HEAT

HEAT, œuvre monumentale – Critique

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Il est peu étonnant que La Horde Sauvage se place sans difficultés dans le top cinéma de Michael Mann tant l’ombre de Sam Peckinpah plane en permanence sur HEAT.

Ce western urbain se glisse à merveille dans l’humeur mélancolique, voire élégiaque, des grandes œuvres qui ont bâties la renommé du réalisateur du désenchanté Pat Garett and Billy the Kid. Et comme une relecture amendée à l’heure des nineties, Michael Mann introduit dans un Los Angeles architectonique des cow-boys – Neil McCauley et son gang de braqueurs de banques, et des shérifs – Vincent Hannah, cet inspecteur habité par un sixième sens mais dépassé par les mouvements irréversibles de l’évolution moderne.

« My life’s a disaster zone… That’s my life. »

Photo du film HEAT

Alors, s’engage un duel, une poursuite impitoyable, dans le plus grand film des années 90, entre ces deux hommes que tout oppose d’un point de vue légal mais que tout rapproche sur le plan métaphysique. Neil McCauley et Vincent Hannah sont en réalité les mêmes personnes, animés par la même vision cynique du monde. Professionnels, ils excellent dans leurs domaines respectifs, que l’on parle de hold-up ou lorsqu’il s’agit de coffrer ceux qui les commettent. Ce que l’on retient aussi, avec De Niro et Pacino réunis à l’écran, c’est l’une des plus célèbres séquences de l’histoire contemporaine du cinéma dans laquelle HEAT atteint des sommets. Dans ce café modeste, aux heures tardives, du cœur de cette confrontation apaisée entre deux âmes perdues au milieu des lumières flamboyantes de la ville, surgit toute l’anachronisme des personnages et la fatalité, témoin de leur prochaine disparition, agira comme mauvais un coup du sort.

HEAT est donc une histoire de fantômes spectateurs du vide existentiel de notre société, atteints d’une expertise pathologique, à la recherche perpétuelle d’un Eden en forme de mirage. Alors, s’échapper de ce monde qui se vautre dans le capitalisme « post moderne bullshit », filmé avec autant de fascination que de satire par Michael Mann, devient l’unique objectif de la survie. Ce n’est donc pas par hasard si Neil McCauley contemple l’horizon marin au travers d’une baie vitrée comme une utopie et une irrépressible envie d’ailleurs. Cette échappatoire, qui émaille avec cohérence toute la filmographie de Michael Mann, est convoquée par les plages aux algues fluorescentes des îles Fidji. Mais cette illusion, les personnages Mannien ne la trouveront jamais. Et quand ils parviennent à atteindre ce petit bout de paradis, miraculeusement, c’est le système qui les rattrape, qui les somme de retomber dans un monde frénétique vrillant à toute allure.

« I don’t even know what I’m doing anymore. I know life is short, whatever time you get is luck. »

Et alors que Neil McCauley prend conscience que son rêve de terre promise se s’accomplira jamais, le sabordage suicidaire pointe inéluctablement le bout de son nez. Réalisant, avec retard, que son heure est passée, que le monde qu’il a connu appartient désormais à l’histoire ancienne, c’est avec l’atroce sentiment de la solitude et avec la conscience d’avoir vécu dans un univers cousu de carton pâte que Neil McCauley se jette à corps perdu vers une mort irrévocable. HEAT, œuvre monumentale, à redécouvrir impérativement.

Sofiane

Note des lecteurs10 Notes
Titre original : Heat
Réalisation & scénario : Michael Mann
Avec : Rober de Niro, Al Pacino, Val Kilmer
Date de sortie : 21 Février 1996
Date de reprise : 21 Mars 2018
Durée : 2h50min
4.5
MONUMENTAL

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