Photo du film THE WHALE
Crédits : A24

THE WHALE, requiem for a man – Critique

6 ans après Mother!, Darren Aronofsky est de retour avec le très attendu THE WHALE, une œuvre poignante et déchirante, qui signe le retour de Brendan Fraser sur grand écran. L’attente en valait-elle le coup ? THE WHALE marque un retour réussi pour l’acteur, malgré certaines indélicatesses.

Si l’annonce d’un nouveau film de Darren Aronofsky est toujours un événement, l’attente gravite cette fois-ci davantage autour du come-back de Brendan Fraser. Un acteur qui s’est naturellement éloigné des studios hollywoodien, la faute à de longues périodes de convalescence, mais aussi à un retrait de la vie médiatique, marqué par une affaire #metoo qui l’aura profondément traumatisé. Un retour plébiscité par la critique, et à raison. Cependant, la prestation bouleversante et sans faute de Brendan Fraser prend l’avantage sur une histoire parfois maladroite.

THE WHALE est en réalité une adaptation de la pièce de théâtre éponyme de Samuel D. Hunter, alors heureux de se voir proposer la place de scénariste au côté de Darren Aronofsky. Cette théâtralité se ressent pleinement dans un film à huis clos, où les personnages vont et viennent au gré des situations, participant à la création d’une ambiance pernicieuse.

Charlie (Brendan Fraser) est un professeur souffrant d’obésité morbide. Résigné à une ultime chance de guérison, il s’engraisse à longueur de journée en attendant que la mort frappe à sa porte. Sa vie bascule naturellement vers les enfers et plus personne ne semble pouvoir agir, même pas Liz (Hong Chau) son amie et infirmière qui s’occupe régulièrement de lui. Son unique chance de rédemption réside dans sa tentative de renouer des liens avec Ellie (Sadie Sink), sa fille de 17 ans qu’il a abandonnée 9 ans auparavant.

Photo du film THE WHALE
Crédits : A24

« Il a passé sa vie à vouloir tuer cette baleine, car Moby-Dick ne ressent rien. »

Comparer Moby-Dick et Charlie (Brendan Fraser) relève autant de l’évidence que le nez au milieu de la figure.

Mais au cas où on ne l’aurait pas compris, Darren Aronofsky nous le rappellera tout au long du film de manière peu subtile, voire grossière. Dans le roman d’Herman Melville, Moby-Dick est une baleine blanche titanesque, incarnation du mal. Ismaël, le narrateur de l’œuvre, a un lourd passif avec cette créature (qui lui a arraché la jambe). Soif de vengeance, il part à la recherche de la baleine à l’aide de son équipage. 

Une symbolique intéressante faisant écho à la propre vie de Charlie et de sa fille Ellie, elle aussi avide d’une consolation assez profonde, mais montrée de manière beaucoup trop évidente, Charlie exprimant un extrait du livre d’Herman Melville, significatif de sa misérable condition, de son dégoût de lui-même, du dégoût des autres. Un homme qui se répugne, qui à peur que son apparence le condamne à la médiocrité, se cachant du monde extérieur, même durant ses cours en visio. 

THE WHALE dépeint une revanche recherchée par ses personnages, une délivrance dont on souhaite s’imprégner, chacun trouvant un exutoire pour y parvenir. 

Addiction et rédemption.

THE WHALE réunit tous les ingrédients d’un film propre à Darren Aronofsky. Charlie est atteint du même trouble que d’autres personnages phares du réalisateur, la souffrance. Un homme addict à la nourriture qui, à l’instar d’Harry Goldfarb dans Requiem for a Dream, relève plus d’une punition que d’un véritable soulagement, la solution étant ailleurs. Un personnage qui, dans un dernier salut, cherche à recoller les morceaux d’une relation père / fille brisée, à l’image du personnage de Randy dans The Wrestler. Des vices communs qui naturellement s’imprègnent dans le corps d’un homme en totale perdition.

Le réalisateur de The Fountain accorde, dans l’ensemble de sa filmographie, une part dominante de supplice et de douleur. Charlie est prisonnier d’un corps, prisonnier d’une situation familiale et personnelle dont il ne peut s’échapper, prisonnier du poids de la culpabilité dont il ne peut se défaire. 

Une douleur et une oppression qu’on retrouve dans la réalisation d’Aronofsky, exploitant ici un plan moyen de sorte à ne faire tenir qu’un seul personnage dans le cadre, ce qui rend Charlie encore plus imposant. Un cadrage efficace qui fonctionne naturellement avec le huis clos qui s’impose. Charlie ne sort pas de chez lui et le spectateur n’aura que des rares occasions de respirer l’air extérieur. THE WHALE puise sa force dans cette réalisation où aucune place n’est laissée à la fraîcheur, où le confinement subit par Charlie nous condamne à ressentir cette oppression. Il en est de même pour le travail sonore, très organique, laissant entendre la respiration saccadée de Charlie et par l’ambiance musicale tout au long du film, plongeant le spectateur sous l’océan, totalement débordé, incapable de respirer. Une lumière sombre et un climat anxiogène dont Darren Aronofsky à le secret et qui profite grandement à son œuvre autant qu’elle la dessert, tombant parfois dans quelques excès, à la limite du pathos. 

Photo du film THE WHALE
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En lice pour décrocher 3 oscars (Meilleur acteur, meilleure actrice secondaire, meilleurs maquillages et coiffures), THE WHALE transcende par ces interprétations.

Brendan Fraser, méconnaissable dans la peau d’un homme pesant plus de 272 kilos, est remarquable et signe un retour d’une grandeur abyssale. Que dire de Hong Chau, qui interprète Liz ? Sa prestation est exceptionnelle dans le rôle d’une femme qui lutte pour sauver Charlie, une lutte qu’elle sait perdue d’avance. Sa spontanéité est un vent de fraîcheur qui vacille entre complexité et légèreté.

Photo du film THE WHALE
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Sadie Sink, quant à elle, signe une prestation juste, mais moins émouvante que ces camarades. Son rôle d’adolescente en crise, provocante, rabaissante, qui use de son malheur pour faire vivre des atrocités à son père ne montre pas tout le potentiel dramatique dont elle pourrait faire preuve. Une interprétation qui colle à son rôle, mais moins efficace devant le charisme du jeu de Brendan Fraser. Une fille qui déteste manifestement son père jusqu’à l’humilier publiquement sur les réseaux sociaux, mais qui cache en réalité des plaies plus profondes qui la rendent attachante. Une colère où le poids de la haine s’imprègne totalement au rôle de l’adolescente en crise qu’elle interprète.

THE WHALE restera dans la filmographie de Darren Aronofsky comme une œuvre grandiose et excellente, signant le grand retour de Brendan Fraser, qui porte le film magistralement, mais certainement pas comme l’œuvre la plus marquante du réalisateur.

Amaury Dumontet

Paul
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whale - THE WHALE, requiem for a man - Critique
Titre original : The Whale
Réalisation : Darren Aronofsky
Scénario : Samuel D. Hunter
Acteurs principaux : Brendan Fraser, Sadie Sink, Hong Chau
Date de sortie : 8 mars 2023
Durée : 1h57min
4
Excellent

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