Avec cette nouvelle adaptation de la bande dessinée française, Netflix avait la possibilité d’offrir à ses utilisateurs une dystopie novatrice, développant les idées observées dans le film de Bong Joon-Ho. Malheureusement, les deux premiers épisodes minent d’emblée le potentiel scénaristique et n’apportent rien à la vision du réalisateur Coréen, ici producteur.
Il était réjouissant d’embarquer à nouveau dans le Snowpiercer, ce train apocalyptique contenant les derniers survivants d’un monde en proie au refroidissement climatique. L’introduction rappelle habilement ce postulat de base par l’usage d’une animation proche du manga. La transition brutale entre le dessin animé et la prise de vue réelle intervient cependant trop tôt. La première scène d’action est prémonitoire de ce qui adviendra par la suite. L’image de la caméra tremblante rend difficile à distinguer les personnages qui tentent de s’interpeller dans ce grand fracas bordélique et agressif. On se dit alors que l’embarquement tant désiré par les classes populaires est paradoxal dès lors qu’on se dirige vers un déraillement scénaristique certain.
La voix off disparaît subitement, simple subterfuge accompagnant une situation initiale bâclée, et c’est après moins de dix minutes qu’on retrouve, sans grande surprise, un postulat similaire au film de 2013. Les inclassables occupent les tréfonds du train alors que la noblesse mondiale profite de quartiers brillants. Une révolte se prépare, et avec elle le traditionnel apologue politisé, allégorie de l’éternelle lutte des classes, inhérentes aux sociétés moderne. Quand intervient l’élément déclencheur de ces dix opus, on est déjà proche de l’overdose de clichés : du vieux sage guidant le héros stratège, en passant par des personnages plus sanguins avides de combat, tout y est.
Là où Bong Joon-Ho s’appropriait la fable apocalyptique pour offrir de vrais moments de cinéma (ah, ce réveillon violent et acerbe fêté en plein affrontement…), il n’en est rien ici. Les séquences développant des personnages lisses et sans profondeur s’enchaînent. La lutte sociale reproduite à l’identique apparaît comme une facilité scénaristique, tandis que la réalisation, maladroite et peu ambitieuse, ne parvient pas à enrichir un récit typique de n’importe quel blockbuster dystopique de la dernière décennie. Pourtant, l’idée d’insérer dans cet univers une intrigue policière est loin d’être mauvaise. Il fallait pour transformer l’essai proposer une enquête prenante et cohérente. Ici, l’investigation est à l’image du détective choisi parmi les plus pauvres du train : vide et dépourvue d’intérêt.
Lorsque l’enquête débute, on se dit que celle-ci permettra d’explorer le train et que les différents lieux donneront naissance à la création artistique démesurée qu’avait laissé entrevoir Bong Joon-Ho en 2013. Erreur fatale : hormis une jolie séquence de concert et un plan dans un aquarium où le temps semble se dissoudre au profit d’un geste purement poétique, les décors se suivent et se ressemblent. Le manque d’ambition aurait pu être compensé par des rebondissements surprenants, à l’image du train : labyrinthique et sujet à la perdition. Encore une fois, dès les dernières scènes du premier opus, le personnage joué par Jennifer Connely perd en épaisseur. L’énigme l’entourant est vite élucidée et l’on devine trop rapidement les enjeux futurs.
Comme certains personnages, on regrette d’être montés dans le train. Il est même quasiment sûr que nous n’embarquerons pas à bord des prochains épisodes, lesquels sortiront au compte-gouttes. Un tel projet aurait dû développer des intrigues engendrées par la singularité du scénario de base, dans la continuité des esquisses proposées par le film de Bong Joon-Ho. Pourquoi s’approprier une bande-dessinée ambitieuse pour y calquer un cluedo macabre dépouillé d’un quelconque enjeu ? Netflix devra revoir sa politique au plus vite si elle ne veut pas mettre sur la touche ses passagers exigeants en quête d’aventures aussi inventives que divertissantes.
Emeric
• Créateur.rice.s : Josh Friedman
• Acteurs : Jennifer Connelly Daveed Diggs Mickey Summer Annalise Basso
•Date de sortie : Mai 2020
• Durée des épisodes : 55 minutes