Photo du film NOUVELLE VAGUE
Crédits : Jean-Louis Fernandez

NOUVELLE VAGUE, un raz-de-marée bien trop calme | Critique

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La Nouvelle Vague est un mouvement cinématographique révolutionnaire. S’il a évidemment changé le visage du cinéma français, cet élan a également marqué le cinéma mondial, en particulier celui américain. Richard Linklater en est un héritier et l’a revendiqué à travers ses différentes productions. Avec NOUVELLE VAGUE, il rend cette fois un hommage direct à ce mouvement. Ce témoignage d’une époque se distingue par un grand respect envers celle-ci, mais Linklater ne parvient pas à aller au-delà de la simple révérence.

Nouvelle Vague, un film trop respectueux de ses aînés

Richard Linklater rend hommage à la Nouvelle Vague à travers le film qui incarne le mieux cet élan de liberté : À bout de souffle de Jean-Luc Godard. Par ce prisme, il dresse le portrait de toute une génération en montrant frontalement leur visage. Cela donne parfois l’impression de se trouver face à un catalogue, le cinéaste américain cherchant à imiter son homologue français dans le métrage en rendant hommage à ces figures en inscrivant leurs noms et leurs visages dans l’éternité de la pellicule.

Il reproduit plus ou moins cette idée dans sa réalisation, mais ne parvient pas à retranscrire l’essence stylistique de la Nouvelle Vague ni celle de Godard, que ce soit à la caméra ou au montage. NOUVELLE VAGUE observe avec respect cette époque sans jamais dépasser le cadre de spectateur alors que même son sujet ne l’est, lui, qu’un court instant.

Jean-Michel avant Godard

Le véritable sujet de NOUVELLE VAGUE n’est pas le mouvement, mais Godard lui-même. Linklater nous dévoile les différentes facettes du personnage, montrant notamment sa frustration de ne pas pouvoir quitter son bureau des Cahiers du Cinéma pour tourner un film. Nous contemplons alors son évolution, de l’élève complexé, simple spectateur au Festival de Cannes et auditeur attentif de Roberto Rossellini, au réalisateur affirmé, fidèle à ses préceptes originaux.

Linklater fait preuve d’une certaine tendresse envers le réalisateur, mais cette bienveillance permet justement de lever le voile sur un aspect inédit de l’homme et qui explique tout son processus créatif : le véritable Godard. Ce dernier est le jeune homme rêvant d’une carrière de romancier, seul dans sa chambre à écrire et qui, des années plus tard, se retrouve dans la même solitude en préparant À bout de souffle, un film possédant des touches autobiographiques. Le réalisateur aborde ainsi le tournage comme on affronte une feuille blanche, dans une démarche profondément solitaire, ce qui explique sans doute pourquoi personne ne comprend vraiment ce qu’il fait. En restant fidèle à lui-même, il adresse un pied-de-nez à l’industrie cinématographique et conquiert ainsi sa liberté.

Linklater appuie cet aspect par les discussions entre Godard et son producteur qui incarnent, en réalité, ce qu’est À bout de souffle : un projet né d’une collaboration harmonieuse symbolisée par la marche dans la même direction, mais dont les trajectoires finissent par diverger avant de se heurter dans une bagarre. L’image qui saute et la narration éclatée que ces échanges évoquent peuvent sembler superficielles, mais Godard parvient malgré tout à toucher le réel.

Capturer le réel

Godard prend les rênes de son film, ce que Linklater peine à faire, mais le réalisateur américain parvient malgré tout à atteindre ce que le cinéaste français recherche : le réel. En filmant le tournage, Linklater réussit à capter, par la force des choses, la réalité. Face à l’incompréhension globale suscitée par le projet de Godard, le processus créatif est d’abord compliqué, mais NOUVELLE VAGUE finit par trouver ce qu’il cherche à mesure que le tournage avance.

La réalité se manifeste paradoxalement lorsque Godard n’est pas à l’écran, comme s’il se plaçait derrière notre caméra. Nous le percevons dans la complicité grandissante entre Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo, qui finissent par jouer, en quelque sorte, leur propre rôle. Ce rapport révèle les clés de compréhension des intentions de Godard. Sa forte individualité se confronte à celle des autres ce qui leur permet ainsi de la faire ressortir, d’abord hors de l’écran, avant de s’y inscrire pleinement.

Une histoire d’amitié

Dans l’entonnoir créé par Linklater, au bout de NOUVELLE VAGUE, Godard n’est pas seul : à ses côtés se trouve François Truffaut. Le réalisateur met en scène une sorte de « rivalité » entre les deux, que ce soit dans leur manière de faire du cinéma ou dans leur rapport aux producteurs et au public. Le parallèle établi tout au long du métrage est évident, Truffaut étant le cinéaste de la Nouvelle Vague le plus populaire, tandis que Godard est son opposé. Nous assistons à la naissance d’un mythe Truffaut/Godard avec le réalisateur apprécié et celui incompris, mais le film l’efface quasi instantanément. Si Truffaut est la lumière, Godard n’est pas son ombre, mais une « lumière dégueulasse », comme celle qu’il observe avec son chef opérateur Raoul Coutard lors du tournage de son film.

NOUVELLE VAGUE souligne bien, dans un encart sans doute dispensable, que Godard et ceux qui ont travaillé avec lui ont tous connu le succès. Néanmoins, ce n’est pas là l’objectif de Godard. Son véritable but est celui de projeter son film sur grand écran, ce qui est fait à la fin dans une séquence faisant écho à celle du début. Il n’y parvient cependant pas seul : Truffaut est là pour le soutenir. La « rivalité » n’est en fait qu’un voile, puisque tout ce que nous retenons à la fin c’est l’amitié, que ce soit avec lui ou avec les autres. Les Cahiers du Cinéma et ceux qui gravitent autour sont une véritable famille, et si Linklater souhaitait capturer l’esprit de la Nouvelle Vague, alors il y est parvenu en le montrant ainsi.

NOUVELLE VAGUE est un beau livre d’image. Il est assez sobre, manquant de collages et d’une audace visuelle qui aurait pu le rendre aussi singulier et mémorable que les œuvres des figures qu’il met en scène. Malgré tout, lorsque nous le refermons, un sourire nous vient aux lèvres, car le fan est comblé bien que le cinéphile, lui, ne l’est pas complètement.

Flavien CARRÉ

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