Photo du film MICKEY 17
Crédits : Warner Bros. Entertainment Inc.

MICKEY 17, une critique salée de l’Amérique avec une sauce bien grasse

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Après le succès incontesté et incontestable de Parasite en 2019, le prochain film de Bong Joon-ho se faisait grandement attendre. Le réalisateur coréen est finalement revenu cette année après six ans d’absence avec MICKEY 17, un long-métrage qui a la lourde tâche de passer après un chef d’œuvre. Si l’engouement du public est au rendez-vous, il faut avouer que la marche a peut-être été trop haute pour Bong Joon-ho.

Un avenir absurde très proche de nous

Lorsqu’il est aux États-Unis, Bong Joon-ho se plaît à parler du monde d’aujourd’hui par le biais de la science-fiction. Bien que Snowpiercer et Okja soient profondément actuels, le réalisateur n’a jamais été aussi proche du monde d’aujourd’hui que dans MICKEY 17. Nous sentons que le cinéaste est marqué par la situation politique américaine, à tel point qu’il y a inséré dans son métrage un avatar de Donald Trump. Kenneth Marshall, interprété par un Mark Ruffalo délicieusement ridicule, n’est pas une satire du président américain, mais est l’homme qu’il est dans la réalité. L’unique différence est que dans le film il n’est pas parvenu à se faire élire et qu’il a jeté son dévolu sur la colonisation d’une planète. Le cinéaste est très virulent en ce qui le concerne, celui-ci le dépeignant en pantin médiatique dont les fils sont tirés par sa femme et la Compagnie. Sa mégalomanie se ressent d’autant plus dans son objectif. En souhaitant conquérir la planète Niflheim, il se sent investi d’une mission divine où il doit, comme dans la mythologie nordique, apporter le feu qui permettra de créer la vie. Évidemment, cette création se fait d’un point de vue nazi avec la constitution d’une race pure. C’est à partir de ce personnage que Bong Joon-ho va constituer son film en appuyant fortement sur la lutte des classes et la critique du capitalisme. En revanche, cela ne va pas se faire sans bévues, car il nous propose un plat dont il nous a déjà habitué auquel il ajoute, comme Ylfa, une bonne dose de sauce dégoulinante de signifiant.

Le destin tragique des honnêtes gens

Hormis la représentation de ce monstre de propagande et dictateur, MICKEY 17 est avant tout l’histoire de Mickey Barnes. C’est un homme lambda qui a la particularité d’être un suiveur. Cette caractéristique va le mener dans de sacrés bourbiers en suivant notamment Timo, son meilleur ami, et en devenant un « remplaçable ». C’est l’incarnation du prolétaire écrasé par le système. La première souligne cet aspect par la plongée sur lui, piège dans une crevasse, et la contre-plongée sur Timo qui ne se daigne pas de le sauver. Néanmoins, n’y a-t-il que les remplaçables qui sont dénigrés ? Et bien, non. À l’aéroport, nous voyons une chaîne humaine dont nous ne pouvons contempler que la silhouette et qui montre qu’ils sont remplaçables sans même l’être réellement. Dans le vaisseau, même constat, car même s’il n’y a que Mickey dans cette situation, tous les membres de l’équipage sont dans une prison volante. Cette critique atteint son paroxysme durant le dîner avec Marshall, qui est d’autant plus la meilleure séquence du film. Lors de ce repas entre lui, Ylfa, Mickey et Kai, il y a une proximité qui se crée entre eux par les plans neutres qui les mets au même niveau. Cependant, c’est une fausse proximité, car les deux groupes sont séparés par l’opulence de la table. Cela se confirme lorsque nous découvrons que ce dîner n’est qu’un énième test scientifique sur Mickey. À partir de là, les angles de caméra de la première séquence du film reviennent avec le pauvre remplaçable écrasé de nouveau par le système. Bong Joon-ho adopte un point de vue dramatique sur sa situation, notamment au début. Le montage montrant les différentes morts de Mickey n’est pas jovial contrairement à ce qui est montré dans la bande-annonce, et nous avons vraiment de la peine pour lui. Son décès dans l’espace est d’ailleurs horrible, car elle est d’une incroyable froideur. Malheureusement, jamais le film ne parvient à atteindre de nouveau ce niveau de noirceur et se rapproche au fil des minutés de l’humour de la bande-annonce, et si c’est le cas, c’est grâce, ou à cause, de Mickey 18.

Être un en deux

Face à un Mickey 17 pathétique et docile, nous retrouvons un Mickey 18 sûr de lui et anarchiste. Au vu de leurs différences, cela ne peut que créer un décalage comique. Néanmoins, c’est surtout un moyen pour Mickey 17 d’apprendre à se rebeller, et de faire comme sa version d’origine lors du montage alterné où lui et Nasha font l’amour tandis que Marshall interdit justement toute relation sexuelle. En fait, Mickey 17 ne fait que ressortir ce qu’il est au fond de lui. Tous les Mickey sont différents et représentent une facette de l’être humain originel. Si cela prouve que l’imprimante de la Compagnie n’est pas parfaite, cela montre surtout la complexité de l’Homme qui ne peut être copié facilement. L’objectif de Mickey 17 est donc de devenir Mickey Barnes, chose qu’il parvient à faire à la fin. Le souci, c’est qu’en perdant le ton dramatique du début, l’impact de cet accomplissement est moindre. Si c’est voulu que les caractères soient extrêmes entre les deux Mickey pour les différencier, il faut avouer que c’est too much. Certes, c’est la satire du film qui veut ça, toutefois le métrage en fait déjà assez de ce côté-là pour que l’on ajoute une couche en plus.

Mickey 17, un Bong Joon-ho en manque d’idées

Nous connaissons le réalisateur et ses thèmes de prédilection, et justement nous pouvions nous attendre à ce qu’ils nous surprennent, sauf qu’il ne le fait jamais. MICKEY 17 parle de colonialisme, de fascisme, de capitalisme, etc. Le problème est que nous le savions bien avant de le voir. Le réalisateur aurait dû en être conscient, mais à la place, il a préféré trop en faire. Le métrage ne fait que répéter dans la bouche des personnages ce que nous savions déjà, ce qui est même agaçant à la longue. À vrai dire, c’était plutôt logique que ce soit le cas, car la construction elle-même du métrage est très limpide. Nous savons très bien ce qui va se passer du début jusqu’à la fin, et même sur des éléments que nous aurions voulu ne pas voir. C’est le cas de quand Kai amène Mickey 17 dans sa chambre. C’est un moment qui représente le manque de surprise dans la réalisation de Bong Joon-ho. Durant cette séquence, Mickey répond pour la première fois à la question « ça fait quoi de mourir ? », et il le fait durant un long plan qui s’approche des deux personnages et qui se conclut lors de la tentative de baiser de Kai. C’est une action qui vient de nulle part tant la relation entre les deux n’a jamais été montré, et pourtant nous l’avions tous vu arriver. Cela souligne un énorme problème du film : les personnages secondaires.

Beaucoup de Pattinson pour pas assez de diversité

Avec les multiples, nous avons une double dose de Robert Pattinson. Si cela met en avant le jeu de ce dernier, cela retire du temps d’écran à d’autres personnages. Kai est une de celles qui en souffre le plus alors qu’elle aurait pu apporter quelque chose. Au cours du film, elle perd sa copine, prend part au dîner avec Marshall où elle est même très importante pour marquer la déconnexion entre les deux camps, participe à l’arrestation de Mickey, puis… plus rien. Elle est tout bonnement supprimée du climax. Lorsque nous la voyons tuer le rampeur, nous pouvons comprendre qu’elle s’est fondue dans le système, toutefois nous n’avons pas le développement qui mène à ça, et c’est même incohérent vis-à-vis de ce qui se passe durant le dîner. Au moins, Anamaria Vartolomei a eu un peu de temps d’écran, ce qui n’est pas trop le cas de Steven Yeun. Son personnage de Timo est considéré comme le meilleur ami de Mickey, sauf que nous ne le voyons que très rarement. Il n’intervient que pour montrer qu’il n’est pas le compagnon idéal et que pour permettre aux personnages principaux de sortir de leur cage. Nous pouvons peut-être y voir en lui un moyen de dire que nous sommes jamais mieux servi que par soi-même, et dans ce cas en Mickey 18, mais c’est assez vain et encore une fois trop sur-signifiant.

Avec MICKEY 17, Bong Joon-ho a souhaité aller sur les plates-bandes de Ridley Scott en proposant un Alien / Prometheus avec encore moins de subtilité. C’est bien dommage d’offrir un pastiche bien gras de sa filmographie et d’un divertissement sympathique alors qu’il aurait pu se réinventer. Il est possible que le film soit comme ça pour le public qu’il vise, c’est-à-dire celui américain, pour qu’il puisse bien comprendre ses messages. Au vu du résultat des dernières élections américaines, cela est plus que plausible…

Flavien CARRÉ

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