[critique] Intolérable Cruauté

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Miles Massey est l’avocat que l’on s’arrache quand on veut divorcer. Sa renommée et son train de vie témoignent de sa remarquable réussite. Mais Miles s’ennuie. Il ne va pas tarder à trouver un cas à sa mesure.
Marylin Rexroth, future ex-femme d’un richissime investisseur immobilier pris en flagrant délit d’adultère, comptait profiter de la vie et d’une belle pension. Mais Miles réussit à dispenser son client du moindre dédommagement.
Décidée à se venger, la jeune femme épouse aussitôt un magnat du pétrole. Entre Miles et Marylin commence alors un match où tous les coups sont permis.

Note de l’Auteur

[rating:7/10]

Date de sortie : 19 novembre 2003
Réalisé par Joel Coen, Ethan Coen
Film américain
Avec George Clooney, Catherine Zeta-Jones, Julia Duffy
Durée : 1h 40min
Titre original : Intolerable Cruelty
Bande-Annonce :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=1tJC7EaZ8fA[/youtube]

Si l’on veut bien admettre que le but des frères Coen est de se livrer à un vrai jeu de massacre sur les genres du cinéma hollywoodien pour débusquer les tares de l’Américain standard alors Intolérable Cruauté est une comédie extrêmement réjouissante. Après s’être attaqué au film noir (Fargo et The Barber pour ne citer qu’eux deux) au film sur les affres de la création (Barton Fink) et au film d’évasion (O’Brothers), les frères Coen abordent cette fois-ci la comédie sophistiquée (variante de la comédie sentimentale, incluant elle-même la comédie du remariage). La comédie sophistiquée est souvent l’occasion de mettre en vedette des stars, des dialogues et des décors. Chacun de ses éléments tirant partie des autres pour un vrai feu d’artifice d’intelligence et une valorisation du couple comme cellule de base de la société.

Dans Intolérable Cruauté, seuls les dialogues et les décors sont sophistiqués mais les personnages sont si simplistes (la croqueuse de maris, l’avocat malin mais au cœur d’artichaut, le fidèle second) que la comédie tourne le plus souvent au burlesque (la découverte de l’amant dans la chambre avec l’apothéose du trophée de soap dans les fesses du mari, les interventions du détective noir, le jardinier bodybuildé…).

Ce que les frères Coen ont en effet éliminé de cette comédie c’est l’humain. NOMAN (National Organisation of Matrimonial Attorney Nationwide) proclame l’affiche du Congrès d’avocats auquel doit participer Miles Massey à Las Vegas. Mais déjà, dès les premiers épisodes californiens, Miles n’avait plus grand choses d’humain. Il est métonymiquement résumé à une bouche aux dents éclatantes ; celle-ci apparaissant seule alors que le reste de son corps a disparu derrière un masque de protection de dentiste ou le pare-brise de sa voiture. Toutes ses tentatives pour sortir de l’ennui (gag burlesque encore des balles de tennis renvoyées mécaniquement) seront vaines et la fin est loin d’être un happy end.

La cupidité éloigne du bonheur, telle pourrait être la morale simpliste mais probablement juste que les frères Coen comme Miles dénonce ici. Mais, il importe peu de le savoir encore faut-il l’éprouver. Or la compromission finale du couple dans le soap, mis en scène par le premier cocu du film et animé par le détective noir au mot d’ordre vorace « Nail your ass », ne laisse pas augurer d’un changement de comportement. Miles abandonne seulement le barreau pour le secteur, plus lucratif encore, de la télévision.

Il file ainsi tout droit vers le terrible destin de l’associé principal qui pourtant le terrifiait. Celui-ci bardé de tuyaux qui sortent de lui comme des vers déjà à l’œuvre sur un cadavre est remarquablement effrayant. Difficile de savoir si les trois séquences où il intervient sont toutes fantasmées. La première prend place entre deux séquences où Miles est dans son bureau et pourrait être un cauchemar éveillé. Miles se retrouve dans une sinistre salle d’attente où il découvre sous une pile de livres (l’intolérable cruauté de la vérité sous l’apparence ?) une brochure indiquant « comment vivre sans intestin ». Après un gros plan sur lui interloqué, on le voit descendre sous la terre pour être félicité. La seconde séquence, reprise excessive de la première, est un cauchemar et la troisième est une scène de remontrance qui le conduit à commanditer le meurtre de sa femme. Toutes ses séquences sont introduites par le requiem de Mozart (déjà utilisé au début de The Big Lebowski). La rupture qu’il introduit avec la musique légère des années 60 privilégie la piste de scènes fantasmées.

Est-il utile de dire encore ici que George Clooney se révèle un acteur exceptionnellement talentueux ?

La cupidité sur terre, la mort sous la terre, seul le ciel offre encore un espace où la révélation est possible. Ainsi en est-il de la double séquence de Miles puis de Marylin dans l’avion qui le conduit puis la ramène de Las Vegas. L’hôtesse off, (la voix de la raison ?) fait remarquer à Miles qu’il va sans doute risquer la chance à Las Vegas, celui-ci lui répond qu’il va pour affaire et qu’il est sûr de gagner : il s’y fera pourtant berner. La même voix off indique ensuite à Marylin qu’elle a perdu, ce qu’elle reconnaît alors qu’elle vient pourtant d’empocher la fortune de son mari. Mais ni l’un ni l’autre, même s’ils entendent cette voix, ne changeront. Intolérable Cruauté est décidément un vrai jeu de massacre.

Est-il utile de dire encore ici que George Clooney se révèle un acteur exceptionnellement talentueux ? Il est digne du Cary Grant de la grande époque : aussi à l’aise dans le registre de la classe pure (Ocean’s Eleven) du drame (Solaris) qu’ici du burlesque. Clonney rejoue ici la même scène avec Catherine Zeta-Jones qu’avec Julia Roberts dans Ocean’s Eleven : une séduisante invitation à diner qui masque une machination (là un téléphone dans la poche, ici un éloignement pour cambriolage). Malgré la beauté des dialogues qui caractérise cette scène et la valorisation des acteurs qu’elle induit, Clooney ne s’attarde pas dans ce brillant registre et s’impose dans le burlesque.

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