourd’hui est juste un énorme plaisir. Voir les premiers pas d’un réalisateur, reconnaitre le style naissant et hésitant qui s’affinera avec le temps, et, à l’inverse, voir ce qui était déjà bien présent et ancré dans la réalisation et le scénario et qui désormais fait partie des caractéristiques du réalisateur, est une joie et un bonheur purs. J’aurais bien tenté une analogie avec les premiers pas d’un enfant, mais, j’ai peur de subir la foudre de quelques critiques du genre « Euh, là, non ! Tu vas un peu loin quand même ! ». Alors, du coup, je ne le fais pas. Je le dis juste.
NOTE DE L’AUTEUR
[rating:8/10]
Joshua Shapira est un tueur à gages. Il exécute son boulot sans états d’âme. Jusqu’au jour où son commanditaire exige un contrat à Brighton Beach, quartier des Juifs russes appelé Little Odessa, où Joshua a passé son enfance.
• Titre original : Little Odessa
• Réalisation : James Gray
• Scénario : James Gray
• Acteurs principaux : Tim Roth, Edward Furlong, Moira Kelly
• Pays d’origine : Etats-Unis
• Sortie : 4 Janvier 1995
• Durée : 1h38mn
• Distributeur : Ciné Sorbonne
• Bande-Annonce :
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